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Les lasers de puissance à impulsions ultracourtes, de l'ordre de quelques femtosecondesfemtosecondes (10-15 s), peuvent provoquer des phénomènes de filamentation dans l'atmosphère. Les émissionsémissions lumineuses de ces engins de plusieurs térawatts de puissance modifient l'indice de réfractionindice de réfraction du milieu, ce qui induit une autofocalisation du faisceau et provoque une ionisation de l’air dans son voisinage. Les filaments ainsi produits ont un diamètre de 100 µm, et peuvent atteindre plusieurs dizaines, voire centaines, de kilomètres de long. Par ailleurs, ils sont conducteurs.
Les militaires envisagent d'utiliser des lasers de puissance transportables pour établir des antennes de communication furtives. Les météorologuesmétéorologues, eux, préfèrent plutôt les utiliser pour étudier la teneur des différentes couches de l'atmosphère en polluants chimiques ou biologiques, en les utilisant comme des lidars, mais avec un avantage de taille. Les émissions lumineuses peuvent être blanches, donc composées de multiples longueurs d'ondelongueurs d'onde. Grâce à cette propriété, les différentes moléculesmolécules en présence dans l'airair, qui répondent à une longueur d’onde précise, sont décelables avec un nombre réduit d'impulsions. Notons cependant que les filaments ne sont pas mis à profit dans cette applicationapplication.
En revanche, leur création dans des ciels chargés en électricité permettrait d'établir des paratonnerresparatonnerres géants, c'est-à-dire des structures pouvant guider la foudre. Des expériences menées en laboratoire se sont montrées fructueuses, mais il s'agit bien de forcer les éclairs à suivre un chemin, non de les créer. Thomas Leisner, de l'Institut de technologie de Karlsruhe (Allemagne), vient de trouver une nouvelle utilité possible à ces laserslasers, grâce à des expériences réalisées en laboratoire : ils augmentent la formation de glace dans certains nuages de haute altitude.
Filament autoguidé de lumière blanche produite par un laser femtoseconde. © J. Kasparian, Lasim, Lyon
L'épaisseur optique des nuages cirrus augmente
Le chercheur et son équipe souhaitaient étudier le comportement de la glace et de l'eau présents dans des nuages lorsqu'ils sont exposés à un filament ionisé, mais il était bien évidemment hors de question de réaliser les tests dans la nature. Ils ont donc été menés dans une chambre à nuages fermée. Les scientifiques ont dans un premier temps simulé les conditions régnant dans un cumulonimbus, là où de la glace côtoie de l'eau surfondue. Le faisceau laser n'a eu aucune influence sur la formation des cristaux de glace ou sur la condensationcondensation de l'eau.
L'expérience a été répétée, mais en projetant cette fois le faisceau sur un cirrus, un nuage de haute altitude composé de cristaux de glace (couche supérieure de la troposphère). L'effet observé a alors surpris les chercheurs. En une dizaine de minutes, l'action du laser a multiplié par 100 la densité des cristaux. Selon l'article paru dans Pnas : « les nouvelles particules de glace ont alors rapidement diminué la pressionpression en vapeur d'eau jusqu'à la saturation de la glace, ce qui a augmenté l'épaisseur optique du nuage parfois de trois ordres de grandeurordres de grandeur ».
Ce dernier détail n'est pas anodin, puisque les cirrus interviennent dans le bilan radiatif de notre planète. Ils réfléchissent ou absorbent partiellement le rayonnement solaire venant de l'espace (pouvoir refroidissant), mais aussi le rayonnement thermiquerayonnement thermique émit par la Terre (pouvoir réchauffant). Ainsi, les lasers de puissance à impulsions ultracourtes, dont certains sont transportables, comme le Téramobile, pourraient être utilisés, en plus bien sûr de leur rôle d'outil de mesure, pour changer les propriétés des cirrus à distance, et donc modifier l'effet de serre.