Les stalagmites grandissent à un rythme étonnamment stable au cours du temps. En lisant dans leurs strates, on peut ainsi reconstituer le climat du passé et même retrouver la date de l’éruption d’un volcan ou des sécheresses exceptionnelles.


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    Certains organismes vivants peuvent donner des informations sur la mesure du temps passé. Les cernes des arbres, par exemple, indiquent leur âge, ce que l'on appelle dendrochronologie. Les anneaux de croissance des coquillages ont même permis de calculer la durée du jour au temps de dinosaures ! Les carottes de glace fournissent elles aussi de précieuses sources de données pour retracer le climat passé. Mais ces méthodes présentent des limites : les arbres et les coquillages ont par nature une duréedurée de vie limitée et les carottes de glace subissent des altérations qui obligent à utiliser des modèles glaciologiques pour la datation.

    Un mètre tous les 11.000 ans !

    Une équipe de chercheurs de l'université de Nouvelle-GallesGalles du Sud, à Sydney, vient de découvrir que les stalagmites sont elles aussi de véritables métronomes du temps, avec une croissance étonnamment constante sur des centaines de milliers d'années, et ce quelles que soient les conditions dans les grottes et la composition chimique de la roche. Verdict : une stalagmite grandit en moyenne de 0,093 millimètre par an, soit environ un mètre en 11.000 ans. Une constatation étonnante quand on considère les environnements radicalement différents dans lesquels grandissent les stalagmites autour du monde.

    Différents types de strates de stalagmites, où l’on peut voir des bandes de 1 à 4 µm d’épaisseur issues de l’empilement des cristaux de calcite. © Andrew Smithson, Flickr
    Différents types de strates de stalagmites, où l’on peut voir des bandes de 1 à 4 µm d’épaisseur issues de l’empilement des cristaux de calcite. © Andrew Smithson, Flickr

    Cette moyenne est toutefois fluctuante. Afin de déterminer les mécanismes communs sous-jacents à leur développement, les chercheurs ont analysé les stalagmites stratifiées de 23 grottes sur six continents. Première constatation : les stalagmites ne poussent que dans les régions où les précipitations sont saisonnières. Il est bien entendu très rare d'en trouver dans des endroits secs. Deuxième constat : la croissance des stalagmites est plus rapide lorsque les températures augmentent, et ralentit lorsqu'il fait froid. Mais sur le long terme, le rythme de croissance demeure implacablement inchangé.

    Une stalagmite grandit en moyenne de 0,093 millimètre par an. © Andy Baker et al, <em>Reviews of Geophysics,</em> 2021
    Une stalagmite grandit en moyenne de 0,093 millimètre par an. © Andy Baker et al, Reviews of Geophysics, 2021

    Lire le passé dans les stalagmites

    Si les petites variations météorologiques n'ont pas de répercussion sur les stalagmites, certains événements climatiques extrêmes peuvent en revanche se lire dans les stratesstrates. « Pour qu'un signal environnemental soit préservé dans les variations d'épaisseur des strates de stalagmite, une grande perturbation des régimes météorologiques est nécessaire, comme les années humides ou sèches prolongées associées à El NiñoEl Niño ou à La NiñaLa Niña », explique Andy Baker, l'un des auteurs de l'étude parue dans Reviews of Geophysics. D'autres chercheurs ont réussi à dater l'éruption minoenne de Santorin dans une stalagmite turque ou à étudier grâce à des stalagmites comment l'aridification avait abouti à la chute de l’Empire assyrien.

    Mais comment expliquer cette remarquable stabilité au fil du temps ? Les stalagmites, qui poussent à partir du sol lorsque l'eau coule des stalactitesstalactites au plafond de la grotte, sont le résultat de minérauxminéraux transportés par l'eau en solution et qui se solidifient. Or, « leur source d'eau karstique a suffisamment de volumevolume et une composition chimique assez stable pour constituer un "tampon" contre des changements rapides, détaille Andy Baker. D'une année sur l'autre, on assiste donc à un effet "d'oscillation" où le taux d'accumulation revient vers sa moyenne de long terme ».

    Au-delà de la datation, les chercheurs espèrent aussi utiliser la structure chimique des stalagmites comme moyen de retracer des événements passés. « Nous sommes par exemple en train de reconstruire l'histoire des incendies à partir des traces laissées dans la partie soluble par les cendres », confie Andy Baker.