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Elysia chlorotica vit en eaux peu profondes sur le littoral états-unien, entre la Nouvelle-Écosse et la Floride. Il mesure de 2 à 3 cm en moyenne. Sa morphologie lui permet de déployer plus ou moins ses flancs en fonction du rayonnement solaire. Son tube digestif ramifié rappelle les nervures d'une feuille. © Patrick Krug
La preuve est faite. Des scientifiques ont démontré dans une expérience qu'un gènegène de l'algue Vaucheria litorea a bel et bien été transféré dans un des chromosomeschromosomes d'Elysia chorotica, une limace de mer friande du végétal aquatique. Baptisé Prk, le gène nucléaire d'origine algal code pour des protéinesprotéines chloroplastiques et la synthèse de la chlorophylle, selon le compte-rendu paru dans The Biological Bulletin.
Pour démontrer le transfert du gène de l'algue au gastéropode, les chercheurs ont notamment utilisé l'hybridationhybridation fluorescente in situ : cette technique a permis de révéler qu'une sonde du gène Prk s'était hybridée avec un chromosome métaphasique de l'animal au stade larvaire.
Une évolution qui confère au mollusque une capacité biochimique exceptionnelle : celle de fabriquer à loisir et au moyen de la photosynthèse, sa propre matièrematière organique, telle une plante, sur la seule base d'énergieénergie lumineuse, de gaz carboniquegaz carbonique et d'eau. Et ainsi, de survivre dans un environnement pouvant être dépourvu de sa source habituelle de nourriture.
Filaments et spores de Vaucheria, un genre d'algue vert-jaune filamenteuse d'eau saumâtre présente en Amérique du Nord et consommée par la limace de mer Elysia chlorotica. © Nordisk familjebok, Wikimedia Commons, domaine public
Des résultats peut-être exploitables en thérapie génique
On savait depuis les années 1970 qu'Elysia chloritica pratiquait la kleptoplastie : elle vole et incorpore dans ses cellules digestives les chloroplastes de Vaucheria litorea qu'elle consomme. Les petites usines à matière organique pourvues en chlorophylle sont dès lors maintenues en activité durant neuf mois - bien plus longtemps que dans les algues - et donnent à l'animal sa couleurcouleur verte caractéristique. Jusqu'à présent, les avis divergeaient sur la façon dont s'y prenait l'animal pour contrôler « ses » chloroplastes.
« Ce document confirme que l'un des nombreux gènes d'algue nécessaire pour réparer les dommages des chloroplastes et pour les garder fonctionnels est présent sur le chromosome de la limace », déclare Sidney Pierce, professeur émérite à l'université de Floride du Sud, aux États-Unis, et co-auteur de l'étude. Incorporé dans le mollusque, Prk est aussi transmis à la prochaine génération. Cette dernière possède alors « l'outil génétiquegénétique » pour entretenir les chloroplastes qu'elle ingurgite. « Il est impossible sur Terre que les gènes d'une algue puissent fonctionner à l'intérieur d'une cellule animale. Et pourtant, ici, [les limaces] le font », s'étonne encore Sidney Pierce.
Ces découvertes pourraient s'avérer utiles dans le champ de la médecine. « Est-ce qu'une limace de mer est une bon [modèle biologique] pour une thérapiethérapie humaine ? Probablement pas, estime Sidney Pierce. Mais déterminer le mécanisme de ce transfert de gène naturel pourrait être extrêmement instructif pour des applicationsapplications médicales futures », poursuit-il, notamment en thérapie génique basée sur le transfert de gène pour corriger des maladies d'origine génétique.