Le lac Victoria, source du Nil Blanc et réservoir d’eau pour toute l’Afrique de l’Est, pourrait être entièrement à sec d’ici moins de 500 ans. Un phénomène qui s’est déjà produit par le passé mais qui, cette fois, serait bien plus rapide et dramatique : 40 millions de personnes dépendent de ses ressources en poisson, en eau et en électricité pour leur subsistance.
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Avec ses 68.800 kilomètres carrés de superficie, le lac Victoria, à l'est de l'Afrique, est le deuxième plus grand lac d'eau douce du monde après le lac Supérieur en Amérique du Nord. Alimenté par de nombreux cours d'eau, le lac Victoria est pourtant très vulnérable aux changements climatiques du fait de sa topographie, de son hydrologie et de sa faible profondeur (au maximum 79 mètres). Au cours des 100.000 dernières années, il s'est déjà complètement vidé à trois reprises au moins, le dernier assèchement datant de 15.000 ans. Le phénomène serait bientôt en passe de se reproduire, avance une nouvelle étude, publiée le 15 janvier dans la revue Earth and Planetary Science Letters. D'ici moins de 500 ans, le lac Victoria pourrait ainsi être complètement à sec, mettant en danger 40 millions de personnes qui se reposent sur ses ressources pour leur nourriture, l'irrigation ou l'électricité.
Réchauffement climatique + forçage orbital : le cocktail fatal pour le lac Victoria
Bien que l'Afrique de l'Est soit soumise depuis plusieurs années à des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents, les modèles climatiques prévoient plutôt une augmentation des précipitations dans la région pour les années à venir (bien que les études soient contradictoires sur le sujet). Il n'est pas non plus victime d'un drainagedrainage intensif comme la mer d’Aral en Asie centrale.
Ce qui pourrait vider le lac, c'est la combinaison de très modestes variations dans les températures et les précipitationsprécipitations associées au forçage orbital. Ce dernier, qui résulte de la variation de l'orbiteorbite et de l'axe d'inclinaison de la TerreTerre, influe sur la quantité de rayonnement reçue à la surface terrestre et donc sur le climatclimat -- ce mécanisme est d'ailleurs présumé responsable des périodes glaciairespériodes glaciaires.
Pour appuyer leur thèse, les chercheurs ont retracé les niveaux historiques du lac sur les 18.000 dernières années, en s'appuyant notamment sur les fossilesfossiles de diatomées, qui donnent une indication de la salinitésalinité et donc du taux d'évaporation. Ils ont ensuite modélisé les futurs niveaux du lac en fonction du forçage orbital et des changements climatiques prévus dans la région selon les scénarios de réchauffement climatiqueréchauffement climatique.
Jusqu’à 12,9 cm de moins par an
Les conclusions révèlent l'extrême fragilité de l'équilibre du lac. Une augmentation des températures de 2 °C entraînerait ainsi une hausse de l'évaporation et une baisse du niveau de l'eau de 5,2 à 9,5 cm par an. Selon le scénario le plus pessimiste, le lac pourrait perdre 12,9 cm par an. Le NilLe Nil Blanc s'arrêterait de couler d'ici 10 ans, cessant d'alimenter en électricité l'Ouganda et tous les pays en aval. D'ici 400 ans, le Kenya perdrait son accès au lac et les principaux ports seraient à sec. Et en moins de 500 ans, il ne resterait rien du plus grand lac d'Afrique.
Peut-on au moins espérer un re-remplissage naturel comme cela s'est produit lors des assèchements précédents ? Peut-être, mais ce sera... très long. « Une fois le lac asséché, il faudrait des précipitations au moins égales à 131 cm par an [contre 140 cm/an aujourd'hui, ndlr] pour qu'il se remplisse à nouveau, indique Emily Beverly, chercheuse à l'université de Houston et principale auteure de l'étude. Et si les précipitations sont inférieures à 94 % de celles d'aujourd'hui, il faudra plus de 10.000 ans pour y parvenir ».
La grande différence avec le passé est qu'aujourd'hui le lac Victoria assure la subsistance de toute une économie, dans une région où la population est en forte augmentation. « La perte du lac pourrait réanimer une guerre territoriale entre le Kenya et l'Ouganda », avertit Emily Beverly. Sans compter le désastre écologique pour la biodiversitébiodiversité.
Pour l'heure, ce sont plutôt les espèces invasivesespèces invasives qui menacent le lac Victoria. Envahi par les jacinthes d'eau, ce dernier subit une eutrophisationeutrophisation massive qui étouffe l'eau de surface. La perche du Nil, introduite dans les années 1950 par les colons britanniques, a, quant à elle, décimé les espèces endémiquesendémiques.
Ce qu’il faut
retenir
- Deuxième plus grand lac d’eau douce du monde, le lac Victoria, en Afrique, pourrait pourtant disparaître d’ici 500 ans.
- Du fait de son hydrologie, il est extrêmement vulnérable au moindre changement climatique.
- Sa disparition aurait des conséquences désastreuses pour les 40 millions d’habitants qui vivent de ses ressources.