Il était bien caché, il faut le dire. Le cratère Nadir est en effet situé au large de la Guinée, enfoui sous 300 mètres de sédiments et 900 mètres d’eau ! Si les scientifiques l’ont trouvé, c’est grâce à l’imagerie sismique. Une nouvelle étude présente d’ailleurs une vue 3D de ce cratère formé il y a 66 millions d’années, à la suite de la chute d’un imposant astéroïde !


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    Sur Terre, retrouver la trace d’anciens cratères d’impact n'est pas forcément évident. Les mouvementsmouvements tectoniques, et surtout l'érosion, en effacent en effet peu à peu les contours. Il est probable que de nombreux cratères passent ainsi inaperçus. Ce qui est certain toutefois, c'est que le cratère NadirNadir n'aurait jamais pu être trouvé sans l’aide de l’imagerie sismique.

    Un cratère trouvé grâce à l’imagerie sismique

    Ce cratère se trouve en effet enfoui sous les sédiments marins de la plateforme continentale qui se situe au large de la Guinée, sur la marge nord-ouest de l'Afrique. Le fond océanique, qui se situe ici à 900 mètres de profondeur, ne laisse apparaître aucune trace de cet impact qui se serait produit il y a environ 66 millions d'années. Même la cartographie la plus précise du fond océanique n'aurait donc pas permis d'identifier ce cratère qui mesure approximativement 8,5 kilomètres de diamètre.

    Localisation du cratère Nadir, au large de la Guinée, sur le plateau continental. © Nicholson et <em>al., </em>2024<em>, Communications earth and environment</em>
    Localisation du cratère Nadir, au large de la Guinée, sur le plateau continental. © Nicholson et al., 2024, Communications earth and environment

    Il a donc été découvert en 2022 lors de l'acquisition et de l'analyse de coupes sismiques en 2D. Cette technique géophysique est basée sur l'envoi d'ondes acoustiquesondes acoustiques générées, dans le cas des mesures en mer, par des canons à airair comprimé tirés par un navire. Comme lors des séismes, les ondes produites vont se propager dans l'eau puis dans le sous-sol, où elles vont être réfléchies et réfractées sur chaque interface présentant un changement d'impédance acoustique.

    Grâce à une traîne de géophones, le navire va alors capter l'arrivée des ondes réfléchies et réfractées. À partir de ces données de temps d'envoi et d'arrivée des ondes, on va alors pouvoir reconstruire un profil 2D de la structure du fond océanique, un peu comme si l'on voyait une échographieéchographie en profondeur du sous-sol. L'alternance des strates sédimentaires, le toittoit de la croûte océanique, voire le Moho (base de la croûte), peuvent ainsi être imagés sous la forme de réflecteurs. Bien sûr, tout élément venant perturber la tranquille alternance sédimentaire sera bien visible. C'est ainsi que le cratère Nadir a été identifié.

    Un cratère vu en 3D avec une précision incroyable

    Le profil sismique montre en effet qu'à partir de 300 mètres sous le fond océanique, les sédiments présentent une forte perturbation en forme de cuvette avec en son centre une nette élévation. Autour de cette zone totalement remaniée, on observe de nombreuses faillesfailles normales affectant la stratificationstratification. C'est cette analyse de la déformation qui a permis aux chercheurs de définir l'âge du cratère. L'impact aurait donc eu lieu il y a 66 millions d'années, au moment de la transition Cétacé-PaléogènePaléogène. C'est-à-dire plus ou moins en même temps que l’impact géant du Chicxulub, qui a participé à l'extinction des dinosauresdinosaures.

    Profil sismique en 2D montrant le cratère Nadir (zone de sédiments perturbés avec au centre une élévation) enfoui sous 300 mètres de sédiments. © Nicholson et <em>al.,</em> 2024, <em>Communications earth and environment</em>
    Profil sismique en 2D montrant le cratère Nadir (zone de sédiments perturbés avec au centre une élévation) enfoui sous 300 mètres de sédiments. © Nicholson et al., 2024, Communications earth and environment

    Sa proximité temporelle avec cet événement majeur dans l'histoire de la Terre rend donc le cratère Nadir particulièrement intéressant. Pour en savoir plus, une campagne d'imagerie sismique 3D a donc été menée afin de pourvoir le caractériser plus précisément. La nouvelle vue en 3D, publiée dans un récent article dans la revue Communications earth and environment, a permis de confirmer les dimensions du cratère et de reconstruire le scénario de l'impact. Ce serait ainsi un astéroïde de 500 mètres de diamètre qui aurait percuté le fond océanique avec un angle de 20 à 40°, entraînant la formation d'un imposant cratère, mais aussi d'un tsunamitsunami. C'est une vaguevague de 800 mètres de haut qui aurait alors parcouru l'océan Atlantique et déferlé sur les côtes.

    Sismique 3D permettant d'observer le cratère sous toutes les coutures. © Nicholson et <em>al.</em>, 2024, <em>Communications earth and environment</em>
    Sismique 3D permettant d'observer le cratère sous toutes les coutures. © Nicholson et al., 2024, Communications earth and environment

    Un petit frère de l’impacteur du Chicxulub ou un événement à part ?

    Mais la question que tout le monde se pose est : « Y a-t-il un lien entre cet impact et celui du ChicxulubChicxulub ? » La similarité de l'âge laisse en effet penser qu'à la fin du CrétacéCrétacé, la Terre a été frappée par plusieurs astéroïdesastéroïdes de grandes tailles. Peut-être s'agit-il de plusieurs fragments d'un astéroïde qui se serait disloqué à proximité de la Terre ? Ou bien la proximité temporelle de ces deux événements n'est-elle que le fruit du hasard ? Il faut noter qu'il est difficile avec ce type de données d'estimer un âge précis. Il est possible que les deux impacts aient ainsi été séparés d'un, voire deux, millions d'années.

    C'est toutefois la première fois qu'un cratère est ainsi imagé en 3D avec une résolutionrésolution si haute. Les scientifiques espèrent désormais pouvoir aller forer son intérieur pour en récupérer des échantillons qui apporteront, sans nul doute, de nouveaux éléments pour comprendre cette catastrophe.