Alors que le Canada est toujours en proie aux flammes, une nouvelle étude vient questionner notre gestion des forêts mais également… des incendies. Car alors que les pompiers tentent désespérément d’éteindre l’ensemble des départs de feux, des chercheurs montrent que ce n’est peut-être pas la meilleure stratégie à adopter.
au sommaire
Le nombre d'incendies de grande ampleur a dramatiquement augmenté depuis la fin du XXe siècle au Canada et dans l'ouest des États-Unis, c'est un fait. S'il paraît clair que cette évolution du régime des feux de forêts est liée au changement climatique, d'autres facteurs pourraient bien être mis en cause.
Car voilà plusieurs décennies que les autorités pratiquent dans ces régions une politique du « zéro incendie », ce qui a progressivement mené au développement de vastes forêts très denses d'âge homogène et présentant une composition relativement uniforme, avec une grande quantité de bois mort facilement inflammable. Or, ce type d'environnement est propice au déclenchement de graves incendies qui peuvent alors se propager très rapidement et sur de très grandes surfaces.
Extinction systématique des incendies : une mauvaise politique ?
Les mégafeux qui touchent en ce moment l'Amérique du Nord seraient donc en partie liés à une mauvaise gestion laissant la place à de très vastes et uniformes régions forestières. C'est ce que dévoile un nouvel article publié dans la revue Fire Ecology. Les chercheurs ont utilisé un modèle, nommé Reburn, qui permet de simuler la dynamique des feux dans un environnement forestier donné et d'observer l'évolution de la situation sur des dizaines ou centaines d'années. Le modèle permet ainsi d'étudier l'impact de différentes stratégies de gestion des feux de forêt au cours du temps.
Les résultats montrent que la stratégie suivie depuis le XXe siècle, qui est d'éteindre systématiquement tous les départs de feux, quelles que soient leurs tailles, a paradoxalement favorisé le développement actuel de mégafeux incontrôlables. À l'inverse, le modèle montre que laisser brûler une partie des petits incendies permet d'éviter ce genre de situation. Les zones brûlées agiraient en effet comme des « coupe-feux » naturels en freinant la propagation des grands incendies.
Mais ce n'est pas tout. En laissant volontairement brûler certaines zones, on recrée un environnement forestier plus riche et plus complexe, à la fois en ce qui concerne l'âge des arbres mais également en composition, en densité et en contenu combustiblecombustible. Autant de paramètres qui permettent de limiter le développement d'incendies dramatiques.
Recréer un environnement forestier à la structure plus complexe pour éviter les mégafeux
De plus, la création d'un patchwork de forêts clairsemées entrecoupées de prairie, de broussailles, de zones humides ou sèches, rend les forêts globalement plus résilientes face aux incendies. Ce type d'environnement forestier à la structure plus complexe présente également des habitats plus variés pour la faunefaune, permettant l'augmentation de la biodiversitébiodiversité.
Un concept qui est loin d'être nouveau mais dont la mise en œuvre est certainement plus compliquée que la politique actuelle du zéro incendie. Car laisser brûler une partie de forêt présente toujours un risque, sans compter le fait que la protection des habitants et des biens passe avant tout. Les scientifiques espèrent cependant que leur modèle Reburn puisse aider les autorités à envisager une autre gestion des feux de forêts sur le long terme, dans le but d'éviter les dramatiques événements que connaît en ce moment le Canada.