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Un crabe poilu (Kiwa hirsuta) a été découvert près de l'île de Pâques par les scientifiques français de l'Ifremer. © Ifremer
Le Census of Marine Life (ou recensement des espèces marines) s'est achevé comme prévu, au mois d'octobre 2010 ; 2010 étant l'année internationale de la biodiversité. Le travail de 2.700 chercheurs de 80 pays avait pour but de répondre à trois questions :
- Qu'est ce qui vit dans la mer ?
- Où vivent-ils ?
- Combien sont-ils ?
Outre le fait légitime d'assouvir une soif de connaissances, l'ambition était avant tout de mieux faire connaître la biodiversité marine, afin de la préserver et d'améliorer la gestion d'un écosystème recouvrant 70 % de la surface du globe.
Pour réaliser cet ambitieux recensement, différents moyens ont été utilisés, des plus traditionnels aux engins de pointe : des filets, des sous-marins, des microphones capables d'enregistrer les sons sous-marins, des satellites pour pister les migrations, la génétiquegénétique grâce à l'analyse de l'ADNADN... Finalement, les chercheurs ont compilé les 10 millions d'observations réalisées en amont et les quelques millions d'observations rapportées par les 540 expéditions effectuées dans le cadre du recensement. Les 2.600 publications résultant du projet sont aujourd'hui exposées au grand public. Au total, cet immense coup de filet a ramené environ 6.000 espèces potentiellement nouvelles, qui sont actuellement en cours de description.
Les recherches ne se sont pas arrêtées aux poissons, loin de là. Les oiseaux, les mammifères, les invertébrésinvertébrés et le planctonplancton sont aussi de la partie, et pour cause : rappelons que 90 % de la biomassebiomasse marine correspond aux espèces microbiennes. Les chercheurs estiment à 250.000 le nombre d'espèces désormais répertoriées, dont plus de 6.000 ont été nouvellement identifiées.
Découvertes sur la biodiversité
Une espèce de langoustine a par exemple été découverte dans la mer des Philippines par une équipe internationale, dont Philippe Bouchet, du Muséum National d'Histoire Naturelle. Nommée Dinochelus ausubeli (dino pour « terrifiant », chela pour « prince » et ausubeli pour « Jesse Ausubel », co-fondateur du Census of Marine Life), elle possède de surprenantes pattes thoraciques très asymétriquesasymétriques. La pince gauche, très longue et épineuse, serait utilisée pour capturer des proies. Une langouste géante (Panulirus barbarae) de 4 kilogrammeskilogrammes et 50 centimètres de long a également été découverte près de Madagascar.
La nouvelle espèce de langoustine découverte (Dinochelus ausubeli) possède une longue pince épineuse. © Tin-Yam Chan
De plus, des espèces que l'on pensait éteintes ont été observées, à l'image de la crevette jurassiquejurassique retrouvée en Australie et que l'on croyait disparue depuis 50 millions d'années.
Cartographie de la biodiversité
De façon surprenante, il n'existe pas de région où la vie n'a pas été retrouvée. Qu'il y ait peu d'oxygène ou de lumièrelumière, ou une température extrêmement élevée... La vie semble possible quelles que soient les conditions. De nouvelles régions sont aussi colonisées, comme les zones de fontes des glaciers.
Une première carte globale de la diversité sous-marine a ainsi été effectuée, montrant une biodiversité importante au niveau des côtes de l'océan Pacifique tropical occidental, ainsi que dans les régions océaniques aux latitudeslatitudes plus tempérées. Les dorsales océaniquesdorsales océaniques, les monts sous-marins, les plaines abyssales et les bordures continentales sont aussi habitées. Pourtant, 20 % du volumevolume océanique est toujours privé de données.
La biodiversité en danger !
La biodiversitébiodiversité telle qu'elle est aujourd'hui risque fort de ne pas se perpétuer. La surpêche, la destruction de l'habitat ou la pollution menacent de disparition un grand nombre d'espèces marines. La quantité de plancton, base de la chaîne alimentairechaîne alimentaire océanique, aurait diminué de 40 % au cours des cinquante dernières années, une disparition qui pourrait s'expliquer par le réchauffement océanique. Dans certaines régions, jusqu'à 99 % des requins ont disparu.
Malgré les efforts des scientifiques, l'étude est loin d'être exhaustive : d'après les estimations, il semble que pour chaque espèce recensée, trois restent à découvrir, soit 750.000 espèces encore inconnues. Il reste donc encore énormément de travail à fournir, suffisamment pour réaliser un second opus du Census of Marine Life, ce qui ne semble pas effrayer les scientifiques.
En attendant, il est maintenant possible d'obtenir des informations, des photos et des vidéos pour un grand nombre d'espèces référencées, grâce aux sites Web de l'Ocean Biogeographic Information System et du Census of Marine Life.