Cela fait presque un siècle que l'on sait que la Terre possède un noyau constitué d'un alliage de fer et de nickel, contenant une graine centrale solide entourée d'une partie liquide. Mais selon de nouvelles analyses des données issues de la sismologie, la graine elle-même aurait une double structure dont on ne comprend pas encore très bien la signification.
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La structure de la Terre est probablement presque aussi connue aujourd'hui du grand public que la structure du Système solaireSystème solaire mais comment les géophysiciens ont-ils pu la déterminer ? Il se trouve que si les astronomesastronomes et les astrophysiciensastrophysiciens ont disposé des ondes lumineuses pour découvrir le Système du monde d'abord avec leurs yeuxyeux puis avec lunettes et télescopestélescopes, les géologuesgéologues et les géophysiciens ont eux aussi leurs instruments, les sismomètres.
Leur lumièrelumière à eux, ce sont les ondes sismiques et pour comprendre de quoi il en retourne il faut remonter à la théorie des ondes dans les milieux matériels gouvernées par les fameuses équationséquations de Navier-Stokes. Elles ne s'appliquent pas qu'à des fluides, elles permettent de comprendre aussi les déformations et le comportement de milieux solidessolides élastiques telles les roches de l’intérieur de la Terre.
On peut facilement montrer qu'elles impliquent l'existence de deux grands types d'ondes, les ondes de compression et les ondes transversales. Les premières, analogues des ondes sonoresondes sonores, résultent de la compression et de la dilatationdilatation des roches le long de la direction de propagation de ces ondes. Les secondes sont les analogues des vagues à la surface de l'eau et correspondent à des mouvementsmouvements latéraux des solides le long de la direction de propagation. Ces ondes n'ont donc pas les mêmes caractéristiques et leurs vitessesvitesses de propagation, en plus de dépendre de la composition et de l'état des roches qu'elles traversent, ne sont pas les mêmes.
Du noyau à la graine de la Terre
Pour les sismologuessismologues, les ondes de compression issues d'un séisme arrivent les premières dans leurs sismomètres et sont appelées ondes P depuis les travaux du géologue et géophysicien britannique Richard Dixon Oldham. Plus lentes, les ondes transversales, dites S, arrivent ensuite. En analysant les données sismologiques collectées sur la planète, Oldham constate au début du XXe siècle que les ondes S ne sont jamais enregistrées aux antipodes d'un séisme. Comme on peut utiliser les modèles de l'optique géométrique pour décrire la propagation de ces ondes à l'intérieur de la Terre, un séisme peut se voir comme une lampe torche éclairant les profondeurs de notre Planète. Tout se passe donc comme si les rayons des ondes S ne traversaient pas le centre de la Terre. L'explication de cet étrange phénomène proposée en 1906 par Oldham fait intervenir une discontinuité dans la composition interne de la Terre, c'est-à-dire en fait l'existence d'un noyau dont nous savons aujourd'hui qu'il est composé de ferfer et de nickelnickel, tout comme les météoritesmétéorites appelées sidéritessidérites et que l'on pense être des fragments de protoplanètes désintégrées.
Mais c'est le pape de la géophysique théorique de l'époque, Harold Jeffreys, qui va comprendre en 1926 que puisque les ondes S ne peuvent traverser un milieu liquide, il fallait en conclure qu'il existait un noyau fluide à l'intérieur de la Terre.
En 1936, notamment en étudiant les données d'un séisme survenu en Nouvelle-Zélande en 1929, la Danoise Inge Lehmann prend acte d'un autre curieux phénomène affectant les rayons associés aux ondes P qui n'arrivent pas comme prévu de part et d'autre des antipodes des foyers des séismes. Sa solution du problème, soutenue par des calculs, est brillante. Elle montre qu'une région solide à l'intérieur du noyau réfracte les ondes P d'une façon qui rend bien compte des observations. Quelques années plus tard, tous les ténors de la sismologie de l'époque, en particulier Beno Gutenberg et Harold Jeffreys, sont convaincus de la justesse de l'idée de Lehmann et les caractéristiques des ondes sismiquesondes sismiques vont se révéler conformes à celle d'un alliagealliage fer-nickel à hautes pressionspressions étudié en laboratoire.
Une cristallisation du noyau en deux étapes ?
Mais, comme l'expliquait déjà Futura dans le précédent article ci-dessous, l'histoire n'est pas finie et elle a rebondi car depuis un moment déjà des analyses plus fines des données sismiques laissent perplexes les géophysiciens, qui croient discerner encore une autre structure plus profondément enfouie dans la graine de la Terre.
C'est d'ailleurs ce que vient de réaffirmer avec plus de force une équipe de géophysiciens de l'Australian national university (ANU) avec une publication dans JGR: Solid Earth.
Dans le communiqué de l'ANU à ce sujet, l'auteur principal de l'étude, la doctorante Joanne Stephenson explique que : « Traditionnellement, on nous a enseigné que la Terre a quatre couches principales : la croûtecroûte, le manteaumanteau, le noyau externe et le noyau interne. L'idée d'une autre couche distincte a été proposée il y a une vingtaine d'années, mais les données étaient peu claires. Nous avons contourné ce problème en utilisant un algorithme de recherche très intelligent pour parcourir des milliers de modèles du noyau interne. C'est très excitant - et cela pourrait signifier que nous devons réécrire les manuels ! »
La chercheuse ajoute : « Nous avons trouvé des indices qui pourraient indiquer un changement dans la structure du fer, ce qui suggère peut-être deux événements de refroidissement distincts dans l'histoire de la Terre. Les détails de ce grand événement sont encore un peu mystérieux, mais nous avons ajouté une autre pièce au puzzle de notre connaissance du noyau interne de la Terre. »
On ne sait pas très bien en effet comment et surtout quand la graine de la Terre a commencé à se former par cristallisation, libérant de l'énergieénergie utilisée pour maintenir sa géodynamo.
La graine du noyau de la Terre est-elle vraiment solide ?
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 25/06/2007
Le noyau de la Terrenoyau de la Terre est généralement décrit sous la forme d'une double structure composée d'un alliage fer-nickel avec des traces d'autres éléments comme le soufresoufre. Il y a le noyau supérieur liquide brassé par des mouvements de convectionconvection turbulents, à l'origine du champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre, et la graine solide dont la croissance progressive par cristallisation de l'alliage précédent fournirait l'énergie nécessaire aux mouvements de convection du noyau supérieur. Le problème était que d'après les mesures d'ondes sismiques ayant traversé la graine, celle-ci se comportait par certains aspects comme un cristal solide et comme un fluide par certains autres. Une équipe de chercheurs Russes et Suédois vient de résoudre cette énigme en utilisant des simulations sur ordinateurordinateur, leurs travaux sont publiés dans Science.
La discontinuité de phases dans le noyau est connue depuis longtemps et tous les étudiants en géologiegéologie et géophysique savent que, selon la composition minéralogique et l'état physiquephysique des roches, différents types d'ondes sismiques peuvent se propager ou pas et avec différentes vitesses. En effet, les ondes sismiques sont constituées essentiellement d'ondes de deux types, les ondes P qui traversent les liquides et les solides et les ondes S qui ne traversent que les solides. Des stations sismiques situées aux antipodes d'un séisme n'enregistrent pratiquement pas d'onde S. Ce qui veut dire, comme les géophysiciens Harold Jeffreys et surtout Inge Lehman l'avaient compris, qu'il doit exister un noyau liquide à l'intérieur de la Terre.
Une étude fine des proportions d'ondes P et S avait montré que le noyau ne pouvait pas être totalement liquide et qu'une composante solide, que l'on appelle la graine, devait aussi exister. Le problème était que la vitesse de propagation des ondes dans cette partie semblait plutôt indiquer un état liquideétat liquide. Ce paradoxe subsistait donc depuis longtemps jusqu'à ce que Anatoly Belonoshko, et ses collègues du Royal Institute of Technology de Stochholm, décident d'employer la puissance des super-ordinateurs actuels pour simuler le comportement d'un ensemble d'atomesatomes de fer-nickel dans les conditions de température et de pression régnant dans la graine. Ces conditions sont assez peu ordinaires, car rien que la température au centre de la Terre atteindrait les 6000 K, soit la température de surface du SoleilSoleil.
Des méthodes dites de dynamique moléculaire, dynamique de réseau et de Monte-Carlo permettent de simuler à peu de frais le comportement des solides et des liquides dans des conditions de pressions et de températures extrêmes, et c'est précisément la première méthode numériquenumérique qui a été utilisée au Center for Parallel Computers (PDC) du Royal Institute of Technology de Stockholm et au National Supercomputer Center (NSCNSC) de Linköping.
Le résultat final a été, qu'effectivement, l'alliage perdait de sa rigiditérigidité et se rapprochait du comportement d'un milieu granulairegranulaire comme le sablesable. Le paradoxe était résolu car on n'avait plus affaire à un matériaumatériau constitué d'un cristal unique, mais plutôt à un solide polycristallin avec de nombreux défauts. Les atomes n'y étaient donc plus aussi rigidement fixés les uns par rapport aux autres que dans le même alliage dans des conditions de températures et pressions moins exotiquesexotiques.
Pour les chercheurs, le résultat est double, car non seulement ils comprennent mieux ce qui se passe dans le noyau de la Terre mais ils pourront maintenant mieux comprendre certaines caractéristiques des ondes sismiques enregistrées et ainsi progresser dans la compréhension, et pourquoi pas la prédiction, des séismes.