Avant de naître, les embryons en développement subissent de nombreuses stimulations. Parmi elles, le son. À l'Université Deakin, en Australie, des chercheurs ont récemment étudié sa fonction adaptative, pour savoir à quel point ce stimulus environnemental peut influencer le développement des futurs nouveau-nés, chez de nombreuses espèces.

Le son fournit des informations inestimables à quiconque l'écoute. Il peut même programmer le phénotype d'un individu ! Comme la température qui détermine le sexe des reptiles. Chez les êtres humains, la voix et le rythme cardiaque maternels fournissent au fœtus une stimulation auditive essentielle au développement de son futur langage, augmentant ainsi la taille de son cortex auditif primaire. Les embryons de grenouille arboricole aux yeux rouges peuvent, eux, distinguer avec précision les vibrations produites par la pluie ou le vent, de celles venant des prédateurs, pour s'en protéger. Les nymphes de cricket, quant à elles, utilisent des chants masculins pour prédire quel sera le niveau de compétition entre les partenaires potentiels.

Les embryons des grenouilles arboricoles aux yeux rouges (<em>Agalychnis callidryas</em>) ressentent les vibrations produites par l'approche des prédateurs et éclosent instantanément. © Karen Warkentin
Les embryons des grenouilles arboricoles aux yeux rouges (Agalychnis callidryas) ressentent les vibrations produites par l'approche des prédateurs et éclosent instantanément. © Karen Warkentin

Un simple son peut altérer le développement d’un embryon

Les chercheurs appellent ce phénomène la « programmation développementale acoustique ». Il a été décrit dans une récente étude, publiée dans la revue Trends in Ecology & Evolution. D'après Mylène Mariette, principale auteure et chercheuse à l'Université de Deakin en Australie, « cette programmation se produit lorsqu'un son apporte des informations aux embryons sur l'environnement qu'ils rencontreront après leur naissance et modifie leur développement pour mieux s'adapter à ce même environnement »

Mais le plus surprenant, c'est que cette technique est très utilisée. On la retrouve dans tous les groupes d'animaux qui pondent des œufs, tels que les insectes, les grenouilles, les reptiles et les oiseaux. Les embryons de ces derniers utilisent alors le son ou les vibrations généralement pour savoir quel est le meilleur moment pour éclore, mais aussi pour toute une gamme de conditions beaucoup plus subtiles. Par exemple, chez les punaises (Halyomorpha halys), les chercheurs ont proposé l'hypothèse suivante : pendant leur éclosion, les frères et sœurs à naître émettent de manière synchrone des vibrations pour éviter le cannibalisme !

Le cas des pinsons zébrés

Lorsqu'un pinson zébré est seul à incuber son œuf, il peut parfois produire d'étranges cris aigus. Grâce à des expériences en laboratoire, les chercheurs savent désormais pourquoi : il s'avérerait que ces appels sonores particuliers sont produits seulement lorsqu'il fait très chaud. En conséquence, les embryons grandissent moins pour réduire les dommages physiologiques de l'exposition à la chaleur, ce qui leur permet, par la suite, de produire plus de bébés à l'âge adulte.

Ces pinsons zébrés parents sont-ils en train de négocier pour savoir lequel des deux incubera l'œuf ? © pelooyen, Adobe Stock
Ces pinsons zébrés parents sont-ils en train de négocier pour savoir lequel des deux incubera l'œuf ? © pelooyen, Adobe Stock

Mylène Mariette suggère qu'il est important de préserver les paysages sonores naturels. Ils sont peut-être cruciaux pour ces animaux, qui subissent en ce moment, des changements environnementaux très rapides. « Il est assez étonnant que les sons puissent préparer les bébés à la chaleur, en particulier étant donné le rythme alarmant du changement climatique », remarque-t-elle.