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Canopée avec palmeraie à Euterpe oleracea et Mauritia flexuosa (monts Tumuc-Humac, Guyane, frontière avec le Brésil). Les cycles biogéochimiques en Amazonie sont principalement réalisés par une infime fraction des espèces d'arbres qui la peuplent. © Daniel Sabatier, IRD
Plus vaste aire terrestre de forêt tropicale humide au monde, l'Amazonie s'étend sur près de six millions de km2 et sur neuf pays (Bolivie, Brésil, Colombie, Équateur, France avec la Guyane, Guyana, Pérou, Suriname et Venezuela). Véritable point chaud de biodiversité, tant pour les espècesespèces animales que végétales, elle est fortement touchée par la déforestation et d'autres perturbations anthropiques (on estime que près de 18 % de la forêt a disparu depuis 1970).
Inventorier précisément les communautés d'arbresarbres de la forêt amazonienne est un enjeu scientifique majeur, afin d'identifier et de protéger les espèces rares de l'extinction. Malgré les efforts internationaux réalisés au cours de ces trois dernières décennies, réaliser cet inventaire sur l'ensemble du bassin amazonien s'avère complexe et difficile, compte tenu de l'immensité du domaine à étudier et de la diversité record des communautés d'arbres (jusqu'à 210 espèces à l'hectare en Guyane, plus de 300 au Pérou).
11.000 espèces rares, et 227 espèces hyperdominantes en Amazonie
Dans une étude internationale, coordonnée par Hans ter Steege (Naturalis Biodiversity Center, Pays-Bas) et à laquelle ont participé des scientifiques de l'IRDIRD, de l'Inra, du CNRS et du Cirad, avec l'appui de l'herbier IRD de Guyane, des chercheurs ont compilé et standardisé les données d'abondance des espèces pour plus d'un demi-million d'arbres de forêt de basse altitude (1.170 parcelles d'un hectare), provenant du réseau international AmazonAmazon Tree Diversity Network (ATDN).
La forêt amazonienne, qui recouvre une surface de près de 6 millions de km2, se partage entre neuf pays, du Venezuela au nord à la Bolivie et au Brésil au sud. © CIFOR, Flickr, cc by nc nd 2.0
Ces données présentées dans la revue Science ont dans un premier temps permis d'estimer le nombre total d'arbres du bassin amazonien et la densité des arbres à l'échelle du degré carré. Elles ont ensuite été intégrées à un modèle de distribution des abondances pour estimer le nombre total d'espèces du bassin amazonien et des grandes régions qui le composent, ainsi que les caractéristiques de dominance ou de rareté des espèces.
Les scientifiques ont ainsi estimé que la forêt amazonienne totalise près de 390 milliards d'arbres de 16.000 espèces différentes. Ils ont mis en évidence que plus de la moitié des individus du bassin appartiennent à 227 espèces seulement. Qualifiées d'hyperdominantes, ces espèces ont de grandes aires de répartitionaires de répartition géographique (même si elles ne sont dominantes que dans une ou deux régions de l'Amazonie). Elles regroupent des palmiers (notamment Euterpe oleracea, espèce emblématique de l'Amazonie, utilisée dans l'agroalimentaire et consommée sous forme de boisson énergétique dans plusieurs pays de la région), des myristicacées (famille du muscadier) et des lécythidacées (famille du noyer du Brésil). Enfin, grâce à cet inventaire, les chercheurs ont identifié près de 11.000 espèces rares (qui ne représentent en tout que 0,12 % des individus).
Poursuivre les inventaires pour protéger les espèces d’arbres menacées
Cette étude met en évidence l'uniformité du fonds du peuplement forestier de l'Amazonie. L'hyperdominance de seulement 227 espèces implique que les cycles biogéochimiques dans le bassin amazonien (processus de transport et de transformation cyclique des substances chimiques) sont en grande partie réalisés par une infime fraction de la diversité végétale.
Des études complémentaires restent à mener pour déterminer les causes de cette hyperdominance. Selon les chercheurs, de tels modèles de répartition spatiale peuvent être utilisés pour prédire la structure et la richesse de la forêt dans des zones non explorées, et seraient améliorés par la prise en compte de données environnementales.
Les scientifiques insistent sur la nécessité d'intensifier l'inventaire des 11.0000 espèces rares. En effet, du fait de leur répartition très limitée, ces espèces sont extrêmement menacées par la déforestation et risquent de disparaître avant même d'avoir été observées et décrites. De plus, la distribution d'abondance mise en évidence montre que l'effort de prospection pour accéder à ces éléments rares est colossal.