Il nous avait déjà montré Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte et les îles Kerguelen. Grégory Pol, le photographe voyageur, nous emmène aujourd’hui dans une nouvelle aventure. À la découverte de la Guyane. Un projet qu’il nous raconte avec toute la passion qui le caractérise. En attendant la publication de son prochain livre aux éditions Ramsay.
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« Le projet "Guyane, Sentinelles de la forêt", c'est vraiment un projet qui me tient à cœur », nous explique Grégory Pol en préambule. Son objectif, comme lors de chacun de ses voyages : mettre en valeur la biodiversité locale. Cette biodiversité des outre-mer et des territoires français que nous connaissons généralement peu, nous, métropolitains. « J'ai envie de voir le plus de belles choses possibles pour les valoriser », précise encore le photographe voyageur. Par belles, Grégory Pol entend « jolies, esthétiques ». « Parce que souvent, les jolies choses attirent les regards. Et une fois qu'on a en quelque sorte séduit l'auditoire, on peut aborder des sujets plus lourds, les problématiques rencontrées par "ces belles choses", ce qui se passe réellement. Montrer à quel point cette beauté est fragile et qu'il faut en prendre soin si nous ne voulons pas la voir disparaître. »
Rappelons que la Guyane, c'est un vaste territoire français situé en Amérique du Sud. La deuxième région de France -- derrière la Nouvelle-Aquitaine -- par sa superficie. Un territoire recouvert à plus de 90 % par la forêt équatoriale. À la frontière du Brésil, un morceau de forêt amazonienne le plus riche et le moins fragmenté au monde.
Le jaguar, cet animal emblématique
Et celui que Grégory Pol va tout spécifiquement rechercher en Guyane française, c'est le jaguar. « L'idée, c'est de mettre en avant ce que représente cet animal emblématique que l'on n'aperçoit que fortuitement dans cette forêt. Pour les scientifiques, mais aussi pour les autochtones. Les Amérindiens essentiellement. Ce sera pour moi une porteporte d'entrée pour explorer leur rapport à la nature. »
Le jaguar, c'est un gros félin. Un animal puissant. Et malgré l'absence d'attaques sur les Hommes en Guyane, certains en ont peur. Une peur alimentée par les attaques rapportées sur les animaux domestiques « dans les régions où les Hommes, en défrichant, en déboisant, se sont un peu trop rapprochés de son territoire ou l'ont forcé à se déplacer ». Il y a aussi ceux qui le vénèrent. « Le jaguar apparaît dans pas mal de mythes et de croyances de peuples autochtones comme les Amérindiens, mais aussi les Créoles ou les Noirs marrons. » Enfin, pour le chercheur, le jaguar est un marqueur de la santé d'un biotope. « S'il y a des jaguars, c'est qu'il y a des proies et donc que la zone est en bonne santé », commente Grégory Pol.
Grâce au jaguar, il espère donc approcher toutes ces personnes qu'il qualifie de « Sentinelles de la forêt ». « Toutes les personnes qui œuvrent à la protection de la biodiversité en Guyane. » Parmi elles, même, le 3e REI de la Légion étrangère qui participe à la prévention de la pollution des rivières dans le cadre de sa mission Harpie de lutte contre l'orpaillage illégal. « Aujourd'hui, l'armée n'est plus là seulement pour lutter contre la clandestinité. Elle participe aussi à sa manière à la protection de la biodiversité », nous assure Grégory Pol. En Guyane comme ailleurs. « Je me souviens, quand j'étais jeune marin, certaines poubelles étaient jetées à la mer. Ça se fait sûrement encore dans certaines armées. Mais, en France, maintenant, elles sont stockées dans des réfrigérateurs en attendant d'être jetées où il se doit. »
Lors de sa mission de reconnaissance -- 18 jours au mois d'octobre dernier --, Grégory Pol a pu prendre quelques contacts qu'il est impatient de creuser. « Entre la Légion étrangère et les orpailleurs clandestins, on a un peu l'impression d'être au Far West. Les autorités savent que, parfois, ça peut être dangereux pour elles d'intervenir en dehors du cadre de leur mission. Surtout que les orpailleurs sont armés jusqu'aux dents. Ce ne sont pas que des orpailleurs. Ce sont de véritables bandits. Ils n'hésitent pas à faire des démonstrations de force. Tout en restant assez discrets pour éviter que les autorités mettent plus de moyens et perturbent leurs "affaires". C'est très étonnant. »
Mais comme le souhaite Grégory Pol, revenons à son fil rouge : le jaguar. Accompagné par un guide de l'Office national des forêts (ONF), il en a déjà trouvé quelques traces sur place. « Nous avons aussi des vidéos du jaguar capturées à la caméra automatique. Donc la zone repérée est bonne. Reste à s'assurer que le jaguar y passe suffisamment souvent pour décider de s'y mettre à l'affut et avoir une chance de le prendre en photo. »
Au mois d'octobre 2023, lors de son voyage en Guyane, Grégory Pol a surpris quelques jaguars à la caméra automatique. © Grégory Pol, Tous droits réservés
À la rencontre des Amérindiens
Ce sera peut-être à l'occasion du prochain voyage de Grégory Pol en Guyane. Prévu au mois de mars prochain. Le principal objectif à ce moment-là sera de prendre quelques clichés de nature commandés par la Légion étrangère pour marquer les 50 ans de présence du régiment dans la région. « J'essaie de prévoir mes sorties à différents moments de l'année. Pour varier les climatsclimats et les opportunités. Pour trouver toutes les choses que j'ai envie de montrer. Mon voyage du mois de juillet 2023, par exemple, devrait me permettre de photographier la ponte des tortuestortues. »
Le saviez-vous ?
Les peuples amérindiens de Guyane luttent actuellement contre la construction d’une centrale électrique dans l’ouest de la Guyane, du côté du village de Prospérité. Une installation solaire qui nécessiterait la déforestation de 78 hectares de forêt au cœur d’un parc naturel où vivent plus de 40 espèces protégées.
À chaque période de l'année, il y a en effet quelque chose d'intéressant à découvrir. « Même la pluie est intéressante. Elle rend la verdure encore plus verte. Et c'est aussi ça, la forêt équatoriale », nous raconte le photographe. Tout en soulignant que « le climat est perturbé en Guyane aussi. Avant, les saisonssaisons étaient bien marquées. Aujourd'hui, même en pleine saison des pluies, vous pouvez très bien avoir quatre jours consécutifs de soleilsoleil ou inversement. »
De premiers contacts ont été liés avec des populations locales. Avec la cheffe coutumière du village de Bellevue, Cécile Kouyouri, par exemple. Gregory Pol a prévu de la retrouver en mars prochain. « Tout est dans la confiance. D'autant que les peuples amérindiens de Guyane se sentent un peu comme des laissés-pour-compte. Certains sont restés plus proches de la nature. Ils vivent toujours de la chasse, de la pêchepêche et des cultures traditionnelles, les abattis. D'autres qui étaient partis vers les villages côtiers souhaitent se rapprocher à nouveau de cette nature. J'aimerais les mettre en valeur. Montrer qu'ils peuvent rester fiers face à l'occidentalisation de la Guyane. Comprendre ce que c'est que d'être Amérindien aujourd'hui. Et comment ces peuples arrivent à vivre avec la nature. »
En attendant la suite…
Une nature qui ne cesse d'étonner le néophyte. « La forêt est tellement dense. Résultat, on entend les animaux bien avant de les voir, en général. Le paypayo, par exemple, et son cri métallique caractéristique. Ou encore le singe hurleur que l'on entend à des kilomètres. Mais difficile, justement, d'évaluer les distances qui nous en séparent. Sauf dans la savane », nous raconte Gregory Pol. La savane ? Oui, parce que 6 % de la Guyane est couverte de savane. Notamment du côté du Centre spatial guyanaisCentre spatial guyanais. « Dans la savane, la faunefaune est différente. On a parfois l'impression d'être en Afrique. Surtout, l'horizon est beaucoup plus dégagé que dans la forêt. Il n'y a pas ce murmur végétal qui vous empêche de voir. »
« Dans la forêt, en plus, il y a tous ces animaux qui sont passés maîtres dans l'art du camouflage. On peut parfois passer à côté d'un oiseauoiseau sans s'en rendre compte. C'est pourquoi on aime bien les sorties de nuit. Parce que la nuit, avec les lampes, on peut faire briller leurs yeuxyeux. Ceux des araignées, même. Il faut dire qu'elles sont tellement grosses... » La mygale Goliath et ses 25 centimètres, par exemple. « On dirait presque un petit mammifèremammifère. Rien à voir avec ces araignéesaraignées qui filent sur nos murs. Mais elles aussi sont, pour la plupart, inoffensives », nous assure le photographe.
« La Guyane, c'est vraiment un endroit plein de surprises », conclut Grégory Pol. Alors vivement qu'il revienne nous en raconter un peu plus sur la Légion étrangère, les Amérindiens, le centre spatial de Kourou, les orpailleurs, le paypayo, le jaguar. Et même les araignées... Non ?