L’étude d’anciennes rivières fossilisées dans le Sahara nous montre qu’il y a 10.000 ans, le nord de l’Afrique a connu une brusque modification du climat, qui serait à l’origine d’une grande migration des populations.
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Il y a 10.000 ans, la population égyptienne vivant dans la vallée du Nil entamait une soudaine migration vers l'Égypte centrale, dans la région du Sahara actuel. De nombreuses données suggèrent que cette migration a été provoquée par une modification du climat, et notamment par un changement important du taux de précipitations. Cette époque est d'ailleurs référencée comme la période humide africaine (-14.800 à -5.500 ans), caractérisée par de fortes moussons en particulier dans les régions d’Afrique du Nord. Ces fortes pluies auraient favorisé la croissance de la végétation, l'établissement de nombreuses rivières et le développement de lacs. Le Sahara, précédemment aride, se serait ainsi peu à peu transformé en une grande savane. À l'inverse, la vallée du Nil serait devenue une zone plutôt marécageuse, soumise à de fortes inondations. Cette région devenant inhospitalière, les populations auraient alors entamé une migration de plusieurs centaines de kilomètres, vers le centre du Sahara, alors bien plus accueillant.
L’étude des paléo-rivières pour comprendre le climat du passé
Cependant, cette période reste mal contrainte. Pour mieux préciser les conditions climatiques ayant régné durant cette période humide, une équipe de recherche menée par Abdallah S. Zaki, de l'université de Genève, a étudié plusieurs rivières fossiles, préservées dans le sud de l'Égypte. Les sédiments de ces anciens cours d'eau contiennent en effet de nombreux indices permettant de caractériser la dynamique fluviale et ses variations au cours du temps et donc d’émettre des hypothèses sur le climat du passé dans cette région aujourd'hui désertique.
Les scientifiques se sont ainsi penchés sur les dépôts sédimentaires de six paléo-rivières, vieilles d'une dizaine de milliers d'années, dont les chenaux fossilisés ont été retrouvés dans les environs du lac Nasser. À cause du processus d'érosion, qui a abrasé la plaine au fil des millénaires, ces paléo-chenaux, dont les sédiments consolidés sont plus résistants, se retrouvent désormais sous forme de petites collines.
Ces anciens lits de rivières sont remplis de graviers et de galets cimentés, dont la forme, la taille et la répartition donnent de nombreuses informations sur l’hydrodynamisme passé. Par exemple, la présence de grands galets indique que le courant était assez puissant pour les transporter et aide à estimer le débitdébit de la rivière, tout comme la profondeur et la largeur du chenal. L'étude du bassin drainant permet quant à elle de calculer la quantité d'eau apportée par ruissellement. L'ensemble de ces données permet finalement d'obtenir le taux de précipitation responsable des dépôts sédimentaires observés.
Une augmentation des inondations en lien avec un réchauffement du climat
Les résultats, publiés dans la revue Quaternary Science Reviews, ont été couplés à des datations par carbonecarbone 14 et par une autre technique utilisant la luminescence du quartzquartz pour obtenir les âges des sédiments déposés dans le fond des paléo-chenaux. Les chercheurs ont ainsi confirmé que les six paléo-rivières étaient actives il y a 13.000 - 5.000 ans, au sommet de la période humide africaine. Les résultats montrent que les pluies étaient alors très intenses, avec des taux de précipitation de 55 à 80 millimètres par heure. En comparaison à la période précédente, plus sèche, ce genre d'événement pluvieux était trois à quatre fois plus fréquent, indiquant une modification majeure du climat à cette époque, dans cette région du monde.
Cette soudaine augmentation de la fréquence et de l'intensité des pluies, provoquant certainement d'importantes inondations, pourrait donc bien être la raison de la grande migration observée dans la vallée du Nil à cette époque. Ce changement climatiquechangement climatique et hydrologique serait associé à une augmentation de 7 °C de la température de l'airair dans la région. Les scientifiques estiment que ce régime hydriquerégime hydrique marqué par de fréquentes inondations aurait pu durer 3.000 ans.
Ces observations peuvent être facilement mises en parallèle avec les modifications climatiques que nous subissons à l'heure actuelle. Il s'agit d'un exemple supplémentaire de la façon dont le système climatique réagit à un réchauffement rapide de l'atmosphèreatmosphère, et des conséquences que cela peut entraîner pour les populations.