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Sur le sol argileux d'un lac asséché, des pierres, plus ou moins grosses, les plus lourdes atteignant 300 kgkg sont comme posées à l'extrémité de sillages qu'elles semblent avoir tracés elles-mêmes. Cette grande étendue ultraplate a d'ailleurs été baptisée Racetrack Playa. Qui ou quoi pousse ces rochers ? Dans cet endroit très peu hospitalier où la chaleurchaleur sèche est étouffante, mais où il peut geler la nuit, aucun observateur n'a pu filmer ces mystérieux déplacements. Depuis 70 ans, le phénomène intrigue.
L'hypothèse jusque-là admise, que nous avions relatée à l'occasion d'un documentaire diffusé par la chaîne DiscoveryDiscovery Science (voir la vidéo ci-dessus), est celle de vents puissants survenant en hiver et pouvant dépasser 140 km/h. Sur ce sol très lisse, une mince couverture d'eau, voire de glace, peut réduire à ce point les frottements que le vent suffit à faire glisser les roches. Effectivement, dans cette zone désertique, les faibles précipitations (quelques centimètres par an) se concentrent lors de courtes périodes de crues. Racetrack Playa se recouvre alors d'eau, laquelle peut geler la nuit.
Une pierre photographiée sur le sol gelé, avec le sillage qu'elle a laissé derrière elle. Ce caillou porte un GPS, installé dans une cavité dont on devine le couvercle circulaire. Son mouvement mystérieux a donc pu être enregistré. © Richard D. Norriset al., Plos One
Des déplacements très brefs
Une équipe de chercheurs a voulu en avoir le cœur net. Des appareils photo ont été installés pour des prises de vue régulières et des récepteurs GPSGPS ont été fixés sur plusieurs rochers pour en enregistrer les déplacements. L'expérience a duré deux mois, entre décembre 2013 et janvier 2014. Une soixantaine de rochers ont pu ainsi être suivis dans leurs pérégrinations. Dans le même temps, les scientifiques ont noté les conditions météorologiques du site. Résultat de leur travail, publié dans la revue Plos One : oui, les vents poussent les pierres ; oui, la glace réduit les frottements ; non, il ne faut pas nécessairement des vents violents.
Les déplacements se font par à-coups, en fin de matinée, durant des phases d'environ une dizaine de minutes au maximum. Les pierres bougent alors à raison de 2 à 3 m par minute puis s'arrêtent. Durant les deux mois de l'expérience, les blocs ont parcouru, pour la plupart, une soixantaine de mètres, mais le plus véloce a établi le record à 224 m.
Les sillages laissés par les pierres photographiées par un appareil automatique. L’image du bas montre les trajectoires, mettant en évidence les déplacements parallèles de certaines d’entre elles. © Richard D. Norris et al., Plos One
Les pierres voyagent sur un surf de glace
Les déplacements les plus importants n'ont pas été observés pendant les épisodes de vents violents, mais sous des brises de 4 à 5 m/s (environ 15 km/h). Il fallait également qu'une couche de glace soit présente, mais d'une épaisseur précise, comprise entre 3 et 6 mm. Dans ces conditions, le soleilsoleil du matin craquelle la glace et commence à la faire fondre, formant des plaques plus ou moins grandes, pouvant atteindre une dizaine de mètres dans leur plus grande dimension. Sous l'action du vent, elles peuvent alors glisser sur la fine couche d'eau fondue.
Ces déplacements restent rares, des hivers secs pouvant laisser des rochers immobiles pendant plusieurs années, et très courts, 10 à 15 mn au maximum. Les observations directes de rochers en mouvementsmouvements dans cette région où le campeur éventuel ne serait qu'en survie précaire sont donc extrêmement peu probables... Les caméras et les GPS, cependant, ont eu raison du mystère.