L’origine des anomalies de vitesse qui se trouvent à l’interface entre le noyau externe et le manteau terrestre pourrait bien être élucidée. Il pourrait s’agir des restes d’anciennes croûtes océaniques déposées au fond du manteau au cours des temps géologiques.
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L'intérieur de la Terre renferme encore bien des mystères. Témoins du passé géologique de la planète, certaines anomaliesanomalies situées à la base du manteau, à l'interface avec le noyau externe, sont ainsi longtemps restées énigmatiques. Les progrès scientifiques en imagerie et modélisationmodélisation pourraient cependant commencer à lever le voile sur ces zones de matériel anormalement dense nommées ULVZ pour ultra-low velocity zones (des zones de vitessesvitesses ultra-faibles). Nous vous présentions ces anomalies dans un précédent article. Des chercheurs viennent cependant d'affiner la compréhension de leur nature et de leur origine.
Des anomalies plus vastes qu’on ne le pensait
Auparavant vues comme des patches isolés, ces zones de faible vitesse sismique sembleraient en réalité bien plus étendues. Ces résultats ont été obtenus suite à des investigations sismiques de haute résolutionrésolution permettant de cartographier et de caractériser précisément ces ULVZ.
Des restes de vieilles croûtes océaniques
Jusque-là, plusieurs hypothèses ont été émises jusque-là pour expliquer l'origine de ces anomalies au fond du manteau : restes de l’océan de magma primitif, résultats d'impacts météoritiques ou encore contaminationcontamination par des éléments chimiqueséléments chimiques du noyau externe.
Mais pour les chercheurs auteurs de l'étude publiée dans Science Advances, les caractéristiques des ULVZ seraient plutôt compatibles avec les restes d'anciennes croûtes océaniques ayant coulé dans le manteau après être entrées en subduction. Ce matériel océanique se serait ainsi déposé au niveau de la limite noyau-manteau, la tapissant d'une couche de matériel plus dense que le manteau environnant.
L'analyse de milliers d'enregistrements sismiques imageant le manteau inférieur dans l'hémisphère sud a permis de montrer que l'épaisseur de cette zone de faible vitesse à la base du manteau pouvait fortement varier, jusqu'à une dizaine de kilomètres. Ces sortes de « montagnes » au fond du manteau pourraient d'ailleurs jouer un rôle important sur la façon dont la chaleur s’échappe du noyau externe.
On comprend désormais mieux ce qui se cache au fond du manteau terrestre
L'intérieur de la Terre se dévoile un peu plus chaque jour. Grâce à des signaux sismiques de haute fréquence, des chercheurs ont réussi à imager la base du manteau de manière bien plus précise qu'auparavant. Ils précisent notamment la composition et l'architecture de certaines zones à très faible vitesse.
Article de Morgane GillardMorgane Gillard, publié le 21 mai 2022
Les profondeurs de la Terre réservent encore bien des mystères. La difficulté d'imager les couches les plus internes de notre Planète fait que de nombreuses questions persistent encore à ce jour, notamment sur la composition, mais également sur ce qui anime le manteau terrestre profond. Depuis quelque temps, certaines structures énigmatiques attirent cependant tout particulièrement l'attention des scientifiques.
À l'interface entre le noyau externe et le manteau, les ondes sismiques révèlent en effet la présence de grandes structures caractérisées par de très faibles vitesses sismiques. Ces zones contrastent avec le reste du manteau profond, qui est associé à l'inverse à de fortes vitesses des ondes, en lien avec l'énorme pressionpression qui règne à ces profondeurs. Les hypothèses pour expliquer ces ULVZ (pour Ultra-Low Velocity Zones, zones à très faibles vitesses) vont bon train. Mais leur étude se heurte à la difficulté d'obtenir des données de bonne qualité qui permettent de les caractériser avec précision.
Une imagerie plus précise des ULVZ
Grâce à l'analyse de certaines ondes sismiquesondes sismiques diffractées le long de l'interface noyau-manteau, des chercheurs des universités de Cambridge et d'Oxford ont réussi à obtenir de nouvelles « images » de ces structures, nichées à quelque 2.800 kilomètres de profondeur sous nos pieds. Des images bien plus précises que celles obtenues jusqu'à présent, et qui permettent d'émettre de nouvelles hypothèses sur leur composition et leur fonctionnement.
La zone étudiée se situe à la base du panache mantelliquepanache mantellique d'Hawaï, bien loin sous l'île du même nom. Ce panache est une colonne de manteau chaud qui remonte de la base du manteau jusqu'à la surface, donnant naissance à un intense volcanismevolcanisme de point chaudpoint chaud. Or, il apparaît que ce panache prend sa source au niveau d'une ULVZ, qui se présente sous la forme d'un blobblob d'une vingtaine de kilomètres de haut. Jusqu'à présent, ce type de « petite » structure (comparativement à l'échelle de la Terre), était quasi invisible, car situé sous la résolution limite des modèles tomographiques, qui définissent la structure de la Terre à l’aide des ondes sismiques générées par les grands séismes.
La méthode numériquenumérique développée par les chercheurs dans l'article publié dans la revue Nature Communications a permis d'analyser un signal sismique de haute fréquence. Un moyen d'imager avec une précision de l'ordre du kilomètre la zone à faible vitesse à la base du panache d'Hawaï.
Des zones enrichies en fer
Leurs résultats suggèrent que l'architecture interne de cette ULVZ est très complexe, avec certainement une composition hétérogène. L'analyse du signal de haute fréquence et la modélisation de la structure interne suggèrent en particulier que les ULVZ seraient enrichies en ferfer, un élément normalement caractéristique du noyau terrestrenoyau terrestre sous-jacent. La quantité de fer serait d'ailleurs variable, la base de l'ULVZ en étant plus riche que sa partie supérieure. Cette anomalie de composition, avec la présence d'une certaine proportion de liquideliquide magmatique, permettrait d'expliquer la réduction de près de 40 % de la vitesse des ondes sismiques par rapport au reste du manteau profond.
Cet enrichissement en fer pourrait être expliqué par plusieurs hypothèses. Il a déjà été suggéré que les ULVZ représentaient les restes de l’ancien océan de magma, qui a précédé la formation de la croûte terrestrecroûte terrestre au tout début de l'histoire de la Terre. Dans ce cas, la stratificationstratification observée dans la répartition du fer serait un indice du fractionnement du fer durant les différentes étapes de la cristallisation de cet « océan » de roche fondue.
Une autre hypothèse est que cette composition est liée aux impacts météoritiques qu'a connus la Terre au cours de son histoire. Le fer contenu dans les astéroïdesastéroïdes ayant frappé la Terre se serait mélangé aux silicatessilicates du manteau et accumulé à l'interface avec le noyau.
Une dernière hypothèse envisage que le fer soit issu directement du noyau externe. Celui-ci aurait en effet la possibilité d'exsolver certains éléments chimiques, ce processus étant suspecté de participer notamment à l’effet géodynamo qui est à l’origine du champ magnétique de la Terre.
En dehors de ces hypothèses qui restent à vérifier, il apparaît que ces zones particulièrement chaudes participent aux importantes variations du flux de chaleurchaleur enregistrées au niveau de la transition noyau-manteau. En ce sens, les ULVZ pourraient avoir un rôle majeur dans la convectionconvection du manteau et donc participer à la génération des points chauds mais également de la géodynamo.