Des scientifiques pourraient enfin avoir élucidé le mystère de la couche E’ que les sismologues observent à la surface du noyau externe de la Terre. L’eau apportée par les subductions jusqu’à la base du manteau pourrait expliquer la nature de cette couche, illustrant les fortes connexions qui existent entre la surface et les profondeurs.

Le noyau reste l'enveloppe terrestre la plus énigmatique. Les connaissances que nous avons de sa structure, sa composition et sa dynamique ne proviennent en effet que de données indirectes, issues d'études sismologiques ou de modélisations. Le noyau terrestre joue pourtant un rôle majeur dans la dynamique globale de la Planète, en générant le si précieux champ magnétique bien sûr, mais également en participant au moteur de la tectonique des plaques.

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La nature exacte du noyau terrestre est encore mal définie

Longtemps vus comme totalement séparés et indépendants, les processus qui régissent la dynamique de surface et ceux affectant les niveaux les plus profonds du globe semblent en effet bien plus liés qu'on ne le pensait. L'interface entre le noyau externe liquide et le manteau, qui se situe à 2 891 kilomètres de profondeur, pourrait d'ailleurs jouer un rôle majeur dans la dynamique terrestre, notamment par le biais d’intenses échanges de chaleur et d’éléments chimiques. Toutefois, les processus qui se jouent à cette interface restent encore largement fragmentaires, de même que sa nature exacte.

Les différentes enveloppes terrestres : croûte, manteau, noyau externe, noyau interne. © Vadimsadovski, Fotolia
Les différentes enveloppes terrestres : croûte, manteau, noyau externe, noyau interne. © Vadimsadovski, Fotolia

Un noyau externe stratifié

Depuis 1936, on sait, grâce à la sismologie, que le noyau terrestre est divisé en deux grandes parties : un noyau interne solide et un noyau externe liquide. La précision des mesures augmentant avec le temps, les sismologues ont ensuite identifié l'existence d'une stratification plus fine au sein du noyau externe. Deux fins niveaux, nommés E' et F' ont ainsi été définis. La couche E' occupe la partie la plus externe du noyau liquide, marquant l'interface avec le manteau, alors que la couche F' occupe la base du noyau externe, marquant l'interface avec le noyau interne solide. La nature de ces interfaces reste cependant hautement débattue.

Des nouveaux résultats, publiés dans la revue Nature Geoscience, pourraient cependant apporter un éclaircissement sur la nature et l'origine de la couche E'. L'eau apportée par les zones de subduction semble d'ailleurs jouer un rôle important.

De l’eau de mer transportée jusqu’à la base du manteau

Les zones de subduction représentent les endroits du globe où les plaques océaniques sont progressivement avalées dans le manteau. La croûte en question, riche en eau, va ainsi « couler » dans les profondeurs terrestres, jusqu'à potentiellement atteindre l'interface noyau-manteau. De l'eau provenant initialement des océans va donc venir hydrater la partie inférieure du manteau. Mais quel peut être l'effet de cette hydratation sur les roches du noyau externe ?

Les plaques qui plongent dans le manteau au niveau des zones de subduction transportent d'énormes quantité d'eau et peuvent, pour certaines, atteindre la base du manteau. © Yonsei University
Les plaques qui plongent dans le manteau au niveau des zones de subduction transportent d'énormes quantité d'eau et peuvent, pour certaines, atteindre la base du manteau. © Yonsei University

La surface du noyau externe altérée par l’eau

Les scientifiques ont donc réalisé des expériences en laboratoire reproduisant les très hautes pressions et températures qui règnent à l'interface entre le noyau et le manteau, au moyen d'une enclume à diamant. Leurs résultats indiquent que l'eau apportée par les subductions réagit avec le silicium présent dans le noyau externe, générant des cristaux de silice qui vont rejoindre la composition du manteau sus-jacent.

Illustration présentant les échanges chimiques qui se jouent au niveau de l'interface entre le manteau et le noyau externe. © Dan Shim/ASU
Illustration présentant les échanges chimiques qui se jouent au niveau de l'interface entre le manteau et le noyau externe. © Dan Shim/ASU

Il en résulte que le noyau externe se retrouve enrobé d'un fin niveau liquide dont la composition a été modifiée : il est riche en hydrogène et appauvri en silicium. Sa densité réduite par rapport au reste du noyau externe ainsi que le fait que les ondes sismiques s'y propagent plus lentement font que cette surface d'altération rejoint les caractéristiques sismiques définies pour la couche E'.

Cette découverte permet ainsi de mieux contraindre le cycle global de l'eau au sein du système terrestre. Elle illustre également la puissante connexion qui existe entre la surface et les niveaux très profonds du globe.