L'évolution d'un grand courant marin suscite beaucoup d'interrogations depuis plusieurs dizaines d'années, la circulation méridienne de retournement atlantique, l'Amoc. Son comportement fait débat dans la communauté scientifique, et certains avancent le fait qu'aucune preuve tangible n'a encore pu être donnée sur son éventuel affaiblissement. Mais une nouvelle étude de l'université de Miami estime avoir la confirmation que le courant s'est bien affaibli au cours des 20 dernières années et qu'il a contribué à la hausse du niveau de la mer.


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    Le climat de notre Planète dépend en grande partie de ce qui se passe dans les océans. Or, il n'y a pas que le fonctionnement de l'atmosphère qui se trouve perturbé par les émissionsémissions de gaz à effet de serre, les océans aussi. Et l'un impacte l'autre, comme un serpent qui se mord la queue.

    Le saviez-vous ? Le réchauffement climatique a été mis en évidence pour la première fois en... 1856 ! Découvrez l'histoire de la femme qui l'a démontré dans Chasseurs de Science. © Futura

    Le méga-courant Amoc transporte les eaux chaudes de l'océan Atlantique sud vers les hautes latitudes de l'océan Atlantique nord. Cette eau se refroidit alors et forme des « cellules » de différentes températures qui jouent un rôle important : elles redistribuent la chaleurchaleur et le carbonecarbone dans plusieurs zones. Ce mécanisme est indispensable pour le fonctionnement global de l'océan, de la vie marine (en faisant voyager le plancton) et du climat. Le courant Amoc influence fortement la météométéo de l'Europe, de l'Amérique, mais aussi de l'Afrique. Il participe aussi à la circulation des eaux de fond de l'AntarctiqueAntarctique, qui sont les eaux les plus froides, et les plus oxygénées de l'océan. Celles-ci se trouvent en-dessous de 4 000 mètres de profondeur. Les spécialistes des océans qualifient ces eaux de fond de « ventilationventilation des océans  ».

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    Le parcours de l'Amoc de l'Antarctique à l'Arctique avec, en rouge les eaux de surface, en jaune les eaux intermédiaires, en bleu les eaux profondes et en violet les eaux abyssales. © Chidichimo et al., NOAA

    Les zones les plus inaccessibles des océans souffrent aussi des conséquences du réchauffement  

    Or, l'étude américaine montre que le transport d'eau, vers les eaux de fond de l'Antarctique, a chuté de 12 % entre 2000 et 2020 en raison du réchauffement important de l'ouest de l'Antarctique. La hausse des températures en Antarctique affaiblit l'Amoc, qui joue alors de moins en moins son rôle de transport des eaux. Cette dilution constatée des eaux froides de profondeur serait donc la preuve que l'Amoc faiblit d'année en année et que ses conséquences sont déjà perceptibles. Ce réchauffement a non seulement réduit la quantité d'eaux froides de fond, mais aussi contribué à l'élévation du niveau de la mer. Le réchauffement de ces eaux profondes aurait ainsi fait gagner au niveau de la mer 2,8 mm supplémentaires.

    Selon la NOAA, ces conclusions sur les eaux de fond de l'Antarctique montrent que même les zones les plus inaccessibles, comme les profondeurs des océans, sont affectées par les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines. L'étude se concentre ici sur l'océan Atlantique nord, mais ces premières observations tendent à laisser penser que ce type de transformations serait présent dans tous les océans.   


    Un méga-courant marin au bord de l'effondrement

    Article de Karine DurandKarine Durand, écrit le 19 janvier 2023

    Le fonctionnement de notre Planète comme la régulation du climat mondial dépend en grande partie de plusieurs méga-courants océaniques. Les scientifiques savaient déjà que le courant atlantique Amoc risquait de s'affaiblir en raison du réchauffement, mais une nouvelle étude bien plus pessimiste explique qu'un autre grand courant risque carrément de s'interrompre dans le futur.

    Le réchauffement de l'eau de mer provoque un ralentissement des grands courants présents dans l'Atlantique et dans l'océan Austral, selon les scientifiques de l'université de Californie. Dans une nouvelle étude publiée dans Nature Climate Change, ils expliquent que si ce processus continue, c'est un immense bouleversement du climat qui se produira.

    Affaiblissement de deux courants indispensables pour réguler le climat 

    En analysant les prévisions de 36 modèles climatiquesmodèles climatiques, les chercheurs ont découvert que la circulation méridienne de retournement atlantique (Amoc) et la circulation méridienne de retournement australe (ou Smoc), qui font partie de la circulation thermohalinecirculation thermohaline, vont ralentir de 42 % d'ici 2100. Dans les pires scénarios de réchauffement envisagés par les modèles, la circulation méridienne de retournement australe pourrait complètement s'arrêter d'ici 2300. Le grand responsable de cet affaiblissement, voire désintégration complète, de ces courants indispensables pour réguler le climat, n'est autre que le réchauffement planétaire. Selon l'auteur principal de l'étude, J. Keith Moore, « cela provoquerait un désastre climatique mondial de même ordre que si tous les glaciersglaciers disparaissaient ».

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    La circulation thermohaline globale à travers les océans. © nicolasprimola, Adobe Stock

    Aggravation du réchauffement et disparition de la vie marine

    Grâce à ce mécanisme de circulation, l'eau chaude est poussée vers le nord dans l'Atlantique en direction du Groenland et de la Norvège : elle se refroidit, s'évapore, et devient plus salée. Son poids, plus lourd, la fait alors redescendre dans les profondeurs en se dirigeant vers le sud. Ce mouvementmouvement fait aussi circuler les nutrimentsnutriments qui sont à la base de la chaîne alimentairechaîne alimentaire. De plus, cette interaction entre l'eau de mer et l'airair est à l'origine d'une réaction chimiqueréaction chimique qui permet d'absorber le CO2 et de le séquestrer dans les profondeurs de l'océan. Le phytoplanctonphytoplancton pompe alors ce dioxyde de carbonedioxyde de carbone pour effectuer sa photosynthèsephotosynthèse. L'affaiblissement de ces grands courants océaniques aurait donc deux conséquences majeures :

    • un réchauffement aggravé du climat, car les océans ne pourraient quasiment plus absorber le CO2, l'un des principaux gaz à effet de serre ;
    • une disparition massive de la vie marine, car le phytoplancton et les autres nutriments à la base de la chaîne alimentaire seront en nette diminution et ne pourront plus voyager au gré des courants.
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    La photosynthèse du phytoplancton s'effectue en partie grâce aux méga-courants de l'océan. © NOAA

    En plus de ces deux effets principaux, la météo sera complètement chamboulée : un affaiblissement, même léger, de l'Amoc, aura pour conséquence d'entraîner une baisse importante des précipitationsprécipitations dans certaines régions du monde, comme l'Afrique. Les auteurs rappellent que la survie de l'humanité dépend du bon fonctionnement de cette « pompe à carbone » : sans elle, tout le CO2 que nous émettons à travers nos activités n'aura d'autre choix que de se disperser dans l'atmosphère, faisant exploser la hausse des températures.