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La détermination de la composition chimique globale de la Terre est l'une des questions clefs qui occupe depuis longtemps les géochimistes. Elle est difficile à résoudre car la grande majorité des matériaux qui forment notre planète ne peuvent pas être directement échantillonnés au-delà de 30 km de profondeur. À côté de la sismologie et de la géodésie, la géochimie isotopique est l'un des moyens d'évaluer indirectement la composition du manteau profond et du noyau de la Terre, et ainsi de proposer une estimation de la composition globale de notre Planète.
Les mesures sismologiques ont montré au XXe siècle que le noyau de la Terrenoyau de la Terre ne pouvait pas être composé uniquement de ferfer et de nickelnickel et que des éléments plus légers devaient en faire partie. Le développement récent de la géochimie isotopique des éléments majeurs constituant la Terre profonde, comme le fer et le siliciumsilicium, a permis de progresser sur cette question depuis une dizaine d'années. En comparant la composition isotopique du silicium de la Terre à celles des autres corps telluriques du Système solaireSystème solaire, notamment la Lune, il était admis jusque-là que la composition isotopique plus lourde de la Terre (de l'ordre de 0,2 ‰ pour le rapport 30Si/28Si) pouvait s'expliquer par la présence significative (de l'ordre de 10 %) de silicium dans le noyau de notre planète.
Dans un article publié dans la revue Earth and Planetary Science Letters, des chercheurs du Laboratoire géosciences environnement Toulouse (CNRS-INSU, Université de Toulouse, IRD), de l'université de Chicago, de Nagoya et de l'Institut de technologie de Chiba (Japon) révèlent qu'une classe de météoritesmétéorites, appelées angrites, présentent une composition isotopique du silicium plus lourde que celle du manteau terrestre, de presque 0,1 ‰ pour le rapport 30Si/28Si.
Entretiens avec Manuel Moreira, professeur à l’université Paris-Diderot, et des membres de l’équipe de géochimie de l’IPGP. © Chaîne IPGP, YouTube
Un noyau moins riche en silicium
Une composition isotopique aussi lourde n'avait été obtenue sur aucun autres astéroïdeastéroïde ou planète du Système solaire jusqu'ici. Les faibles pressionspressions qui ont régné à l'intérieur du corps parent des angrites, relativement à celles de la Terre, ainsi que des conditions beaucoup plus oxydantes, n'ont pas permis à des quantités notables de silicium d'incorporer le noyau métallique depuis le manteau silicaté de cet astéroïde. Par voie de conséquence, l'hypothèse du silicium incorporé dans le noyau terrestre basé sur les compositions isotopiques du silicium doit être réexaminée.
La clef de l'énigme est à chercher dans la séquence de condensationcondensation des solidessolides qui s'est produite autour du Soleil jeune lors du refroidissement de la nébuleusenébuleuse protoplanétaire, et à partir desquels les planètes se sont formées ultérieurement par accrétionaccrétion.
Plus précisément, les auteurs montrent le rôle important joué par la condensation de la forstérite, une olivineolivine riche en magnésiummagnésium, similaire à celle que l'on trouve dans le manteau terrestre. Le fractionnement isotopique entre le gazgaz SiO et la forstérite à 1.370 K dans la nébuleuse solaire peut avoir produit les variations isotopiques du silicium et les rapports Mg/Si observés. Cette étude permet d'abaisser notre estimation de la composition en silicium du noyau de la Terre à 3,6 % en massemasse, au lieu de 10 %, et surtout d'évaluer plus précisément les abondances relatives en magnésium et silicium des planètes et astéroïdes du Système solaire que ce qui avait pu être fait jusqu'ici. Cette nouvelle connaissance permettra également de déterminer avec plus de finesse la minéralogie des parties profondes et inaccessibles de la Terre et ainsi de mieux expliquer son mode de formation et ses propriétés géophysiques actuelles.