La rupture continentale est l’un des processus fondamentaux de la tectonique des plaques. Si certains continents semblent accepter le divorce assez facilement, la rupture est beaucoup plus difficile pour d’autres.
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Les cycles de regroupement et de fragmentation des supercontinents font partie des processus tectoniques fondamentaux qui affectent la surface de notre Planète. Leur impact sur la vie terrestre est indéniable. Les cycles de Wilson contrôlent en effet la circulation océanique, la distribution des terres émergées, la composition atmosphérique et bien d'autres facteurs.
La signature de ces différents cycles qu'a connus la Terre est gravée dans le paysage géologique que nous observons. Pourtant, nous sommes encore loin de comprendre tous les aspects de ces mouvementsmouvements tectoniques. La rupture continentale, en particulier, apparait être un processus relativement complexe car, malgré la puissance de la tectonique des plaques, rompre une croûtecroûte particulièrement résistante de plus de 30 km d'épaisseur n'est pas une mince affaire. De nombreux paramètres entrent en jeu : présence de failles, de zones de faiblesse héritées d'un ancien cycle tectonique, d'une anomalieanomalie thermique dans le manteaumanteau... Les facteurs influençant le lieu de la rupture et la façon dont elle va se dérouler sont nombreux, tout comme les interactions entre ces différents processus.
Du magma ? Ou pas…
Le rôle du magmatisme a souvent été invoqué pour expliquer la rupture continentale et la séparationséparation de deux nouveaux continents. En réchauffant les roches, l'activité magmatique mène en effet à un important affaiblissement de la croûte, un processus qui peut expliquer l'architecture de bon nombre de marges continentales, comme la marge uruguayenne par exemple. On parle, dans ce cas, de marges passives riches en magma. Cependant, de nombreuses marges présentent une architecture très différente, où les signes magmatiques sont cruellement absents. Alors que les ruptures continentales menées sous l'action d'un important magmatisme sont généralement rapides, entraînant la formation de marges courtes, avec une transition très étroite entre la croûte continentalecroûte continentale et la nouvelle croûte océaniquecroûte océanique, certaines ruptures se font très lentement, sans faire appel au processus magmatique, du moins pas de façon aussi nette.
Ces marges, que l'on dit pauvres en magma, ont des architectures très complexes. La zone de transition entre la croûte continentale et la croute océanique est très longue et est caractérisée par la présence d'une large bandelarge bande de croûte continentale hyper-amincie, faisant moins de 10 km d'épaisseur. Ce domaine hyper-aminci est composé de nombreux blocs de croûte continentale intensément faillée, comme si la croûte avait été étirée à son maximum, refusant de rompre. Cette architecture est caractéristique des marges autrefois couplées d'Ibérie-Terre Neuve et d'Australie-AntarctiqueAntarctique par exemple, mais on la retrouve à de nombreux autres endroits du globe.
Le manteau mis à nu
Plus étonnant encore lorsque, enfin, la croûte continentale finit par s'interrompre, le socle qui suit n'est pas de la croûte océanique, du moins pas au sens classique du terme. On trouve alors un domaine (qui peut faire plusieurs centaines de kilomètres de long), composé de roches du manteau. Mais retrouver de telles roches à la surface terrestre, directement au fond de l'océan, était totalement contre-intuitif il y a quelques décennies.
Normalement, lorsqu'elles remontent, par exemple au niveau d'une dorsale, les roches du manteau fondent sous l'effet de la décompression rapide. Cette fusion partiellefusion partielle va donner naissance aux roches magmatiquesroches magmatiques (basaltesbasaltes, gabbrosgabbros...) que nous connaissons bien. Or, les domaines de manteau exhumé observés sur le fond océanique au niveau des marges peu magmatiques ne montrent aucune trace de fusion. Il a longtemps été compliqué d'expliquer cette observation. Elle nécessite en effet une remontée très lente permettant le refroidissement progressif des roches du manteau. Exit donc un processus magmatique. Seul un processus purement tectonique pouvait expliquer une telle remontée. Les scientifiques ont ainsi découvert que ces domaines de manteau exhumé étaient liés au jeu de grandes failles tectoniques, plongeant dans le manteau.
Un processus de rupture qui peut durer très longtemps
C'est un peu comme si les continents refusaient coûte que coûte de se séparer. La croûte continentale est étirée jusqu'à son maximum. Lorsqu'elle finit par rompre, ce n'est pas une dorsale qui se met en place, mais une faille qui va continuer à étirer la lithosphèrelithosphère continentale restante pendant plusieurs millions d'années, via une exhumation lente et amagmatique du manteau supérieur.
Imaginez une barre de chocolat contenant un cœur de caramel mou et tirez doucement de chaque côté. Le chocolat (la croûte continentale) va se craqueler (les failles), puis cette enveloppe va finir par rompre, mais le cœur de caramel (le manteau supérieur d'origine continentale) va continuer à s'étirer, parfois très longtemps, jusqu'à ce que, finalement, il soit trop fin et finisse lui aussi par rompre. Ce dernier stade représente la rupture lithosphériquelithosphérique. Il s'agit d'une excellente image de ce qu'il se passe lorsque deux continents se séparent de façon amagmatique. Au-delà de la dernière étape, la remontée asthénosphérique est suffisamment haute pour engendrer la naissance d'une dorsale et la création d'une croûte océanique magmatique.
À l'inverse des marges riches en magma, où la rupture se fait par forçage magmatique lié à la remontée active de l'asthénosphèreasthénosphère, l'extension sur les marges peu magmatiques va entraîner une série de processus tectoniques et une remontée passive du manteau asthénosphérique. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette différence : un manteau anormalement froid dû à un héritage (présence d’un slab de subduction en profondeur), une vitessevitesse d'extension très lente, ou encore une lithosphère continentale trop épaisse (cas des cratonscratons par exemple).
Entre les deux extrêmes que représentent les marges très magmatiques et les marges totalement amagmatiques, il y a cependant toute une gamme possible de variations et la recherche continue pour affiner notre compréhension des processus mis en œuvre.