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On a peine à croire aujourd'hui que la théorie de la dérive des continents, proposée par Alfred Wegner, ait pu mettre des dizaines d'années à s'imposer, tant les images issues de l'ère spatiale nous ont rendu naturelle cette dernière. Il aura pourtant fallu attendre les découvertes de la géophysique marine pendant les années 1960, en particuliers celle des zébrures magnétiques au fond de l'Océan Atlantique, pour que l'idée d'une expansion des fonds océaniques s'impose. Ces zébrures représentaient les enregistrements des différentes inversions de champ magnétique de la Terre, dans les laves s'épanchant au niveau du rift médio-océanique.
L'un des artisans de ce changement fut Jean Francheteau, qui avait d'abord obtenu un diplôme d'ingénieur de l'Ecole Nationale Supérieure de la Métallurgie et de l'Industrie des Mines de Nancy. Il était ensuite parti à la Scripps Institution of Oceanography, de l'université de Californie à San Diego, une des Mecques de l'océanographie. Son travail de thèse de 1966 à 1970 portait justement sur la science du paléomagnétisme, appliquée à la toute nouvelle théorie de la Tectonique des Plaques alors en pleine élaboration, notamment sous l'impulsion de son collègue Xavier Le Pichon.
Une expédition fameuse
Il se fit remarquer à 27 ans lorsqu'il proposa en 1970, avec John Sclater, la première interprétation systématique de la relation entre l'âge des fonds marins, leur profondeur et leur flux de chaleurchaleur dans le cadre de la Tectonique des Plaques. Revenu en France, il publia en 1973 avec Jean Bonnin et Xavier Le Pichon le manuel Plate Tectonics qui fit beaucoup pour diffuser la révolution dans les Sciences de la Terre que constituait cette théorie.
La théorie de la Tectonique des Plaques et la science du paléomagnétisme permettent de reconstituer à l'ordinateur la dérive des continents. Crédit : NOAA.
Il ne s'arrêta pas là puisqu'il jouera un rôle important dans l'expédition franco-américaine FAMOUS (French American Mid-Ocean Undersea Survey) en 1973 et 1974. A l'aide de trois engins d'exploration, ArchimèdeArchimède et Cyana côté français et le sous-marinsous-marin Alvin côté américain, FAMOUS explora la dorsale médio-océanique au sud des Açores et contribua à convaincre la communauté des géologuesgéologues de la réalité de l'expansion des fonds océaniques. Parallèlement à ces expéditions, celles menées par Haroun Tazieff et ses collègues dans la dépression de l'Afar à Djibouti, où l'on peut explorer un rift océanique à pieds secs et marcher sur un fond océanique exondé, auront un rôle similaire à la même époque.
Une vidéo en anglais sur les sources hydrothermales actives, découvertes initialement par Jean Francheteau et ses collègues. Crédit : Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI).
Changement de paradigme pour l'exobiologie
Surtout, Jean Francheteau fut le premier, en compagnie de Bob Ballard, a avoir découvert les fameuses sources hydrothermalessources hydrothermales actives que sont les fumeurs noirsfumeurs noirs et les fumeurs blancs. En plus d'avoir profondément modifié notre conception de la formation des gisementsgisements de mineraisminerais, l'existence de ces sources (en particulier celle des écosystèmesécosystèmes qui les accompagnent souvent) a bouleversé nos idées sur l'origine de la Vie et l'exobiologie.
La découvertes de ces écosystèmes chimiosynthétiques permet en effet d'imaginer que la Vie puisse se développer dans des environnements bien plus variés qu'on ne le pensait, comme par exemple dans les océans d'Europe. Un tel scénario a d'ailleurs été repris par Arthur Clarke dans son roman 2010 : Odyssée 2.
Après avoir pris la direction du programme d'exploration des dorsales du Pacifique, il avait fini par rejoindre l'Institut de PhysiquePhysique du Globe de Paris en 1981 puis devint professeur de Géophysique à l'Université de Bretagne Occidentale jusqu'à sa retraite en septembre 2009. Ses multiples contributions dans des domaines aussi variés que le paléomagnétisme, la cinématique des plaques, le flux de chaleur, l'hydrothermalismehydrothermalisme, la structure de la croûte océaniquecroûte océanique etc...témoignaient d'une connaissance encyclopédique qui le rendait très apprécié de ses collègues. Elles lui vaudront de nombreuses distinctions comme d'être Fellow de la Royal Astronomical Society (1974), de l'American Geophysical Union (1984), la Médaille d'ArgentArgent du CNRS (1982) et enfin le Grand Prix des Sciences de la Mer de l'Académie des Sciences (1995).
C'est donc un grand chercheur qui vient de nous quitter le 21 juillet 2010.