au sommaire
Les chercheurs ont planté des arbres de plusieurs espèces (chêne, charme, hêtre, cyprès, sapin) pour les étudier en Chine. © Rudolf Schäfer, Flickr, CC by-sa 2.0
L'intensification des échanges à l'échelle de la planète, la rapiditérapidité des transports, l'essor du commerce des plantes ornementales et des produits agricoles, le réchauffement climatique, sont autant de facteurs contribuant à l'introduction non intentionnelle et à la survie d'organismes, champignons, insectes, dans de nouvelles zones géographiques éloignées de leur région d'origine. Souvent, ces organismes ne font pas de dégâts dans leur pays d'origine grâce à la présence d'ennemis naturels ou à la résistancerésistance de leurs hôtes. Bien qu'une faible partie des espèces introduites accidentellement deviennent invasives, cela entraîne des pertes financières très importantes dans les secteurs agricole et forestier, et peut également conduire à des menaces pour la santé humaine (moustique tigremoustique tigre) et la biodiversité (frelonfrelon asiatique, capricornes asiatiques...).
Dans deux sites de Chine (région de Beijing et de Hangzhou-Fuyang), les chercheurs de l'Inra ont planté sept espèces d'arbresarbres européens : cinq de feuillus (charmecharme, hêtrehêtre et trois espèces de chênes) et de deux de conifères (cyprès, sapinsapin). Au départ, les plants mesuraient environ 1,5 mètre et ont été plantés sur chaque site à raison de 100 individus par espèce, disposés en parcelles contiguës de 25 plants. Au total, 400 arbres ont été installés à Beijing et 700 à Fuyang. Régulièrement, entre 2007 et 2011, les chercheurs ont surveillé étroitement la colonisation de ces arbres par les insectes et champignons chinois.
Durant ces quatre ans, tous les quinze jours à Fuyang ou tous les mois à Beijing, chaque arbre a été examiné pour repérer et comptabiliser les adultes et larves d’insectes ou les dégâts, puis ces insectes ont été collectés. Les différents types de dégâts causés sur les feuilles, les bourgeonsbourgeons, les branches ou les troncs ont été recensés et photographiés. À partir d'élevages, les chercheurs ont ensuite tenté d'attribuer chaque type de dégâts aux insectes présents, dont les larveslarves et les adultes ont été conservés pour une identification taxonomique et génétiquegénétique. Leurs résultats paraissent dans PLOS One.
Les conifères plantés à Beijing sont presque tous morts après trois ans. © Steve Olmstead, Flickr, CC by-nc-nd 2.0
38 espèces d’insectes potentiellement invasives identifiées
Au total, 104 espèces d'insectes ont été observées sur ces nouveaux hôtes. Certains insectes observés ont été considérés comme de simples consommateurs occasionnels des feuilles de ces arbres. Mais 38 espèces ont été responsables de colonisations multiples, la plupart sur le chêne sessilechêne sessile, et il a été prouvé qu'au moins six d'entre elles pouvaient assurer leur complet développement sur les arbres européens. Ces 38 espèces peuvent être considérées comme des espèces potentiellement invasives si elles étaient introduites en Europe. De manière surprenante, la majorité de ces espèces semblent être à l'origine liées aux cultures agricoles ou aux arbres fruitiers plutôt qu'aux arbres forestiers environnants.
Trois années ont été nécessaires pour atteindre un taux de colonisation maximal. Ainsi, la quasi-totalité des arbres ont survécu la première année, puis le taux de mortalité a été très important sur les deux sites, avec cependant des différences significatives entre les essences. Après trois ans d'expérimentation, seuls 99 arbres sur les 400 plantés à Beijing étaient toujours vivants : les conifères étaient morts (sauf quatre individus) mais la moitié des chênes avaient survécu. À Fuyang, après deux années de plantation, le chêne sessile était le seul à obtenir un taux de survie proche de 50 %.
Des résultats complémentaires concernant la colonisation de ces arbres européens par les champignons pathogènespathogènes présents en Chine ont été récemment publiés dans la même revue par un consortium associant l'Inra, l'université italienne de Viterbo et l'académie des Sciences de Chine (Vettraino et al.).
Cette méthode d'arbres « sentinelles » semble donc prometteuse et sa généralisation possible fait actuellement l'objet d'un projet européen COST (Coopération européenne dans le domaine de la recherche scientifique et technique) intitulé « Global Warning ». Un des points de blocage important concerne la difficulté d'identification des insectes, en particulier des larves, et pathogènes par des méthodes classiques. Ce problème pourrait être résolu grâce au développement de banques de données moléculaires.