C'est au XXe siècle que l'on a pu montrer que, comme certains le supposaient dès le XIXe siècle, l'origine des périodes glaciaires sur Terre se trouvait dans la mécanique céleste des mouvements de la Terre. Les relations entre les deux phénomènes se sont compliquées ces dernières années, notamment avec les progrès de la climatologie, et il semble bel et bien que le mécanisme principal des dernières glaciations ne serait pas celui que l'on imaginait initialement.
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Déjà dans son légendaire ouvrage Philosophiæ naturalis principia mathematica (latin pour « Principes mathématiques de la philosophie naturelle »), souvent abrégé en Principia ou Principia Mathematica, Isaac NewtonIsaac Newton s'était posé le problème de calculer les mouvementsmouvements de plusieurs corps s'attirant gravitationnellement mutuellement et en particulier de ce qu'il devait en résulter non seulement pour les orbitesorbites mais aussi la rotation de la Terre et de la LuneLune sous leurs effets mutuels et ceux de la gravitégravité du SoleilSoleil. On peut s'en convaincre en lisant la remarquable transposition en langage moderne des Principia faites par le prix Nobel de physiquephysique Subrahmanyan Chandrasekhar.
Le problème fut considérablement plus profondément analysé par ses successeurs et en particulier Lagrange, Gauss et Laplace. On peut avoir un aperçu des équationséquations pour la mécanique céleste de Lagrange et Gauss dans l'ouvrage du regretté André Brahic, Planètes et Satellites : Cinq leçons d'astronomie.
Remarquablement, ces travaux vont conduire à une explication des glaciations de l'ère quaternaire, en particulier pour le Pléistocène supérieur, il y a environ 11 700 à 129 000 ans, via ce que l'on appelle les cycles de Milankovitch.
La théorie de ces cycles est basée sur des modifications périodiques de l'excentricitéexcentricité de l'orbite de la Terre et de l'obliquitéobliquité de son axe de rotation. Ils ont été découverts par les calculs du mathématicienmathématicien, géophysicien, astronomeastronome et climatologueclimatologue d'origine serbe Milutin Milankovitch, entre 1920 et 1941.
Que sont les cycles de Milankovitch ? Cette vidéo nous l'explique. © L'Esprit Sorcier Officiel
Trois paramètres orbitaux variables
Ces modifications sont causées par l'attraction gravitationnelle des autres planètes du Système solaireSystème solaire, en particulier JupiterJupiter et SaturneSaturne, du fait de leurs massesmasses importantes, mais aussi VénusVénus en raison de sa proximité. Comme excentricité et obliquité gouvernent l'insolationinsolation et les saisons sur Terre, ces modifications changent le climat et, au cours des derniers millions d'années, sont clairement associées aux glaciations.
On pensait jusqu'à présent que les glaciations étaient produites par la combinaison des variations d'excentricité et d'obliquité de la façon dont l'explique la vidéo ci-dessus avec donc des cycles de 100 000 ans pour la première et une combinaison d'un cycle de 41 000 ans pour la nutationnutation de l'axe de la Terre (une oscillation de son inclinaison par rapport à son plan orbital entre 21,9 et 24,5 degrés) et d'un cycle d'environ 26 000 ans pour la précessionprécession de cet axe, précession en tout point analogue à celui de l'axe de rotation d'une toupie.
En fait, on pensait même que le facteur le plus important pour expliquer les glaciations était la cyclicité de l'excentricité de l'orbite terrestre, mais une équipe de chercheurs vient de remettre partiellement en cause ces hypothèses comme elle l'explique dans un article publié dans Nature Geoscience.
L'idée d'une prédominance plutôt des cycles d'obliquité ou de précession était dans l'airair depuis un moment et c'est pour en avoir le cœur net que Bethany Hobart, doctorante à l'université de Californie, et ses collègues ont modélisé plus finement les impacts sur le début et la fin sur les glaciations des cycles de 26 000 et 41 000 ans.
La géochimie et les cycles de Milankovitch
Ils l'ont fait par des méthodes basées sur la géochimie qui permettent de fouiller dans les archives de la Terre pour y lire les âges des débuts et fins des périodes chaudes et froides qui alternent tout au long du Pléistocène supérieur. On peut utiliser notamment les rapports des abondances des isotopesisotopes de l'oxygène pour en tirer des paléotempératures et des volumesvolumes des glaces.
Basiquement, l’idée derrière ce paléothermomètre est que des isotopes plus lourds de l'oxygène, en l'occurrence 18O, vont avoir tendance à plus rester dans l'eau en cours d'évaporation que l'isotope 16O. La composition isotopique des océans en période glaciairepériode glaciaire n'est donc pas la même que celle en période interglaciaire. Or, cette composition va être enregistrée dans les coquillescoquilles des organismes vivant dans l'océan, comme les foraminifèresforaminifères unicellulaires.
Ces coquilles de foraminifères microscopiques se trouvent ensuite piégées à leur mort dans des carottescarottes de sédimentssédiments obtenues dans les profondeurs de l'océan.
En revisitant la chronologie des glaciations, les chercheurs sont arrivés à la conclusion que ce sont les cycles associés à la précession qui seraient en fait la cause dominante des cycles de glaciations, glaciations qui parfois ne se produiraient qu'après plusieurs cycles de précession.
La conclusion de l'article de Nature Geoscience est en fait plus complexe, et pour plus de détails il faut la lire.
Selon la théorie du climat de Milankovitch, les grandes variations climatiques du passé résultent des variations de l'orbite de la Terre et de son orientation. Cette hypothèse n'a pu s'élaborer que grâce au calcul de ces variations, dues aux interactions gravitationnelles entre les planètes, calcul effectué pour la première fois par Lagrange à la fin du XVIIIe siècle, et repris par Le Verrier au XIXe siècle. Nous retracerons les évolutions historiques et les développements récents de ces recherches en mettant en évidence les principaux cycles qui se retrouvent dans les enregistrements climatiques du passé. Une présentation de Jacques Laskar en 2017. © Festival d'Astronomie de Fleurance