au sommaire
En 2009 et 2010, le télescopetélescope sous-marin Antares a observé un étrange phénomène : une brusque augmentation de la bioluminescencebioluminescence due aux organismes abyssaux. Ceci a permis de révéler un lien inattendu entre une activité biologique - la bioluminescence - et le mouvementmouvement de massesmasses d'eau en milieu profond. En effet, les mouvements de convectionconvection dans le golfe du LionLion apportent aux eaux profondes de l'oxygène et des nutrimentsnutriments qui « boostent » l'activité biologique. Publiés le 10 juillet dans Plos One, ces travaux ont été réalisés par une équipe coordonnée par des chercheurs CNRS de l'Institut méditerranéen d'océanographie et du Centre de physiquephysique des particules de Marseille.
Déployé au large de Toulon, le télescope Antares a pour but de détecter le passage des neutrinos cosmiques de très haute énergieénergie. Ces particules interagissent peu avec la matièrematière. Néanmoins, lorsque l'une d'entre elles frappe une moléculemolécule d'eau, elle peut produire un muonmuon, une particule chargée qui émet des photonsphotons lors de son passage. C'est cette radiation que les 900 photomultiplicateurs d'Antares sont chargés d'observer à 2.400 m de profondeur.
Schéma de l'impact de la formation d'eaux denses sur l'activité de bioluminescence en milieu profond qui est observée à l'aide du télescope Antares. © www.mathildedestelle.com
Ces profondeurs ne sont pas aussi sombres qu'on pourrait le croire : 90 % des organismes abyssaux sont en effet capables d'émettre de la lumièrelumière. Elle intervient dans de nombreuses interactions écologiques comme l'attirance des proies ou les comportements liés à la reproduction. Les bactéries des abysses, qu'elles soient libres, en symbiose avec des animaux ou bien attachées à des particules en suspension, peuvent émettre de la lumière en continu et sont adaptées à leur environnement, comme l'ont démontré Christian Tamburini et ses collègues dans un autre article publié en juin dernier.
Des hivers froids et secs, moteurs de la convection
Cette bioluminescence n'avait pas gêné la mission d'Antares. Néanmoins, deux épisodes survenus entre mars et juillet des années 2009 et 2010 ont littéralement ébloui le télescope. Le bruit de fond lumineux mesuré par le détecteur, généralement compris entre 40 et 100 kHz, est soudain passé à 9.000 kHz. Ce pic de bioluminescence coïncide avec une augmentation de la température de l'eau et de la salinitésalinité. Ceci a permis aux chercheurs de faire le lien entre la bioluminescence et les mouvements de convection ayant lieu dans le golfe du Lion.
Lors des hivers particulièrement froids et secs, la température des eaux superficielles du golfe du Lion chute tandis que leur salinité augmente du fait de l'évaporation. Résultat, ces masses d'eau deviennent plus lourdes que celles qui les soutiennent, et elles coulent vers le bas. Ce mouvement, dit de convection, est bien connu. Or, les eaux superficielles sont riches en oxygène et en nutriments. En s'enfonçant, elles apportent aux eaux profondes des ressources permettant à l'activité biologique de s'intensifier. C'est ce pic d'intensité de l'activité biologique qu'Antares a observé de façon inattendue.
Les chercheurs estiment que la mesure de la bioluminescence pourrait devenir la première méthode pour mesurer en continu l'activité biologique en eaux profondes. Elle permettrait de mieux comprendre l'impact sur la vie des mouvements des masses d'eau et la circulation océanique. Ceci est d'autant plus important que des phénomènes tels que les convections d'eau profonde devraient diminuer notablement au cours de ce siècle du fait du réchauffement climatique. Cette diminution aura des conséquences importantes sur les écosystèmes profonds, qui se verront privés de cet apport en nutriments et en oxygène. Les chercheurs entendent désormais déterminer les organismes responsables de la lumière observée par Antares encore non identifiés, et développer une instrumentation permettant de mesurer la bioluminescence en continu et de façon autonome.