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L'expédition Polar Pod devrait réaliser un tour complet de l'Antarctique, le long du courant circumpolaire austral, dont la boucle atteint 24.000 km. C'est un rouage clé pour la mécanique des océans mondiaux, opérant la jonction entre l'Atlantique, le Pacifique et l'océan Indien. Pourvoyeur d'eau froide qui s'écoule en profondeur et générateur d'air froid, il joue aussi un rôle important dans les interactions entre l'atmosphère et l'océan. © DR
Les navigateursnavigateurs du Vendée Globe veulent aller le plus vite possible autour de la Terre, mais Jean-Louis Étienne, lui, veut prendre son temps. Sa prochaine expédition, baptisée Polar Pod, le conduira autour du continent antarctique et il se laissera dériver durant une année entière dans un engin de 100 m de hauteur.
Le projet est donc (littéralement) d'habiter le courant circumpolairecircumpolaire antarctique, au niveau du 50e parallèle sud, donc en plein milieu des très redoutés « cinquantièmes hurlants », pour y réaliser moult travaux scientifiques. L'équipage pourra effectuer des mesures de climatologie et d'océanographie physiquephysique (dynamiques des vagues, courants, validation des données satellitaires...), des prélèvements biologiques et des observations de la faune. Une telle expédition n'a jamais été tentée et l'océan Austral est encore assez mal connu, malgré les observations par satellites.
Comme le souligne Jean-Louis ÉtienneJean-Louis Étienne, les campagnes océanographiques dans ces régions sont rares, courtes et onéreuses. Conduire des observations en continu avec de bons instruments présente donc un vrai intérêt scientifique. Le Sea Orbiter de Jacques Rougerie, lui aussi vertical et dérivant, est un projet semblable, avec un navire plus vaste et des ambitions plus grandes sur le travail à bord. Pour les biologistes, l'expédition Tara Oceans, qui durant deux ans a autorisé de multiples stations qui pouvaient durer plusieurs jours, présentait le même genre d'opportunité. Par rapport à un navire océanographique, « qui, chaque jour, consomme une tonne de fioulfioul et coûte 40.000 euros », son concept de station dérivante et autonome en énergieénergie revient beaucoup moins cher.
Le Polar Pod : un pylône d'acier de 100 m de hauteur, pour environ 70 m de tirant d'eau (l’échelle est en m), et portant une vaste nacelle perchée à une vingtaine de mètres au-dessus de l'eau. Avec sa masse et son profond ballast, l'engin est très stable, même dans les « cinquantièmes hurlants ». © Jean-Louis Étienne
Le Polar Pod, une station scientifique dérivante
L'engin, le Polar PodPod, dont la conception a été confiée à Ship Studio, est sans équivalent : cette structure en acieracier de 720 t, haute de 100 m, flotte verticalement, avec environ 25 m au-dessus de l'eau. Elle est tractée sur zone en position horizontale puis bascule de 90° grâce au remplissage d'un ballast de 150 t d'eau. Elle devient alors une plateforme stable, « avec 5° de gîte par gros temps et des mouvementsmouvements verticaux réduits à 10 % de la hauteur des vagues », explique le site de Jean-Louis Étienne. Trois éolienneséoliennes de 2,5 kW et une hydroliennehydrolienne alimenteront le bord en électricité, y compris pour le dessalement de l'eaudessalement de l'eau de mer, le surplus étant stocké dans des batteries lithium-ionbatteries lithium-ion. L'équipage de 7 personnes (dont 3 marins) disposerait d'une autonomieautonomie de 6 mois.
L'idée est de rester dans le courant circumpolaire et, s'il dérive passivement, le Polar Pod doit tout de même pouvoir se déplacer par rapport à l'eau pour tenir au moins une route approximative. Il est donc équipé de voiles, qui se déploient sur des ailes verticales.
La partie émergée du Polar Pod porte des voiles enroulables pour utiliser le vent afin de se maintenir sur la bonne route, celle d'une navigation autour du continent antarctique. © Jean-Louis Étienne, Ship Studio
Jean-Louis Étienne aime les dérives
L'engin est hors normes mais, pour Jean-Louis Étienne, ce genre de mission n'est pas une nouveauté. Le médecin-explorateur aime les dérives et les vitessesvitesses lentes : en 2010, il voyageait du SpitzbergSpitzberg à la Sibérie à bord d'une rozièrerozière (un ballon), et en 2002, il bouclait un drôle de voyage sur la banquisebanquise arctiquearctique à bord de Polar Observer, une capsule posée sur la glace et dérivant avec elle. Sans oublier sa première aventure polaire quand il atteignit le pôle Nord en solitaire et à pied en 1986 et, entre 1989 et 1990, l'expédition Transantarctica, qui lui a fait traverser, à pied encore, la totalité du continent antarctique, sur 6.300 km.
Cette aventure devrait être la dernière de cette ampleur pour laquelle le parrain de Futura-Sciences retrouvera l'Antarctique. Il y a navigué longtemps, entre 1991 et 1996, sur une goélette en aluminiumaluminium spécialement conçue pour le milieu polaire, l'Antarctica. Devenu ensuite le Seamaster de Peter Blake (assassiné sur ce bateau dans l'embouchure de l'AmazoneAmazone, en décembre 2001), le voilier poursuit ses aventures sous le nom de Tara...
Il reste à construire le Polar Pod et à trouver les financements. Jean-Louis Étienne, actuellement en tournée aux États-Unis pour une série de conférences sur cette expédition, s'y emploie. Si la constructionconstruction est achevée en 2013, le départ pourrait avoir lieu fin 2014.