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Article paru le 26 février 2013
D'étonnantes découvertes ne tiennent parfois qu'à quelques grains de sable. L'île Maurice, comme celle de La Réunion et l'île Rodrigues, se situe dans l'océan Indien à plusieurs centaines de kilomètres de Madagascar. Elles forment ensemble l'archipel des Mascareignes, en référence au plateau océanique qui les supporte, et sont toutes d'origine volcanique. Pour preuve, leurs roches sont basaltiquesbasaltiques. L'île Maurice serait apparue voilà 8,9 millions d'années. Ainsi, en théorie, aucune roche trouvée sur place ne peut être plus âgée. La découverte de roches plus anciennes faite par Bjørn Jamtveit de l'université d'Oslo, et plusieurs de ses collaborateurs, a donc de quoi surprendre.
Ce chercheur étudiait grain par grain du sable prélevé sur deux plages de l'île lorsque d'étranges résultats de datation à l’uranium-plomb sont apparus pour une vingtaine de zirconszircons. Certains d'entre eux se seraient formés durant le Néoprotérozoïque, voilà 660 à 684 millions d'années, voire au Paléoprotérozoïque, il y a donc 1,97 milliard d'années. Par ailleurs, ces cristaux de silicate de zirconiumzirconium ne se seraient pas cristallisés au sein de roches basaltiques, mais dans des milieux granitiques ou du moins de nature ignée.
Une hypothèse justifiant ces quelques bizarreries vient d'être présentée dans la revue Nature Geoscience : du magma pourrait avoir arraché les zircons en profondeur en remontant vers la surface, avant de s'épancher sur l'île. Par conséquent, l'île Maurice surplomberait un morceau de croûte terrestrecroûte terrestre enseveli à plusieurs kilomètres sous la surface de l'océan. Il s'agirait d'un fragment d'un nouveau microcontinent qui était pris en tenaille entre Madagascar et l'Inde jusqu'à la fin du CrétacéCrétacé, et qui a reçu le nom de Mauritia.
L'île Maurice et Mauritia, ou du moins l'un des fragments de ce continent disparu, se situent dans le grand cercle rouge (environ 900 km à l'est de Madagascar). Les Seychelles se trouvent quant à elles au niveau du petit cercle en haut de l'image. L'arc abritant les restes de Mauritia est visible en bleu clair. Ce relief était auparavant attribué à l'activité du panache volcanique de la Réunion. © Google Earth
Mauritia victime de la tectonique des plaques
D'autres observations corroboreraient cette hypothèse... tout en justifiant l'existence de nombreux autres fragments le long d'un arc de 2.000 km. Des analyses du champ gravitationnel terrestre ont en effet décelé la présence de plusieurs zones océaniqueszones océaniques présentant une croûte épaisse de 25 à 30 km, ce qui est trois à six fois plus important que la normale. L'arc incriminé s'étendrait de la Réunion, au sud, jusqu'aux Seychelles, au nord.
Son histoire a été retracée au moyen de simulations numériquessimulations numériques. Elle est complexe, mais peut être schématiquement résumée comme suit. Le microcontinent devait être âgé de deux milliards d'années lorsque l'Inde et Madagascar se séparèrent, voilà environ 90 millions d'années. Mauritia fut alors étiré et partagé entre ces deux massesmasses (et leurs plaques lithosphériques respectives) en raison de la tectonique des plaques. Sa fragmentation et l'immersion des différents morceaux auraient débuté durant la formation du bassin de Mascareignes voilà 83,5 à 61 millions d'années, notamment à la suite de l'apparition de plusieurs dorsales médio-océaniques. Des phénomènes magmatiques auraient en plus contribué à ensevelir les fragments sous d'épaisses couches de lave. Les Seychelles correspondraient, selon cette nouvelle théorie, au seul fragment du microcontinent qui n'a pas sombré.
L'île Maurice se situerait environ 10 km au-dessus du morceau de croûte continentalecroûte continentale qui a fourni les zircons. Il pourrait donc à l'avenir être étudié par des moyens sismiques ou par des forages, ce qui permettrait alors de lever les doutes restants.