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Le suivi spatial et temporel des volcans est aisé sur les continents, hors de l'eau, grâce à des technologies telles que l'interférométrieinterférométrie radar (Insar) ou la télédétection par laserlaser (Lidar). Sous la surface, c'est une tout autre histoire, ces outils étant inopérants. Pourtant, les océans hébergent plus de 32.000 montagnes -- des monts d'au moins 750 mètres de haut - dont la majorité serait d'origine volcanique. Les données font donc cruellement défaut.
Des volcans sous-marins en activité sont répertoriés dans le monde entier, mais ils semblent principalement se concentrer au niveau des arcs de subduction. Celui des Tonga-Kermadec, dont l'existence est liée à l'enfoncement de la plaque lithosphériqueplaque lithosphérique pacifique sous la plaque indo-australienne, posséderait un volcan actif tous les 50 km. Le Monowai a été découvert en 1944 grâce à des observations aériennes. Il se compose d'une caldera s'étendant sur 7 à 10 km et d'un cônecône de 10 à 12 km de large sur un kilomètre de haut. Il fait l'objet d'un suivi régulier, grâce à l'utilisation de sonarssonars, depuis 1978.
Les études bathymétriques, menées à plusieurs années d'intervalle, ont mis en évidence d'importantes variations de profondeurs du sommet du cône, de 50 à 128 mètres d'un suivi à l'autre, aussi bien en positif qu'en négatif. Malheureusement, le temps séparant les études n'a pas permis, jusqu'à présent, de caractériser la dynamique des processus géologiques affectant la zone, notamment la vitessevitesse à laquelle le cône change de forme. Cette lacune est maintenant comblée grâce à Tony Watts de l'université d'Oxford. Il relate dans la revue Nature Geoscience des changements survenus sur le Monowai en seulement... 15 jours.
Présentation de la topographie du volcan Monowai. Cette vidéo a été créée à partir des données sonar récoltées durant deux passages du navire R/V Sonne au-dessus du site. Le cône et la caldéra sont clairement visibles. Le rouge et le bleu profond correspondent respectivement à des profondeurs d'environ 500 et 1.500 mètres. © Watts et al. 2012, Nature Geoscience
Une odeur d’œufs pourris en surface
Le navire R/V Sonne a réalisé une cartographie complète du volcan le 14 mai 2011 en quadrillant le secteur avec un sonar multifaisceaux. L'eau de surface présentait alors une curieuse couleurcouleur jaune-vert accompagnée d'une odeur d'œufs pourris provenant de bulles de gazgaz qui perçaient régulièrement la surface. Le navire a rapidement quitté le site une fois son travail terminé.
Des détecteurs sismiques placés sur les îles Tonga ont commencé à s'agiter 72 heures après le départ des scientifiques. Jusqu'à 150 événements sismiques, dont certains d'amplitudes importantes, ont été enregistrés par période de 24 heures durant 5 jours. D'une duréedurée minimum de 4 à 5 min, ils n'étaient donc pas liés à des tremblements de terretremblements de terre, mais bien à une éruption volcanique. L'enregistrement des ondes hydroacoustiques par d'autres stations du Pacifique, notamment celle de Tahiti, a permis une location précise de leur source : le volcan Monowai.
La surface de l'océan le 14 mai 2011 au-dessus du volcan sous-marin Monowai, sur l'arc de subduction des Tonga-Kermadec. L'eau présente une drôle de coloration, elle démontre l'existence d'un phénomène volcanique en cours, mais pas encore de l'éruption. © Watts et al. 2012, Nature Geoscience
Une éruption volcanique exceptionnelle
Le R/V Sonne est revenu sur le site du cône le 1er juin et une seconde carte des lieux a été réalisée. Les résultats ont été surprenants. En 15 jours, l'ancien cône s'est partiellement effondré, perdant 18,8 mètres de haut. En contrepartie, au moins quatre nouveaux cônes ont fait leur apparition. L'un d'entre eux s'est élevé de plus de 71,9 mètres.
Le calcul du taux de croissance du nouveau cône (0,63 km3 par an) révèle une dernière information intéressante. Seules les éruptions du mont Saint-Helens et du Vésuve sont caractérisées par des valeurs supérieures. L'événement s'étant produit sous l'eau était donc particulièrement important.
Cette étude démontre deux points importants : les processus géologiques régissant les fonds océaniques peuvent être extrêmement rapides, et les éruptions volcaniques sous-marines peuvent être pulsatiles.