Un groupe de chercheurs en géosciences vient de publier dans Nature une étude inquiétante. En utilisant des microfossiles, ils ont reconstitué la montée du niveau des océans il y a 124.000 ans. Celui-ci aurait monté bien plus vite que ne le prévoit les modèles climatiques.

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    Un foraminifère, minuscule coquillage qui enregistre dans sa coquille le niveau de la mer. Crédit : Howard Spero, UC Davis/NSF

    Un foraminifère, minuscule coquillage qui enregistre dans sa coquille le niveau de la mer. Crédit : Howard Spero, UC Davis/NSF

    La géochimie isotopique est l'une des plus puissantes méthodes en géosciences. Elle fournit tout d'abord une chronologie absolue grâce à ces traceurs efficaces que sont les isotopesisotopes. Elle permet aussi de remonter à des flux de matièrematière dans l'espace et dans le temps ainsi qu'à certaines conditions physiquesphysiques régnant à l'intérieur du globe ou à sa surface.

    L'un de ces traceurs est 18O, isotope de l'oxygène (16O) avec deux neutronsneutrons de plus. En fonction de la température de l'eau et de sa concentration en 18O, la coquille carbonatée des foraminifères planctoniques, s'enrichit en cet isotope dans une proportion donnée. A condition de tenir compte de la température de l'eau, on peut donc utiliser ces foraminifères comme des enregistreurs du 18O océanique.

    Or, cette concentration est directement reliée au volume de la calotte glaciaire. La quantité d'eau sur Terre étant constante, on peut remonter au niveau des océans sur notre planète en étudiant la composition isotopique de certains foraminifères dans les sédiments.

    La teneur de la glace des calottes polaires en isotope 18 de l'oxygène différant de celle de l'océan, sa concentration dans l'eau de mer varie au cours du temps, entre les époques chaudes et froides. Le volume total de l'eau, dans les océans et dans les calottes, étant constant, la teneur en isotope 18 est donc lié au niveau des mers. Crédit : Institut national de recherche pédagogique

    La teneur de la glace des calottes polaires en isotope 18 de l'oxygène différant de celle de l'océan, sa concentration dans l'eau de mer varie au cours du temps, entre les époques chaudes et froides. Le volume total de l'eau, dans les océans et dans les calottes, étant constant, la teneur en isotope 18 est donc lié au niveau des mers. Crédit : Institut national de recherche pédagogique

    On savait déjà, grâce à cette méthode, que le niveau des océans avait monté, il y a 124.000 environ, pendant une période chaude séparant deux glaciationsglaciations. La température moyenne du globe dépassait de 2° C la température actuelle et le niveau des océans était plus élevé de six mètres. En revanche, on ignorait en combien de temps le niveau des océans avait augmenté.

    Les archives de la Mer Rouge

    En utilisant des sédiments de la Mer Rouge datant de cette époque, les chercheurs ont pu relier les modifications de composition isotopique des foraminifères (des globigérines) avec des âges précis de certains récifs coralliensrécifs coralliens. Alors est arrivée la surprise.

    Seulement quelques centaines d'années auraient été suffisantes pour une élévation du niveau des océans de six mètres. Plus précisément, la vitessevitesse estimée est de 1,6 mètre par siècle, ce qui est presque trois fois plus rapide que les estimations fournies par le GIEC pour la montée du niveau des océans à la fin de ce siècle.

    Cependant, certains experts pointent déjà du doigt les incertitudes de la méthode utilisée par les auteurs de l'étude, qui conduiraient à surestimer la vitesse d'élévation du niveau de la mer. Si les chercheurs ont raison, il faut en conclure que nous ne comprenons pas encore très bien les mécanismes capables de faire fondre les calottes glaciairescalottes glaciaires et que, malheureusement, les effets du réchauffement climatique à court terme pourraient être plus importants que prévu.