Sais-tu quel mammifère marin tout blanc et doté d’une grosse tête ronde transmet son savoir à ses petits ? Aujourd’hui, on va parler du béluga, dans Bêtes de Science.


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    Nous sommes au nord de l'océan Pacifique. À l'est, sur notre droite, les plaines gelées de l'Alaska. À l'ouest, les terres sibériennes. Tout près, plus au nord, le cercle polaire arctique et ses étendues de banquise à perte de vue. Ici, le détroit de Béring sépare deux géants, l'Amérique et l'Eurasie. C'est l'été, la douceur des températures annonce le recul de la glace. Mais pour l'instant, le blanc et le silence dominent. La mer est si calme que personne ne pourrait deviner ce qui se joue aujourd'hui. Nous avons rendez-vous avec un phénomène qui ne se produit qu'une fois par an. Un phénomène exceptionnel. Mais pour le voir, il faut basculer de l'autre côté, derrière le miroirmiroir gris de l'eau. Dans ces eaux froides en apparence inhospitalières, des milliers d'espèces vivent au rythme des saisonssaisons. Ils sont là. On les entend avant de les voir. La mer n'est pas silencieuse. En calmant ta respiration, en te laissant bercer par les eaux, tu peux entendre la vie qui nous entoure.

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    Les migrations d'été des bélugas, un phénomène extraordinaire

    Leur silhouette blanche reflète la lumièrelumière du soleilsoleil. Ils nagent lentement, virevoltent, se frôlent. Avec leurs airsairs de gros dauphins tout de blanc vêtus, tu les auras peut-être reconnus : ce sont des bélugas. Tandis qu'un premier groupe s'avance vers nous, un autre, un peu plus loin, surgit des profondeurs de l'océan. Nous sommes tout à coup entourés par une centaine de baleines blanches. Les petits, eux, sont facilement reconnaissables : ils ont encore la peau grise. Ce sont les bébés du groupe. On dirait qu'ils se sont donné rendez-vous. Et c'est un rendez-vous qui ne doit rien au hasard... mais nous y reviendrons plus tard. Car le spectacle est à couper le souffle. Tout autour de nous, ces géants des mers, qui mesurent jusqu'à 5 mètres de long et pèsent plus de 1 000 kilos, flottent avec grâce, comme en apesanteurapesanteur, dans les eaux froides de l'Arctique. À la naissance, les bébés pèsent déjà 80 kilos, soit le poids d'un humain adulte !

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    Le béluga est, comme la baleine ou le dauphin, un mammifèremammifère marin, appartenant à la famille des cétacés. Il vit dans les eaux du Nord de notre Planète. Son nom scientifique, Delphinapterus leucasDelphinapterus leucas, signifie « dauphin sans ailes », en grec ancien. Car, contrairement aux dauphins communs ou aux requins, sa silhouette, blanche comme la glace, n'a pas d'aileron. Au lieu de cela, elle est surmontée par une fine crête, qui court le long de son dosdos. Son becbec, fendu en un large sourire, découvre des dents acérées, bien utiles pour croquer les poissonspoissons et les crustacéscrustacés qu'il mange. De chaque côté de sa tête, de petits yeuxyeux donnent au béluga un grand champ de vision. Comme tous les mammifères marins, notre cétacé remonte à la surface pour respirer, grâce à son évent, ce petit trou situé au sommet de son crânecrâne. Et son évent lui sert aussi à faire des bulles ! 

    Le beluga a une grosse bosse sur le front, ce qui le distingue des autres mammifères marins. © dottedyeti, Adobe Stock
    Le beluga a une grosse bosse sur le front, ce qui le distingue des autres mammifères marins. © dottedyeti, Adobe Stock

    Le « canari des mers » vit dans un univers sonore

    La véritable carte maîtresse du béluga, ce n'est ni son champ de vision ni ses dents tranchantes. Non, son atout majeur, c'est son sonarsonar. Comme son cousin le dauphin -- qui donne des prénoms à ses copains, souviens-toi, nous en parlions dans un précédent épisode -- comme le dauphin, donc, le béluga est capable de prendre des photographiesphotographies sonores de son environnement. Pour se repérer dans l'eau, à des profondeurs où la lumière du soleil se fait rare, il émet des sons en faisant vibrer des membranes situées dans son neznez, et qui sont plus ou moins comparables à nos cordes vocalescordes vocales. Ces sons sont amplifiés par un organe, le melonmelon, cette grosse bosse sur le front du béluga qui le rend reconnaissable entre mille, et (on ne va pas se mentir) qui lui donne l'air un brin cocasse. 

    Les sons émis par le béluga, rendus plus puissants par son melon, voyagent dans l'eau, et c'est alors qu'ils se cognent contre ce qu'ils croisent : la banquise, un bateau, des poissons. Lorsqu'ils atteignent un obstacle, les sons rebondissent et reviennent vers le béluga, en vibrant à travers sa mâchoire, jusqu'à son oreille interneoreille interne pour l'informer que quelque chose se trouve là, dans cette direction. Le cerveaucerveau du béluga crée alors une sorte de carte, une photographie instantanée de ce qui l'entoure. Sacré super-pouvoir, n'est-ce pas ? 

    Le beluga communique avec ses congénères en émettant des sifflements, des claquements, des grincements et des grognements

    Le béluga est parfaitement adapté à la vie dans le royaume sonore de l’océan. Et comme tu l'auras remarqué, c'est une vraie pipelette ! Il communique avec ses congénères en émettant des sifflements, des claquements, des grincements et des grognements. On le surnomme même le canari des mers, à cause de ses caquètements incessants ! Son répertoire vocal est si varié, qu'il faut plusieurs années aux bébés bélugas pour s'exprimer parfaitement. Car la communication est essentielle pour ces animaux, qui vivent en groupe et entretiennent des liens profonds avec leur congénères. Les bélugas sont des animaux sociaux. Regarde-les, ils ont voyagé ensemble, et ne s'éloignent guère les uns des autres ! Ils passeront l'été ici. Car comme chaque année, à la même période, les cétacés migrent depuis leurs territoires d'hiverhiver, un peu plus au nord, vers les eaux côtières où ils barboteront tout l'été. Il se fraient un chemin à travers la banquise, pendant plusieurs mois, en parcourant parfois des milliers de kilomètres. On appelle ce phénomène « les migrations d'été ». D'année en année, ils empruntent le même chemin, suivent la même route sous-marine et retrouvent la même baie. Partout, du Nord au Sud du détroit de Béring, des milliers de bélugas font de même.

    Mais pourquoi se donnent-ils rendez-vous ici ? Comment parviennent-ils à se retrouver, d'année en année, au même endroit ? Tu t'en doutes, ce comportement extraordinaire n'a pas tardé à piquer la curiosité des scientifiques, et tu vas voir qu'ils ont fait une découverte surprenante sur l'intelligenceintelligence hors norme du béluga. 

    Groupe de bélugas dans la rivière Churchill, traversant la province de Manitoba, et se jetant dans la baie d'Hudson, au Canada. © Tony, Adobe Stock
    Groupe de bélugas dans la rivière Churchill, traversant la province de Manitoba, et se jetant dans la baie d'Hudson, au Canada. © Tony, Adobe Stock

    Une culture migratoire transmise de génération en génération

    Une équipe réunissant des chercheurs du monde entier a suivi pendant 30 ans les déplacements de plus de 1 600 bélugas vivant dans les eaux arctiques de la Sibérie et de l'Alaska. Ils ont réuni les recherches faites par leurs prédécesseurs et suivi les bélugas pour accéder à une information essentielle : leur ADNADN.  L'ADN, c'est l'information contenue dans chacune des cellules de notre corps. Cette information est une sorte de code biologique, propre à chacun, totalement unique, et qui va dicter la couleurcouleur de nos yeux, de nos cheveux, mais aussi certains aspects de notre caractère par exemple. Notre ADN, c'est un peu notre carte d'identité biologique, ou plutôt génétiquegénétique, pour être précise. Tous les êtres vivants en ont une. Et c'est donc une information cruciale pour les chercheurs ! Elle leur permet de savoir si les bélugas qu'ils étudient appartiennent à la même famille : sont-ils cousins, frères et sœurs, parents ou enfants ? 

    En comparant ces cartes d'identité génétiques avec les chemins marins parcourus par les bélugas durant leurs migrations, les chercheurs ont fait une découverte exceptionnelle. Ils se sont aperçu que les bélugas qui se réunissent entre eux appartiennent à la même famille et migrent tous vers l'endroit de leur naissance. Alors bien sûr, plein d'animaux migrent : les poissons, les oiseaux, ou encore les tortuestortues...Mais ce qui rend la migration des bélugas si extraordinaire, c'est qu'ils ne se servent pas d'indices chimiques ou magnétiques pour retrouver leur chemin : chez les bélugas la migration, ça s'apprend. 

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    En fait, les mères bélugas transmettent leur connaissance des routes marines à leurs petits. Elles leur apprennent à se repérer dans l'immensité des eaux arctiques et à retrouver le chemin de l'endroit où ils sont nés. Lorsqu'un savoir est ainsi transmis socialement, on parle de culture. Les bélugas ne sont donc pas simplement des animaux migrateurs, ils ont une culture migratoire. Et ça change tout ! Les chercheurs pensent que ces migrations leur permettent de s'adapter aux changements de saison, pour trouver de la nourriture par exemple. C'est là la preuve d'une intelligence sociale surprenante et de capacités cognitives complexes. Une autre façon de dire qu'ils sont drôlement futés.

    Adoptions de narvals et imitation de voix humaines

    Et les capacités extraordinaires des bélugas ne s'arrêtent pas là ! Tu te souviens des bulles qu'ils faisaient tout à l'heure ? Eh bien, les scientifiques ont découvert qu'ils les produisent seuls ou en groupe, sans qu'elles aient de véritable utilité, tout simplement... pour s’amuser. Ces petits farceurs ont aussi un grand cœur : à plusieurs reprises des groupes de bélugas ont adopté des narvals. Les narvals sont aussi appelés licornes des merslicornes des mers, à cause de la longue défense en forme d'aiguille qu'ils arborent et qui peut mesurer jusqu'à 3 mètres ! Ce sont des cousins des bélugas, mais ils n'appartiennent pas à la même espèce, ce qui rend leur entente, même rare, exceptionnelle. 

    Et tu as peut-être entendu parler de Noc, un béluga devenu célèbre grâce à une capacité des plus étonnantes. Noc était un béluga captif, vivant dans un bassin de San Diego, aux États-Unis. Il faisait malheureusement partie des bélugas arrachés à leur milieu naturel, mais aujourd'hui, les choses changent, et de plus en plus de voix s'élèvent contre ce genre de pratique. Lors de ces longues années passées en bassin, Noc a côtoyé bélugas, dauphins et humains. 

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    Noc, le bélouga qui parle aux humains

    Et un jour, alors qu'ils vaquaient à leurs occupations près du bassin de Noc, les scientifiques ont entendu des bruits étranges. Des bruits qui ressemblaient étrangement à une conversation humaine. Lorsqu'ils se sont aperçu que c'était Noc lui-même qui les produisait, tout le monde est tombé à la renverse. Dans le discours de Noc, on ne distingue pas vraiment de mots, plutôt une sorte de conversation marmonnée. Mais c'est déjà un véritable exploit pour le béluga, qui fait l'effort de produire des sons beaucoup plus graves qu'à son habitude, en contractant les muscles de ses narinesnarines différemment. Noc s'était trouvé un passe-temps : il imitait la façon de parler des humains. Extraordinaire n'est-ce pas ?