Avec le réchauffement climatique, la circulation océanique a tendance à ralentir. Et selon des chercheurs, cela pourrait avoir des conséquences sur l’efficacité de l’océan à stocker du CO2. Une histoire de phytoplancton, de fer et de… ligands !


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    L'océan absorbe environ un tiers de nos émissions de dioxyde de carbone (CO2). Et ce n'est pas sans conséquence. Alors que nous continuons à brûler des combustiblescombustibles fossiles, notre océan s'acidifie. La menace pour les écosystèmes est réelle. Ainsi, même si l'océan semble constituer un fabuleux puits de carbone, peut-être ne devrions-nous pas trop compter sur lui pour limiter le réchauffement climatique anthropique.

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    L’océan joue un rôle important jusqu’ici dans la limitation de l’ampleur du réchauffement climatique anthropique. © Image générée par intelligence artificielle avec Adobe Firefly

    L’océan va-t-il continuer à stocker du carbone ?

    C'est pourtant l'un des services inestimables que l'océan nous rend aujourd'hui. Même si avec les changements en cours, il commence à absorber moins de CO2 de l'atmosphère, les scientifiques estiment qu'il en rejette aussi un peu moins. Résultat, il continue pour l'heure à nous être d'une aide précieuse. Mais cela pourrait ne plus durer très longtemps. Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis) viennent en effet de faire, à ce sujet, une découverte inattendue. Dans la revue Nature Communications, ils révèlent qu'à mesure que la circulation océanique se ralentit - c'est l'un des effets observés du réchauffement climatique -, l'océan pourrait se mettre à libérer de plus en plus de carbone jusqu'ici prisonnier des profondeurs.

    Le saviez-vous ? Le réchauffement climatique a été mis en évidence pour la première fois en... 1856 ! Découvrez l'histoire de la femme qui l'a démontré dans Chasseurs de Science. © Futura

    « Ce que nous pensions qu'il se passe dans l'océan est complètement bouleversé , note Jonathan Lauderdale, chercheur au Département des sciences de la TerreTerre, de l'atmosphère et des planètes, dans un communiqué du MIT Nous ne pouvons pas compter sur l'océan pour stocker notre carbone. Nous devons être proactifs dans la réduction des émissionsémissions dès maintenant, plutôt que de compter sur ces processus naturels pour nous donner le temps d'atténuer le changement climatique. »

    Le phytoplancton pour absorber le CO2 de l’atmosphère

    Pour comprendre, il faut revenir à 2020. Les chercheurs du MIT avaient alors développé un modèle de « boîtes » qui représentaient différentes parties de l'océan avec un équilibre différent de nutrimentsnutriments, de ferfer et de ceux qu'ils appellent des ligandsligands, des moléculesmolécules organiques considérées comme des sous-produits du phytoplancton. En modélisant ensuite un flux entre ces boîtes, les chercheurs avaient conclu que même en apportant du fer supplémentaire à l'océan, la croissance du phytoplanctonphytoplancton n'en serait pas meilleure.

    Mais pourquoi vouloir doper la croissance du phytoplancton ? Parce que lorsqu'il se développe, il absorbe du CO2 de l'atmosphère par photosynthèsephotosynthèse. Son rôle dans la capacité de l'océan à stocker du carbone est donc capital.

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    En résumé, ce que les scientifiques expliquaient il y a quatre ans déjà, c'est que, sans ligand, le fer n'est en réalité pas réellement disponible pour le phytoplancton. Celui-ci n'en profite donc pas pour absorber plus de CO2 de l'atmosphère. Et aujourd'hui, après avoir complété leurs modèles en y incluant notamment des échanges océan/atmosphère, les chercheurs découvrent une situation pire encore.

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    Le ralentissement de la circulation océanique semble vouloir perturber le développement du phytoplancton dans nos océans. © NOAA MESA Project

    Vers un océan émetteur de CO2 ?

    « Le résultat était tellement surprenant que je pensais avoir fait une erreur », confie Jonathan Lauderdale. Son modèle indiquait en effet que, lorsque les concentrations de ligands varient d'une région de l'océan à l'autre, alors, plus la circulation océanique est faible, plus le CO2 s'accumule dans l'atmosphère. L'ennui, c'est qu'il s'avère que dans le monde réel, les concentrations en ligands changent effectivement d'une région de l'océan à l'autre.

    Les chercheurs expliquent. Alors que la circulation océanique ralentit sous l'effet du réchauffement climatique, l'océan extrait moins de carbone et de nutriments de ses profondeurs. Résultat, le phytoplancton de surface manque de ressources. Il produit alors moins de ligands. Et qui dit moins de ligands, dit aussi moins de fer disponible et donc... moins de phytoplanctons pour absorber le CO2 de l'atmosphère. Le tout dans ce que les scientifiques appellent une boucle de rétroactionboucle de rétroaction. Plus communément, un cercle vicieux.

    « Certains modèles climatiquesmodèles climatiques prédisent un ralentissement de 30 % de la circulation océanique en raison de la fontefonte des calottes glaciairescalottes glaciaires, notamment autour de l'AntarctiqueAntarctique. Cet énorme ralentissement de la circulation pourrait devenir un gros problème : en plus d'une foule d'autres problèmes climatiques, non seulement l'océan absorberait moins de CO2 anthropique de l'atmosphère, mais cela pourrait être amplifié par un dégazagedégazage net de carbone des profondeurs océaniques entraînant une augmentation inattendue du CO2 atmosphérique et un réchauffement climatique supplémentaire », conclut Jonathan Lauderdale.

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