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Près d'un tiers du CO2 émis par l’Homme serait capturé par les océans grâce à des processus chimiques et biologiques. Le gaz carboniquegaz carbonique se dissout en effet très bien dans l'eau de mer, qui contient naturellement des ionsions carbonates, où il participe à l'acidification des océans. Il peut également être capturé par des organismes pratiquant la photosynthèse, comme le phytoplancton, qui l'utiliseront pour produire de la matièrematière végétale.
À leur mort, le carbonecarbone capturé par ces algues peut soit retourner dans l'atmosphère, et donc agir sur le climat, soit précipiter lentement vers les fonds marins au sein de la matière organique en suspension. Il sera alors emprisonné durablement, perdant toute possibilité d'action sur le réchauffement climatique. D'autres organismes joueraient également un rôle primordial dans le fonctionnement de cette pompe biologique : les petits poissonspoissons ! En se nourrissant des microalgues, ils concentrent en effet du carbone dans leurs déjections qui coulent plus rapidement que le phytoplanctonphytoplancton mort.
Peu d'informations sont disponibles sur le rôle des poissons sur la capture du carbone par les océans. Selon Grace Saba de la Rutgers University et Deborah Steinberg de la Virginia Institute of Marine Science (VIMS), il ne serait pourtant pas négligeable ! Leur étude vient d'être publiée dans la revue Scientific Reports.
Des restes de copépodes ont été trouvés dans les pelotes fécales d’anchois : en 1, un appendice servant à la nage ; en 2, une antenne ; en 3, une furca (segment en forme de fourche) caudale. Les déjections de ces crustacés participent également à l'emprisonnement du carbone dans les sédiments marins, selon le même principe que celui des poissons. © Grace Saba, Rutgers IMCS
Le poisson : un élément clé de la pompe biologique
Des fècesfèces d'anchois de Californie (Engraulis mordax), poissons pouvant atteindre une longueur de 13 cm, ont été récoltées grâce à un filet adapté dans le canal de Santa Barbara (au sud de la Californie). La profondeur moyenne sur site était de 512 m. Cette zone abrite des eaux particulièrement riches en nutrimentsnutriments, donc favorables à la prolifération du phytoplancton, grâce à la survenue saisonnière d'upwellingupwelling.
Jusqu'à 6 pelotes fécales ont été trouvées par m3 d'eau, entre la surface et 50 m de profondeur. Mesurant 1 à 6 mm de long, elles se composaient majoritairement de restes de dinoflagellés et de diatomées, deux algues, et de copépodes, un crustacécrustacé. Chaque déjection contenait en moyenne 22 µg de carbone. La quantité peut paraître dérisoire mais un anchois produit un grand nombre de pelotes et, surtout, ces poissons forment, on le sait, d'immenses bancs, jusqu'à plus de 70 m de diamètre. La vitessevitesse de descente d'une fèces, environ 787 m par jour, a été mesurée sur le navire de recherche, le R/V Point Sur. Les déjections atteignent donc le fond en moins d'une journée, ce qui est relativement rapide.
Le flux total de carbone en direction des fonds marins via les déjections a été estimé, pour le site d'étude et dans le meilleur des cas, à 251 mg par m² et par jour. Cette valeur serait supérieure à la quantité transportée par la matière organique en suspension, comme l'ont démontré des mesures prises grâce à un piège à sédiments (20 à 200 mg par m² et par jour). Les poissons joueraient donc un rôle significatif dans la capture durable du carbone. Un tel taux pourrait être observé dans les eaux côtières du Pacifique bordant l'Amérique du Nord et du Sud. Des upwellings y apportent en effet de grandes quantités d'éléments nutritifs. En France, 5.000 à 6.000 tonnes sont consommées par an. Faudrait-il cesser de manger des anchois pour sauver le climat ?