Les activités humaines menacent les forêts tropicales humides. Directement sur les zones où elles s’exercent. Mais aussi potentiellement bien au-delà, par celui que les scientifiques appellent l’« effet lisière ».


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    Lorsque des zones d'une forêt tropicale sont déboisées, les scientifiques observent que les arbres proches deviennent plus vulnérables. Ils parlent d'un « effet lisière » qui s'étend sur plus ou moins les 100 premiers mètres en bordure de la zone dégradée. C'est du moins ce qu'ils pensaient jusqu'ici. Parce qu'une équipe européenne de chercheurs propose aujourd'hui une mise à jour de ce chiffre. Selon eux, l'effet lisière pourrait se faire ressentir jusqu'à... 1,5 kilomètre dans la forêt !

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    De l'aveu même de ces chercheurs, ce résultat est étonnant. Certains de leurs collègues, d'ailleurs, appellent à un peu de prudence quant à ces conclusions. Ils conseillent notamment que des scientifiques plus proches des forêts tropicales et sensibilisés au problème depuis longtemps puissent à l'avenir contribuer à ce type de travaux. En attendant, les chercheurs européens avancent que 18 % des forêts tropicales humides pourraient être concernées par l'effet lisière. C'est 200 % de surface de forêt menacée en plus que ce que les scientifiques estimaient jusqu'ici.

    Les forêts tropicales humides en danger

    Ce qui est certain, c'est qu'entre 1990 et 2021, environ 17 % des forêts tropicales humides de la planète ont disparu. En grande partie à cause des activités humaines. En 2019, 10 % supplémentaires étaient dégradés. Et les arbres en lisière de toutes ces zones présentent des taux de mortalité plus élevés que les autres. Ils sont en effet plus exposés aux perturbations telles que les feux de forêt et la sécheresse. Possiblement plus accessibles, aussi, aux exploitants forestiers.

    Les chercheurs expliquent en partie au moins leurs résultats inquiétants par le fait que les précédentes études réalisées sur l'effet lisière ne tenaient pas compte des terresterres dégradées. Seulement des terres déboisées.

    La dynamique des forêts tropicales humides est complexe

    Dans la revue Nature, l'équipe détaille comment elle a combiné des données issues de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale (ISS) et des satellites Landsat pour estimer la hauteur des canopéescanopées ainsi que la quantité de biomassebiomasse. Ces deux mesures sont des marqueurs importants de santé et de maturité d'une forêt. Partant de là, les chercheurs ont par exemple mesuré les distances à partir de la lisière auxquelles la hauteur de la forêt atteint 95 % de la hauteur d'une forêt tropicale humide non perturbée.

    Les chercheurs déterminent ainsi que l'effet lisière est particulièrement important sur les fronts de déforestation de l’Amazonie, sur les côtes de Bornéo et de Sumatra et dans le bassin du Congo. Ils notent aussi qu'il n'y a aucune récupération significative de la hauteur du couvert forestier dans les 30 ans suivant la création d'une lisière forestière.

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    Selon quelques regards experts extérieurs, ces résultats seraient toutefois à prendre avec précaution. Parce que les travaux des chercheurs européens ont parfois pu confondre perturbations anthropiques et perturbations naturelles - comme les méandres d'une rivière. Ou, que certains exemples étudiés par des chercheurs locaux montrent comment la présence d'une zone dégradée ne pousse pas nécessairement à plus de déforestationdéforestation. Tout cela demandera donc encore quelques précisions. Mais ce qui semble clair à tout le monde, c'est que la dynamique des forêts tropicales humides est difficile à quantifier. Et que la protection de vastes étendues de forêt pourrait se révéler encore plus importante que ne le pensaient les scientifiques.