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« L'océan a beau être immense -- couvrant plus de 70 % de notre planète --, nous sommes parvenus à affecter de façon considérable la quasi-totalité de ce vaste écosystème ». Voici le constat amer établi par Kendall Jones, chercheur à l'université de Queensland (Australie) et auteur d'une étude alarmante parue le 26 juillet 2018 dans la revue Current Biology.
Selon cette étude, qui a cartographié l'impact des activités humaines pour chaque zone maritime du globe, il ne reste plus, à l'heure actuelle, que 55 millions de kilomètres carrés de zones marines encore vierges, soit 13,2 % de la surface totale des océans.
Les chercheurs ont pris en compte 19 activités humaines comme le transport maritime, la pêche ou le ruissellement de polluants ou de sédiments découlant de l'agriculture intensive et de l'érosion des sols. La situation la plus dramatique est observée dans les zones tempérées de l'Atlantique nord, où il ne resterait plus que 0,3 % (13.263 km2) d'aires marines sauvages, en raison notamment de l'importante activité de transport maritime et de pêche.
En bleu foncé, les zones vierges hors eaux territoriales. En bleu clair, les zones vierges sous contrôle national. En vert, les aires maritimes protégées. © Jones Kendall R., et al., Current Biology
Les rares zones encore sauvages sont menacées par l'Homme
Les quelques zones sauvages restantes sont, pour l'essentiel, localisées en haute mer, au milieu de l'océan Pacifique et aux pôles. Ces zones sont encore éloignées de la présence humaine, soulignent les chercheurs, mais elles commencent malgré tout à souffrir de plus en plus. « Avec la fontefonte des glaces en Arctique, les activités humaines sont facilités », alertent les scientifiques.
La profondeur atteinte par la pêche industrielle a été abaissée de 350 mètres depuis les années 1950 et on compte désormais plus de 2.000 forages de pétrolepétrole et de gazgaz qui opèrent à plus de 400 mètres sous l'eau. En mai 2018, une étude de Marine Policy avait même révélé avoir trouvé un sac plastiqueplastique au fond de la fosse des Mariannes, à près de 11.000 mètres de profondeur.
L'étude parue dans Current Biology vient s'ajouter à une série de mauvaises nouvelles pour les océans du globe. Les zones mortes, où la concentration en oxygène est inférieure à 0,2 milligramme par litre, ont ainsi quadruplé depuis les années 1950, révélait une étude parue dans Science en janvier 2018. L'acidification de l’océan a augmenté de 30 % depuis la révolution industrielle et la moitié des mers du globe font désormais l'objet d'une pêche à grande échelle.
Le transport maritime et la pêche industrielle se sont considérablement développés ces dernières années. © EvrenKalinbacak, Fotolia
Les océans vierges moins bien protégés que les autres
Malgré tous ces avertissements, « à peine 4,9 % (2,7 millions de kilomètres carrés) des zones encore vierges sont classées comme aires marines protégées », dénonce Kendall Jones. Cette part est paradoxalement plus faible que les 7 % de mers protégées au niveau global, car les zones côtières faisant partie des eaux territoriales ont plus tendance à être protégées que les eaux profondes. Les zones sauvages constituent pourtant des réservoirs de biodiversité uniques. En moyenne, la diversité des espèces y est 40 % plus élevée que dans les zones non vierges, atteste l'étude.
Pour les auteurs, il est impératif de lancer un plan de préservation international de sauvegardesauvegarde. Cela inclut la lutte contre la pêche illégale, qui représente 10 à 30 % des prises, la fin des méthodes de pêche destructrices des écosystèmes, la limitation de l'exploitation minière ou pétrolière offshoreoffshore à proximité des zones sensibles ou la restriction des activités industrielles côtières. En mars 2018, le WWFWWF avait lui aussi lancé un appel pour établir un accord similaire à l'accord de Paris pour les océans. Une nécessité d'autant plus pressante que « les dégâts causés par l'Homme sont bien souvent irréparables », conclut Kendall Jones.
Ce qu’il faut
retenir
- Il ne reste que 13 % des océans vierges de toute activité humaine au niveau mondial.
- Ces zones sont majoritairement situées en eaux profondes et aux pôles, moins accessibles par l’Homme.
- Elles sont, paradoxalement, moins protégées que la moyenne.