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L'actualité récente nous l'aurait presque fait oublier, les tsunamis ne se forment pas uniquement en mer à la suite de puissants tremblements de terretremblements de terre. Les lacs, surtout ceux de grande taille, sont également concernés. Des chutes de pierres, des glissements de terrain ou encore des effondrementseffondrements de volcan peuvent y mettre en mouvementmouvement d'importantes quantités d'eau susceptibles de générer des vagues meurtrières.
Le lac Léman ne fait pas exception à la règle. Située dans les Alpes, entre la France et la Suisse, cette étendue d'eau de 581 km² a déjà été la source d'une catastrophe majeure en 563 après J.-C. Des écrits de l'époque rapportent qu'un tsunami se serait abattu sur la ville située à l'emplacement actuel de Genève, causant alors de nombreux morts et la destruction des cultures.
Aucune preuve géologique corroborant ces écrits n'avait été trouvée depuis, jusqu'à ce que Katrina Kremer, Guy Simpson et Stéphanie Girardclos de l'université de Genève ne sondent les sédiments du lac dans sa partie la plus profonde. Le scénario de cette catastrophe nommée Tauredunum a été retracé dans la revue Nature Geoscience.
Représentation schématisant la propagation du tsunami survenu dans le lac Léman en 563 après J.-C. L'éboulement a atteint le Rhône sur la droite de l’image (Possible rockfall origin). La vague générée s’est ensuite propagée vers l’ouest. Les lignes rouges indiquent sa position par intervalles de 5 minutes (les temps correspondant aux différents traits sont inscrits en rouge). Les valeurs dans les cercles indiquent la hauteur de la vague lorsqu’elle est arrivée sur les villes bordant le lac. © Katrina Kremer, Guy Simpson et Stéphanie Girardclos 2012, Nature Geoscience
Des profils sédimentaires à haute résolution
Près de 100 km de profils sédimentaires à haute résolutionrésolution ont été réalisés par cette équipe. Les couches géologiques présentes sous le fond du lac ont été révélées grâce à des ondes sismiques (3,5 HzHz). Elles ont le pouvoir de pénétrer dans les sols puis d'être réfléchies en partie par les différentes couches de sédiments rencontrées, exactement selon le même principe qu'un sonarsonar.
Plus de 300 m sous la surface du lac, les ondes ont révélé la présence d'une couche de sédiments agencés de manière chaotique. Elle s'est donc probablement déposée à la suite d'un seul et unique événement majeur. De forme lenticulaire, cette massemasse s'étend sur 50 km² (10 km de long et 5 km de large) et 5 m d'épaisseur. Soit un volumevolume de 0,25 km3.
Quatre carottages de 7 à 12 m de profondeur ont alors été réalisés pour une datation de cette couche au carbonecarbone 14. Résultat, elle se serait formée entre 381 et 612 après J.-C. Or, seul le tsunami a été répertorié dans les écrits antiques. Il est donc fortement probable qu'il soit impliqué dans l'important mouvement des sédiments.
Un risque de tsunami à ne pas négliger… même en montagne
Que s'est-il donc passé au lac Léman voici 1.449 ans ? Selon la forme de la couche de sédiments, l'origine du drame se situerait au niveau du deltadelta du Rhône, à 70 km de Genève. Un rocher se serait détaché du flanc de la montagne et serait tombé dans l'eau, provoquant alors une rupture du delta, la mise en suspension des sédiments et la formation du tsunami. D'après un modèle généré par les chercheurs, une vague de 13 m de haut se serait alors abattue sur Lausanne 15 min plus tard. Genève aurait quant à elle été touchée 70 min après le début de la catastrophe, la vague faisant 8 m de haut, soit plus que la hauteur des mursmurs de la ville de l'époque.
D'autres événements similaires pourraient, selon les données récoltées mais qu'il reste à valider, être survenus au cours des 10.000 dernières années. On peut dès lors imaginer que cela pourrait se reproduire à l'avenir. Un million de personnes vivraient actuellement sur les rives du lac Léman, dont 200.000 rien qu'à Genève. La survenue d'un tsunami causerait donc d'importantes pertes humaines. Des études devraient être menées pour quantifier au mieux le risque et peut-être définir des mesures de protection à prendre. Des évaluations de la stabilité des pentes avoisinantes seraient également, selon les auteurs, les bienvenues.