Nos scientifiques appellent à mettre un terme à la déforestation. Oui, mais les populations locales expliquent qu’elles ont besoin de terres. Pourtant, en Indonésie, il semblerait qu’un tiers des terres déboisées ne sont pas exploitées. Même plusieurs années après…
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Dans le monde, lorsque les humains abattent des arbres, c'est surtout pour faire place nette pour l'agriculture, pour étendre les surfaces de terres cultivées ou pour offrir de l'espace au bétail. Et en matièrematière de déforestationdéforestation, ce sont les forêts tropicales qui souffrent le plus. Sur les 20 premières années de notre siècle, elles concentrent plus de 90 % de la déforestation mondiale. Près de 160 millions d'hectares de forêts perdus.
L'Indonésie ne fait pas exception. Depuis 1990, le pays a perdu 25 % de ses forêts réputées particulièrement riches en biodiversitébiodiversité. Et en étudiant le phénomène, des chercheurs de l'université du Maryland (États-Unis) viennent de faire une découverte étonnante à ce sujet. Dans les Actes de l'Académie nationale des sciences, ils rapportent que plus de la moitié des terres déboisées en Indonésie entre 1991 et 2020 sont restées inutilisées pendant au moins un an - et 44 % sont même restées inutilisées pendant au moins cinq ans !
Les feux de forêt et la demande en bois ne sont pas responsables de la déforestation inutile en Indonésie
Comment expliquer le phénomène ? Peut-être par les mégafeux de forêts survenus en Indonésie en 2015 ? Non. L'étude révèle que moins de la moitié des surfaces laissées inutilisées avaient été incendiées. Quelque 54 % d'entre elles ont bel et bien été intentionnellement déboisées. Mais pourquoi tant d'efforts pour laisser ensuite les terres vides ?
L'imagerie satellite a permis aux chercheurs d'étudier de plus près l'histoire de la déforestation en Indonésie. Il en ressort d'abord que la demande en boisbois n'est pas la cause principale de la création de terres inutilisées. Et ensuite, que certaines zones inutilisées finissent par être converties à des usages productifs. Dans les cinq ans, environ un quart des terres sont le plus souvent couvertes de plantations... de palmiers à huile.
Un drôle de lien entre déforestation et huile de palme
« Cette dynamique de conversion décalée semble être propre à l'huile de palme. L'imagerie satellite ne peut pas nous dire exactement quel est le lien entre la création de terres inutilisées et l'industrie de l'huile de palme, mais les tendances en matière d'utilisation des terres suggèrent une relation, soulignent les chercheurs. Dans certains cas, des entreprises ou des particuliers peuvent avoir l'intention de vendre des terres déboisées, mais attendent que les prix des terrains augmentent. Ou bien ils peuvent envisager de développer le terrain plus tard, en le conservant dans le cadre de leur réserve foncière. Dans d'autres cas, les jeunes plants peuvent être morts avant d'avoir pu être détectés par les images satellitaires, ou des conflits avec les communautés ou d'autres concessionnaires ont pu retarder la plantation. »
Toujours est-il qu'étant donné la quantité de terres inutilisées actuellement disponibles, environ un tiers de la totalité des terres déboisées, l'Indonésie pourrait arrêter complètement la déforestation tout en augmentant sa production d'huile de palme. Avec la possibilité aussi de continuer alors à la vendre à l'Europe, même dans le cadre de la politique de l'Union européenne contre la déforestation qui doit interdire prochainement l'arrivée sur le marché de produits cultivés sur des terres déboisées après 2020. En attendant, déjà, l'Indonésie apparaît comme l'un des rares pays forestiers tropicaux à avoir réussi à ralentir sa déforestation.
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