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Le point de départpoint de départ de ce nouveau travail est une double recommandation de l'AnsesAnses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) suite aux premiers résultats publiés en 2012 concernant les effets toxiques des insecticides néonicotinoïdes (une classe d'insecticides neurotoxiques très fréquemment utilisés) :
- d'une part, vérifier ou infirmer en conditions d'exposition réelles, au champ, l'impact de la pratique d'enrobage des semences avec certains insecticides sur la mortalité des abeilles pollinisatrices ;
- d'autre part, préciser ses effets sur les performances des colonies, données souvent absentes des évaluations précédentes.
Pour cette expérimentation grandeur nature, les chercheurs ont équipé 7.000 abeilles de micropuces RFID (Radio Frequency IDentificationRadio Frequency IDentification en anglais pour identification radiofréquence) permettant de surveiller leur entrée-sortie de la ruche. Les abeilles pouvaient butiner dans un territoire agricole de 200 km2 comprenant quelques parcelles de colza dont les semences étaient traitées à l'insecticide de la famille des néonicotinoïdes, le thiaméthoxame.
Les résultats montrent que le risque de mortalité des abeilles augmente selon l'exposition des ruches. Ce gradientgradient d'exposition est une combinaison à la fois de la taille des parcelles et de leur distance à la ruche. L'effet de l'exposition s'accroît progressivement au cours de l'avancement de la floraison du colza allant d'un risque moyen de mortalité de 5 à 22 %.
L’expérimentation s’est déroulée sur un territoire de 200 km2 où une partie des parcelles de colza ont été traitées par enrobage de semences au thiaméthoxame. Cette pratique étant proscrite en France depuis 2012 par principe de précaution, un accord du ministère de l’Agriculture a été nécessaire. Au total pour les deux années 2013 et 2014, 280 ha (41 parcelles) de colza traité ont ainsi été cultivés. Dix-huit ruches expérimentales ne présentant aucun symptôme imputable à des parasites ou maladies ont également été placées à travers ce territoire, en prenant soin de créer un gradient de niveaux d’exposition aux parcelles traitées. © Tihomir, Pixabay
Pas d'impact sur la production du miel malgré la surmortalité
Cependant, les chercheurs n'ont pas observé d'altération des performances des ruches exposées. Les quantités de miel produites n'ont pas été impactées par le gradient d'exposition aux cultures issues des semences traitées à l'insecticide. Les hypothèses avancées portent sur la mise en place au sein de la ruche de mécanismes de régulation démographique des colonies permettant de compenser la surmortalité des individus. Les colonies étudiées ont conservé des effectifs d'ouvrières et de butineuses suffisants pour maintenir la dynamique de production du miel. Ainsi, un rééquilibrage entre la taille du couvain mâle et celui des ouvrières apparaîtrait pendant la floraison et dans les semaines qui suivent.
Des traces d'imidaclopride - une autre substance néonicotinoïde restreinte au traitement des semences des cultures non butinées - ont par ailleurs été détectées dans la plupart des échantillons de nectar prélevé dans des fleurs de colza, ainsi que dans le nectar collecté par les abeilles butineuses. L'étude étant initialement élaborée pour déterminer les effets de la seule moléculemolécule de thiaméthoxame, cette co-exposition complique l'évaluation du risque en plein champ, car il n'a pas été possible de distinguer l'impact individuel de l'une ou l'autre molécule sur les abeilles.
En levant le voile sur la complexité des mécanismes biologiques mis en jeu, cette étude publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B souligne la difficulté d'évaluer précisément les risques encourus par les abeilles en situation réelle d'exposition aux traitements phytosanitaires. Ces risques sont mesurables à large échelle spatiale et se traduisent sur les ruches par des effets biologiques retardés qui ne sont pas à ce jour pris en compte par les autorités sanitaires. Les chercheurs de l'Inra, Terres Inovia, le CNRS, l'ITSAP-Institut de l'abeille et ACTA qui ont signé cette étude confirment l'importance de mesurer les effets chroniques de faibles doses dans l'évaluation de la toxicitétoxicité des pesticides avant leur mise sur le marché, ainsi que de possibles effets cumulatifs entre différentes matièresmatières actives.