La ressemblance avec les pires créatures de films d’aliens peut d’abord faire frissonner. Ces étranges organismes vivent bien sur Terre, mais ce ne sont ni des pieuvres ni des méduses. Qu’ont donc découvert les scientifiques dans les profondeurs des eaux glacées bordant l’Antarctique ?


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    Des sortes de racines, une tige, des dizaines de bras ramifiés... S'intéresse-t-on à une plante marine ? Non. Les crinoïdes sont bien des animaux ! Ils sont classés parmi les échinodermes, un phylum (ou embranchementembranchement) qui regroupe les étoilesétoiles de mer, ophiures, oursins, et concombres de merconcombres de mer. Quatre nouvelles espèces de ces curieux animaux viennent d'être décrites dans une étude parue dans Invertebrate Systematics qui résout le mystère de leur parenté.

    Les deux types morphologiques principaux qu'on peut observer chez les crinoïdes. À droite, le corps de ce crinoïde fixé à son substrat par de solides crampons s'élance verticalement, il est composé d'une sorte de « tige » terminée à son extrémité par une structure appelée « thèque » d'où partent les nombreux bras recouverts de barbules qui servent à attraper le plancton dont il se nourrit. À gauche, le crinoïde mobile, ou comatule, n'a pas de crampons mais des cirrhes qui lui permettent de se déplacer sur le substrat, et sa tige n'est que vestigiale. C'est la forme de crinoïde la plus courante. © <em>NOAA Okeanos Explorer Program</em>
    Les deux types morphologiques principaux qu'on peut observer chez les crinoïdes. À droite, le corps de ce crinoïde fixé à son substrat par de solides crampons s'élance verticalement, il est composé d'une sorte de « tige » terminée à son extrémité par une structure appelée « thèque » d'où partent les nombreux bras recouverts de barbules qui servent à attraper le plancton dont il se nourrit. À gauche, le crinoïde mobile, ou comatule, n'a pas de crampons mais des cirrhes qui lui permettent de se déplacer sur le substrat, et sa tige n'est que vestigiale. C'est la forme de crinoïde la plus courante. © NOAA Okeanos Explorer Program

    Une énigme biologique résolue

    La plupart des crinoïdes actuels sont des comatules, un groupe de crinoïdes mobilesmobiles qui sont capables de ramper sur le sol marin grâce à des cirrhes, des sortes de membres dont ils se servent aussi pour se cramponner à leur substrat. Les longs bras dont les comatules se servent pour se nourrir portent de nombreuses barbulesbarbules afin d'attraper le planctonplancton, et leur permettent parfois de nager lorsqu'ils les font battre en cadence ! Ces espèces mobiles sont présentes dans une très large gamme d'environnements marins, on les retrouve même dans les abysses et dans les eaux froides entourant l'AntarctiqueAntarctique

    Cette comatule, <em>Promachocrinus fragarius</em>, est nommée d'après la fraise (du genre <em>Fragaria</em>), car son corps ressemblerait au fruit des bois. Ce spécimen dont on a ôté certains cirrhes permet de faire la distinction entre ces dernières, fines et dépourvues de barbules, et les bras attachés à la thèque de la comatule, plus épais. © Gregory Rouse
    Cette comatule, Promachocrinus fragarius, est nommée d'après la fraise (du genre Fragaria), car son corps ressemblerait au fruit des bois. Ce spécimen dont on a ôté certains cirrhes permet de faire la distinction entre ces dernières, fines et dépourvues de barbules, et les bras attachés à la thèque de la comatule, plus épais. © Gregory Rouse

    L'étude qui vient de paraître s'est penchée sur les comatules de l'espèce Promachocrinus kerguelensis, l'unique du genre, qui vivent tout autour de l'Antarctique. Les chercheurs ont séquencé un gènegène mitochondrial d'un grand nombre de spécimens. Il s'avère que c'était finalement huit espèces différentes de crinoïdes, quatre précédemment proposées et quatre autres totalement nouvelles, qui étaient regroupées sous ce nom ! Mais comment est-ce possible ? 

    Certaines espèces du genre <em>Heliconius</em> sont très difficiles à différencier morphologiquement, c'est ce qui est généralement à l'origine des complexes d'espèces. Les espèces sont dites « cryptiques » quand la communauté scientifique ignore encore qu'il s'agit d'un complexe, car plusieurs espèces sont cachées sous une seule description. © Meyer (2006)
    Certaines espèces du genre Heliconius sont très difficiles à différencier morphologiquement, c'est ce qui est généralement à l'origine des complexes d'espèces. Les espèces sont dites « cryptiques » quand la communauté scientifique ignore encore qu'il s'agit d'un complexe, car plusieurs espèces sont cachées sous une seule description. © Meyer (2006)

    Il arrive que les biologistes aient bien du mal à distinguer des espèces très proches morphologiquement, ces espèces sont donc regroupées par mégarde sous un seul nom. C'est ce qu'on appelle des complexes d'espèces cryptiques, que les scientifiques ne peuvent identifier la plupart du temps qu'avec des analyses moléculaires. Avec les avancées de l'étude du génomegénome sur les invertébrésinvertébrés des eaux de la région Antarctique, les biologistes marins découvrent de plus en plus d'espèces cryptiques. Les chercheurs ont donc établi de nouveaux critères morphologiques qui permettent de différencier presque toutes les espèces nouvellement décrites de comatules du genre Promachocrinus, ce qui facilitera dorénavant les études qui visent à estimer la véritable biodiversitébiodiversité de ces milieux extrêmes !