D'où vient l'énergie à l'origine du champ magnétique de la Terre ? Il y a plus de 3 milliards d'années, elle ne pouvait pas être générée par la solidification du noyau de la planète, comme aujourd'hui. Une solution vient d'être proposée : au début de l'histoire de la Terre, elle serait provenue du magnésium injecté par la collision avec Théia, évènement d'où est née la Lune.

Avec la gravité et les ondes sismiques, le champ magnétique de la Terre est le troisième phénomène qui permet de sonder l'intérieur de la Terre à grandes profondeurs. En combinant l'étude de ces trois phénomènes avec les données de la géochimie, nous savons que lors de sa naissance, la Terre s'est différenciée très rapidement -- avec un noyau, un manteau et une croûte -- à partir d'un matériau très proche de celui trouvé aujourd'hui dans certaines météorites appelées chondrites à enstatite. Il n'aurait fallu que quelques dizaines de millions d'années pour qu'apparaisse un noyau de fer et de nickel liquide, prenant en sandwich, avec la croûte, le manteau de notre planète.

La magnétosphère de la Terre nous est précieuse car elle constitue un bouclier protecteur de la biosphère et de l'atmosphère contre les rayons cosmiques et l'érosion que pourrait causer le vent solaire (il a contribué à faire disparaître l'atmosphère de Mars). Les géophysiciens cherchent bien sûr à comprendre son origine et ils ont en grande partie réussi en construisant des modèles de l'intérieur de la Terre ainsi que des simulations numériques. Ces modèles et simulations sont contraints par les observations des sismologues, les expériences à hautes pressions effectuées avec les cellules à enclumes de diamant et, enfin, la fameuse expérience VKS qui a permis de tester nos idées sur l'origine des inversions du champ magnétique de la Terre.


Entretiens avec Gauthier Hulot, chercheur IPGP-CNRS, et des membres de l'équipe géomagnétisme. © Chaîne IPGP

Une magnétosphère vieille d'au moins 3,5 milliards d'années

Nous savons que ce champ magnétique est engendré par des mouvements de convection turbulents dans la partie liquide du noyau de la Terre, le tout en relation avec la rotation de notre planète. Il s'est ainsi formé une géodynamo auto-excitatrice où champs magnétiques et courants électriques s'amplifient mutuellement. Mais, pour maintenir la convection à l'origine de cette géodynamo, il faut de l'énergie. On pense qu'elle provient en grande partie de la chaleur latente de cristallisation libérée dans le noyau par la formation de la graine, la partie solide du noyau découverte par la Danoise Inge Lehmann.

Toutefois, tout semble indiquer que le début de cette cristallisation est récent. Il se serait produit il y a entre 2 milliards et 500 millions d'années. Or, on trouve des traces de la présence du champ magnétique de la Terre dans des minéraux appartenant à des roches âgées d'environ 3,5 milliards d'années, découvertes en Afrique du Sud. Il est même possible que le bouclier magnétique de la Terre soit en place depuis plus de 4 milliards d'années si l'on prend au sérieux quelques indications ténues de sa présence, enregistrées par les zircons australiens de Jack Hills. C'est d'autant plus probable que Mars possédait un tel bouclier, bien que transitoire, très précocement, vers 4,4 milliards d'années probablement. C'est ce que nous indique l'étude de la météorite martienne ALH84001.

De la chaleur libérée par l'exsolution de l'oxyde de magnésium du noyau

Comment résoudre cette contradiction ? James Badro, Julien Siebert et Francis Nimmo viennent de proposer une explication dans le journal Nature. Ils supposent que le noyau de la Terre était initialement enrichi en oxyde de magnésium. Lorsqu'il a commencé à refroidir, un phénomène d'exsolution l'a conduit à quitter le noyau pour se concentrer juste au-dessus de lui, dans le manteau. Une grande quantité d'énergie libérée a accompagné le phénomène et, si la quantité d'oxyde de magnésium injectée dans le manteau était assez grande, ce qui est plausible, cette énergie pouvait être très largement supérieure à celle que libère actuellement la croissance de la graine.

Mais comment du magnésium s'est-il retrouvé dans le noyau de la Terre alors que les lois de la géochimie indiquent que lors de sa différentiation il se serait plutôt retrouvé dans le manteau ? Réponse : à cause des collisions avec des petites planètes, comme celle à l'origine de la Lune et baptisée Théia, qui avait probablement la taille de Mars. Le noyau de Théia aurait rapidement été englouti par celui de la jeune Terre dans laquelle il s'est enfoncé, entraînant avec lui des roches du manteau riches en magnésium.

L'hypothèse est élégante et rend crédible l'hypothèse que des superterres et des exoterres ont pu posséder rapidement, elles aussi, d'un bouclier magnétique pour les mêmes raisons. De quoi intéresser les exobiologistes.