Découvrez les techniques d'un chasseur d'orages pour prendre les meilleures images et les conseils de sécurité d'un spécialiste de la foudre, avec les propos de Serge Zaka et Stéphane Schmitt lors du Forum international de la météo et du climat.
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Le Forum international de la météo et du climat, événement dont Futura était partenaire, s'est tenu à Paris du 14 au 17 mai dernier. Plus de 7.000 visiteurs, dont près de 1.500 scolaires, sont venus participer aux ateliers et assister aux nombreuses conférences sur la météométéo, le climat, la biodiversité et l'agriculture durable. Le Forum a débuté par une journée consacrée aux passionnés de météo, le Meet Up Météo, qui a réuni des amateurs, des présentateurs télé, des experts et des chercheurs pour des débats et des rencontres. La session « Orages et tornades : le coup de foudre » était consacrée à la chasse à l'orage, avec l'intervention de Serge Zaka, météorologuemétéorologue chasseur d'orages, et Stéphane Schmitt, spécialiste alertes aux orages pour Météorage.
Il est difficile de ne pas s'extasier devant les colères du ciel et d'être tenté de capturer en images la beauté des orages et de la foudre. Mais la plupart du temps, le résultat n'est rien d'autre qu'une photo sombre et floue. Pour certains, partir sur les routes lors d'un temps orageux et immortaliser les nuagesnuages d'orage et les phénomènes qu'ils génèrent (éclairéclair, grêle, tornadetornade...) est une véritable passion : il s'agit des chasseurs d'orages, dont les photos spectaculaires paraissent parfois irréelles. En 2021, Serge Zaka a gagné le prix de la meilleure photo météo du monde, pour son cliché pris à Cannes, par la Royal Meteorological Society, grâce aux votes du public.
Les trucs et astuces des chasseurs d'orages
À défaut d'arriver à concurrencer les meilleurs chasseurs d'orages, comment réussir une photo d'orage avec un résultat net et lumineux ? « Les smartphones récents font de superbes photos, mais les chasseurs d'orages préfèrent utiliser un Reflex. Toutefois, le plus important, c'est le trépied car la photo d'orage dure plusieurs secondes, donc il ne faut pas bouger. Un Reflex donne aussi toujours une meilleure qualité si on veut faire un agrandissement et l'imprimer. Les photos de smartphones ont par contre un rendu suffisant pour les réseaux sociauxréseaux sociaux. Sur le portable, il faut utiliser le mode feufeu d'artifice, mais sur un Reflex c'est à nous de régler la sensibilité avec le mode manuel », précise Serge Zaka. Mais encore faut-il savoir où et quand va éclater l'orage : « cinq jours à l'avance, on détermine la zone de chasse, la région. Deux à trois jours avant on peut déterminer le département, et le jour même seulement on sait où se positionner à peu près dans le département et ensuite on se repositionne pendant la chasse. Le chasseur d'orages, c'est un aventurier qui s'adapte à la situation ! Pour prévoir l'orage, j'aime utiliser le modèle Arome de Météo France, et à plus long terme les modèles ECMWF et GFS qui sont disponibles en ligne sur les sites Météociel et Infoclimat », annonce le chasseur d'orages.
Si aux États-Unis, pays où les plus grands chasseurs d'orages sont de véritables stars, les photos sont souvent très retouchées, ce n'est pas le cas en France selon Serge Zaka : « en France, nos orages ne sont pas aussi sensationnels qu'aux États-Unis, donc on fait ressortir le beau et pas vraiment l'exceptionnel. On retouche très peu nos photos, pour garder un peu de poésie. Je n'ai pas eu besoin de retoucher celle de Cannes car la LuneLune était très présente ce soir-là. On introduit juste du bleu, mais c'est une introduction plutôt naturelle car la pollution lumineusepollution lumineuse a donné un rendu un peu jaune sur nos photos ».
Les orages les plus violents ne se situent pas forcément là où on le croit
L'organisme Météorage conçoit des outils de détection de la foudre pour des clients et des avertissements à partir d'observations. Il est donc possible de savoir quelles sont les zones les plus foudroyées de France, mais aussi de déterminer l'intensité de la foudre : « le Gard, les Alpes-de-Haute-Provence, et le Vaucluse et globalement le Sud-Est regroupent la majorité des éclairs. À l'inverse, la Bretagne est la zone la moins foudroyée de France. La ville de Nîmes est par exemple 30 fois plus foudroyée que Quimper, explique Stéphane Schmitt. Mais il y a une différence entre le nombre d'éclairs et leur intensité : la Bretagne est l'une des zones avec les éclairs les plus puissants de France, il y a très peu d'impacts mais des impacts très puissants. Dans cette région, un impact sur cinq est violent, c'est-à-dire qu'il dépasse les 50 kiloampères, voire parfois 200 kiloampères ! Il faut savoir qu'un cœur humain s'arrête de battre à 40 milliampères. Il est difficile d'expliquer cette particularité de la Bretagne. »
Violents orages en Bretagne et Pays de la Loire en 2016. © Horizons Instables
La chasse à l'orage est une activité dangereuse qui ne s'improvise pas seul
La chasse à l'orage est en effet une activité dangereuse et cela, pour plusieurs raisons : la route en premier, en raison du risque d'endormissement, de la possibilité de percuter un animal en pleine nuit, ou encore de carambolage dans l'excitation de la chasse. Mais la foudre est évidemment un risque réel pour quiconque se poste sur un point dégagé avec un trépied en pleine activité électrique : « il y a une dizaine de décès par an liés à la foudre, la plupart du temps on survit, mais avec des lésions. Il faut casser ce mythe du golfeur foudroyé ou du randonneur, la plupart des personnes foudroyées sont de simples passants dans une rue, ou des promeneurs dans un parc ou une forêt. Les accidentsaccidents ne surviennent pas seulement en cas de vigilance orange ou rouge, mais 84 % des cas de foudroiement sont survenus dans des vigilances jaunes, avec une activité électrique faible ou modérée. Il ne faut pas sous-estimer les phénomènes locaux isolés, et savoir que même s'il y a plus d'éclairs en été, les orages d'hiverhiver ont une proportion d'éclairs plus violents », précise le spécialiste des alertes aux orages.
Attention également aux idées reçues selon Stéphane Schmitt : « La règle des 30 minutes qui dit que l'on peut ressortir si on n'entend plus le tonnerretonnerre depuis 30 minutes est fausse, des accidents peuvent encore arriver. Et l'éclair peut évidemment frapper plusieurs fois au même endroit. »
Finalement, le meilleur conseil à donner à ceux qui veulent partir chasser les orages est de ne jamais s'aventurer tout seul sans une personne d'expérience à ses côtés, insiste Serge Zaka : « Il faut être au minimum deux sur la route et être accompagné de chasseurs d'orages expérimentés, vous pouvez facilement retrouver d'autres passionnés sur les réseaux sociaux dans des associations régionales. J'ai déjà failli mourir plusieurs fois, et il y a quelques années, des promeneurs se sont fait foudroyer à 40 mètres de moi sur le littoral. »