Réponse courte : à cause des chevaux eux-mêmes. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les lapins se trouvent en compétition avec ces derniers et ont clairement le désavantage.
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Il mesure 1,29 mètre de long et vit en Angleterre : Darius est le plus gros lapin du monde. Il appartient à la race Géant des Flandres, dont le poids peut atteindre 10 kgkg. Et lorsque l'on considère les lapins sauvages, la taille limite se situe plutôt autour de 5 kg. Pourtant, malgré leur diversité, les lagomorphes (auxquels appartiennent les lapins, les lièvres et les pikas) ont une taille assez homogène (généralement entre 12 et 80 cm). En comparaison, les rongeurs qui ont suivi une évolution à peu près similaire, ont une taille bien plus diversifiée, allant de 4 grammes pour la souris pygmée africaine à plus de 50 kg pour le capybara (aussi nommé grand Cabiaï). Soit 10 fois plus que les plus gros lagomorphes dans la nature.
Les lapins ont arrêté de grandir au cours de leur évolution
Mais alors qu'est-ce qui a empêché les lapins de devenir aussi gros que des chevaux ? C'est la question que s'est posée Susumu Tomiya, primatologue à l'université de Kyoto au Japon, dans une étude publiée en février 2021 dans le journal Evolution. « L'étroite gamme phénotypique des lagomorphes sauvages ne reflète pas simplement leur diversité limitée : leur taux d'évolution de taille corporelle a été faible par rapport à ceux des rongeurs », insiste Susumu Tomiya. Autrement dit, quelque chose dans le processus évolutif a empêché les lapins de grandir. Mais quoi ?
Darius est le plus gros lapin du monde. © Nature on PBS
Le lapin, un cheval miniature
Susumu Tomiya et ses collègues ont analysé les différents facteurs écologiques pesant sur les lapins et ont passé en revue les archives fossiles de lagomorphes en Amérique du Nord. Ils ont alors constaté que le meilleur prédicteur de la taille corporelle maximale des lagomorphes était celui... du plus petit ongulé contemporain. « Les lagomorphes peuvent être considérés comme des "ongulés miniatures" en ce qui concerne leur comportement alimentaire et locomoteur, décrit Susumu Tomiya. Nous avons donc émis l'hypothèse que l'évolution de la taille des lagomorphes a été limitée par la compétition avec les petits ongulés parce que les lagomorphes perdent leur avantage concurrentiel au-dessus de certaines tailles corporelles ».
Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs ont comparé la quantité d'énergieénergie utilisée par les lagomorphes et les ongulés par rapport à leur taille corporelle. « Nous avons alors constaté que les lagomorphes pesant plus de 6 kilos sont énergétiquement désavantagés par rapport aux ongulés de la même taille ». À poids égal, les lapins dépensent ainsi beaucoup plus d'énergie qu'un ongulé. Alors que les ongulés et les lapins partageaient la même niche écologique, les premiers en ont donc profité pour prendre l'avantage et grossir jusqu'à atteindre d'énormes tailles -- l'éléphant d'Afrique étant même le plus gros mammifèremammifère terrestre actuel.
Les lapins prennent le dessus sur les lièvres
Pire, les lagomorphes se concurrencent entre eux lorsqu'ils grossissent trop. « Les grands lagomorphes, de type lièvre, sont désavantagés sur le plan concurrenciel et peu susceptibles de coexister de manière stable avec les plus petits lagomorphes de type lapin », constatent les chercheurs. Enfin, le système digestif des lapins fait que ces derniers n'ont pas pu diversifier leur régime alimentaire pour échapper à la compétition avec les ongulés. Les lapins sont principalement folivores, c'est-à-dire qu'ils se nourrissent de feuilles et de tiges, là où certains ongulés ont pu adopter un régime frugivorefrugivore.
Alors, c'est bien dommage, on ne verra sans doute jamais un hippopotame géant à grandes oreilles et vous ne pourrez jamais enfourcher un lapin pour une course de galop. De toutes façons, la mode est plutôt aux lapins nains.