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Des membres de l'équipe du Cerege devant des échantillons de coraux prélevés au large de Tahiti en 2005. © ECORD/IODP
Les coraux édificateurs de récifs sont des organismes vivant exclusivement dans les eaux tropicales. Très sensibles à la luminositéluminosité et la température, ils croissent à fleur d'eau, dans un intervalle de profondeur très restreint, ce qui en fait de bons marqueurs du niveau de la mer.
L'étude de ces coraux fossiles, qui se sont formés au cours des dernières centaines de milliers d'années, permet donc de reconstituer les variations du niveau marin et les changements environnementaux passés. Ces archives fournissent ainsi des informations précieuses sur la dynamique et le comportement des calottes de glace du passé. Mieux appréhender cette dynamique permettra d'améliorer à terme la modélisationmodélisation et la prévision des variations futures du niveau marin.
Dans le cadre d'une campagne de forages internationale effectuée en 2005 sur les pentes des récifs actuels de Tahiti, les chercheurs du Centre européen de recherche et d'enseignement en géosciences de l'environnement (Cerege, Aix-Marseille université/CNRS/IRD/Collège de France) ont carotté trois sites localisés dans des récifs coralliens, au large de l'île de Tahiti. En datant ces archives, ils ont pu reconstituer les variations du niveau marin sur les derniers seize mille ans.
DP Hunter, le bateau de forage utilisé pour carotter le récif corallien au large de l'île de Tahiti. © ESO
Une élévation des mers de 14 mètres en 350 ans
Ces datations mettent en évidence une remontée extrêmement rapide du niveau de la mer au cours de la dernière déglaciation qui s'est déroulée entre -21.000 et -11.000 ans environ. Au cours de cette transition entre une dernière période glaciaire et le climat chaud que connaît actuellement la Terre, le niveau marin global est remonté d'environ 120 à 130 mètres sur presque quinze mille ans. Il était déjà acquis que cette augmentation n'avait pas été constante, mais qu'elle avait été ponctuée par des élévations rapides du niveau marin associées à des débâcles massives des calottes de glace. La plus importante de ces hausses, appelée Melt-Water Pulse 1A (MWP-1A), restait cependant par bien des aspects énigmatique.
Ces nouveaux travaux ont confirmé l'existence de cet événement climatique majeur, tout en révélant pour la première fois son amplitude, sa chronologie et sa duréedurée. Le début du MWP-1A a été daté à 14.650 ans, le faisant coïncider avec le début de la première phase chaude qui marqua la fin de la glaciation dans l'hémisphère nordhémisphère nord. Cette période, appelée Bølling4, s'est étalée sur un peu moins de deux mille ans et a vu la température de l'hémisphère nord augmenter de près de 5 °C en quelques années.
Selon les chercheurs du Cerege, la remontée du niveau global des océans au cours du MWP-1A aurait été de presque 14 mètres en seulement trois cent cinquante ans. La remontée du niveau marin aurait été au minimum de 40 mm par an, vitessevitesse qu'il faut comparer au taux annuel moyen de 10 mm estimé pour la dernière déglaciation ou à celui de 3 mm observé aujourd'hui par satellite. En s'appuyant sur des simulations de modèles géophysiques, les chercheurs ont aussi établi que la calotte antarctique avait contribué très significativement, probablement pour moitié, au MWP-1A.
Ces travaux illustrent l'instabilité des calottes glaciairescalottes glaciaires, en particulier de la calotte antarctiqueantarctique, à une perturbation climatique majeure et imposent un regard nouveau sur la contribution future de la calotte antarctique à la remontée du niveau des mers dans le contexte actuel de réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature le 29 mars 2012.