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Le submersible Genesis, il y a un plus de trois ans, arpentait les fonds marins du continent antarctique. Sur les 11 lieux visités, 10 grouillaient d'invertébrés tandis qu'un était désertique. Dans le bassin de Palmer, les crabes royaux (Lithodidae) avaient colonisé le lieu. Craig Smith, chargé du projet, estimait à plus de 1,5 million le nombre d'individus dans ce bassin. Dans une étude publiée dans les Proceedings of the Royal Society B, son équipe suggérait que l'invasion avait dû démarrer il y a une quarantaine d'années.
La théorie avançait que les crabes royaux avaient migré de l'Antarctique vers de plus basses latitudes, entre 40 et 15 millions d'années plus tôt. Les crabes seraient revenus en raison du réchauffement de l'océan Austral. Le bien-fondé de cette thèse est depuis sujet à débat, car elle se base sur un faible nombre d'enregistrements fossiles de différentes espèces de crabes, et les conclusions sont jugées trop hâtives par certains.
Un crabe royal capturé par la caméra du submersible Genesis. Il est ici en train de se nourrir. © Craig Smith, RCMG
En eau profonde, les fossiles de crabes sont difficiles à dénicher. La cuticule du crustacé se dégrade trop vite dans l'océan après sa mort, si bien qu'il n'existe à ce jour que deux relevés de fossiles de crabe royal et aucun d'eux ne vient des eaux antarctiques (au-delà de 60° S). Dans ce contexte, une équipe du British Antarctic Survey (BAS) a entrepris de récolter une large gamme de données de crabes et crustacéscrustacés référencés, vivants ou fossilisés. À partir de 16.000 données, le BAS suggère que les crabes royaux pourraient être natifs d'Antarctique et n'avoir jamais quitté le pôle Sud.
Les crabes royaux ont évolué en Antarctique
L'étude publiée dans la revue Plos One rapporte que le premier enregistrement de crabe en Antarctique remonte à 1903, où des décapodes Brachyura ont été observés sur les rivages des îles Orcades du Sud. Depuis, 22 espèces de crabe et de homards ont été référencées, dont 12 de crabes royaux. Le premier a été observé en 1967, à proximité de l'île de Scott, au nord de la mer de RossRoss. Ces données, incluses dans un modèle de distribution, laissent planer le doute sur la notion d'invasion de l’espèce. Les résultats suggèrent plutôt une présence longue et durable des crabes royaux dans la région.
Leurs recherches ne se cantonnent pas seulement au cas des crabes royaux. « Ces résultats sont importants car, pour la première fois, nous avons réussi à rassembler toutes les informations disponibles pour obtenir une meilleure compréhension de la diversité et de la distribution des crabes dans l'Antarctique. Beaucoup de ces animaux des grands fonds insaisissables, que l'on croyait invasifsinvasifs, se sont révélés être uniquement des espèces antarctiques ».
Si des études complémentaires sont nécessaires, ces résultats relativisent complètement l'ampleur du risque de disparition de la faune antarctique. Les crabes sont friands d'invertébrés, notamment des mollusquesmollusques, et l'on pensait jusqu'alors qu'ils pouvaient décimer ces populations qui résident depuis des millions d'années dans l'océan Austral. Le BAS envisage de réaliser une grande campagne d'échantillonnageéchantillonnage pour évaluer la distribution réelle des crabes royaux.