La campagne Apero, c’est peut-être pour beaucoup l’objectif de ces fins d’après-midi ensoleillées qui s’annoncent pour les vacances estivales, mais c’est également l’une des plus importantes missions océanographiques des dernières années. Actuellement en cours, elle a pour but d’explorer les mécanismes biologiques qui régissent la séquestration du carbone dans les océans.
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Deux bateaux de la flotte océanographique française et pas moins de 120 scientifiques mobilisés : la campagne océanique dénommée Apero pour « Assessing marine biogenic matter Production, Export and Remineralization : from the surface to the dark Ocean » s'avère être l'une des plus importantes de la décennie. La mission en mer a démarré le 3 juin et se terminera le 17 juillet 2023. L'objectif : étudier ce que l'on appelle la « pompe biologique de carbone » dans la tranche d'eau comprise entre 200 et 1 000 mètres de profondeur.
L’océan régulateur du climat
L'océan joue en effet un rôle majeur dans le cycle du carbone global, en agissant comme un immense réservoir capable de stocker de formidables quantités de CO2, qui, de fait, ne viennent pas enrichir l'atmosphère. L'océan sert donc, en quelque sorte, de régulateur climatique grâce à cet effet de pompe à carbone. Mais les mécanismes associés sont encore mal compris, notamment ceux intervenant dans la zone dite mésopélagique, c'est-à-dire située à des profondeurs moyennes de 200 à 1 000 mètres. Également appelée zone crépusculaire, cette tranche d'eau est caractérisée par une pénétration minimale de la lumièrelumière du soleilsoleil, forçant les organismes qui y vivent à s'adapter à ces conditions bien particulières. Des organismes qui consomment d'ailleurs du carbone apporté par la surface pour alimenter leurs réactions métaboliques, participant ainsi de manière active à la séquestration de cet élément.
Le CO2 est en effet pompé de l'atmosphère par le phytoplancton vivant en surface, par le biais de la photosynthèse. Le carbone entre ainsi dans la longue chaîne alimentaire de l'océan. À la mort du phytoplancton ou des organismes l'ayant consommé, le carbone va ainsi s'enfoncer dans les profondeurs de l'océan sous la forme de débris de matièrematière organique et de fines particules que l'on appelle joliment « neige océanique ». Si une partie arrive au fond et va s'accumuler au sein des autres sédiments pour y être stockée sur de longues périodes de temps (plusieurs milliers d'années), une autre partie va être dégradée au cours de sa descente, notamment dans la zone mésopélagique. Cette dégradation peut être d'origine chimique (oxydationoxydation, dissolution), ou biologique. Dans ce dernier cas, ce sont surtout les bactériesbactéries qui participent à ce travail. Les scientifiques estiment ainsi que plus de 10 gigatonnes de carbone sont ainsi transférées chaque année de la surface vers les profondeurs et que sans ce mécanisme, la teneur en CO2 dans l'atmosphère serait bien plus élevée que celle que nous connaissons.
Une pompe à carbone mise en danger par le réchauffement climatique
Or, la façon dont est utilisé ce carbone au cours de son passage dans la zone mésopélagique présente encore de nombreuses zones d'ombre. Il semble également probable que cette dynamique soit impactée par le réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Or, qui dit bouleversement de la pompe biologique de carbone, dit perte de capacité de stockage de l'océan... et donc hausse du taux de CO2 dans l'atmosphère.
C'est pour mieux comprendre les processus en jeu et en identifier les acteurs que la campagne Apero a été lancée. De nombreuses mesures et observations pluridisciplinaires vont ainsi être menées à bord du Thalassa et du Pourquoi Pas ? qui ont pris le large début juin direction l'Atlantique Nord et plus particulièrement le bassin de Porcupine situé au sud-ouest de l'Irlande. Parmi les missions à réaliser, il y a notamment la collecte et l'identification de tous les organismes présents dans la colonne d'eau, leur cartographie et la définition de leur rôle dans ce grand mécanisme de séquestration du carbone.