Injecter de l’eau de mer dans l’atmosphère pour faire baisser la température au sol ? Cette solution de géoingénierie est actuellement à l’étude, notamment aux États-Unis. Aussi séduisante qu’elle puisse paraître, elle n’est cependant réellement pas sans risque, comme le révèle une nouvelle étude.
au sommaire
Que faire face à l'implacable réchauffement climatique qui nous impacte plus, d'année en année ? Si l'on met de côté les climatosceptiques qui pensent toujours que l'évolution du climat que nous vivons n'est pas d'origine humaine et que, donc, il n'y a pas grand-chose à faire, deux « philosophies » s'affrontent.
La première, préventive, prône que nous sortions de cette spirale infernale en décarbonant nos industries, c'est-à-dire en limitant au maximum nos émissionsémissions de CO2 afin de viser une neutralité carboneneutralité carbone. Un objectif qui demande, si l'on veut réellement l'atteindre, un changement de notre mode de vie et du fonctionnement de nos sociétés, au niveau mondial.
La deuxième suggère d'enrayer le réchauffement climatique en mettant en œuvre des techniques visant à manipuler le climat. Une idée séduisante, il faut bien le dire, car elle nous éviterait d'instaurer les changements sociétaux profonds et certainement douloureux que demande la première alternative. Cette idée, c’est la géoingénierie. Elle repose sur le principe que nos connaissances des mécanismes atmosphériques et des interactions atmosphère-terre-océan sont suffisantes pour mettre au point des procédés qui vont permettre, par exemple, de faire pleuvoir dans les régions arides, de limiter le réchauffement en injectant dans l'atmosphère certains aérosols, ou de fertiliser l’océan afin d’augmenter l’absorption du CO2.
Former des nuages artificiels pour baisser la température : une idée séduisante mais hasardeuse
Mais sommes-nous si sûrs de nos connaissances pour nous permettre une telle manipulation ? Sommes-nous certains de comprendre « exactement » les processus et interactions extrêmement complexes qui régissent le climat global ? La réponse est non. La preuve : les multiples études qui ne cessent d'être publiées sur cette thématique, avec à chaque fois des remises en cause des modèles existants. Une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature climate change, révèle d'ailleurs le danger de ce type d'intervention.
Parmi les diverses solutions de géoingénierie proposées depuis quelques années, il y a celle de l'éclaircissement des nuagesnuages (marine cloud brightening). Le principe est on ne peut plus simple : réduire l'irradiationirradiation à la surface du sol en induisant la formation de gros nuages blancs. Ceux-ci, par l'effet d'albédoalbédo, réfléchissent en effet une importante quantité d'énergieénergie solaire vers l'espace. L'effet serait immédiat et résulterait en une baisse significative de la température au sol. Pour y arriver, il suffirait de projeter dans la basse atmosphère de l'eau de mer. Les cristaux de sel y agissent en effet comme des noyaux de condensationcondensation qui permettent la formation de nuages. Plusieurs équipes de scientifiques dans le monde travaillent actuellement sur cette idée, qui, à première vue, pourrait paraître prometteuse et sans risque.
Des conséquences néfastes pour d’autres régions du globe
Sauf que, comme toujours dans les sciences naturelles, tout n'est pas si simple. Pour tester les conséquences d'une telle pratique, une équipe de chercheurs a effectué des modélisationsmodélisations climatiques. Les scientifiques sont partis de l'hypothèse que des stratocumulus soient ainsi créés artificiellement au-dessus du Pacifique Nord, neuf mois par an et cela sur une période de 30 ans. Les résultats montrent en premier lieu que cette technique de géoingénieriegéoingénierie permet effectivement de réduire les températures au sol dans les régions de l'ouest des États-Unis. Mais ils révèlent aussi les effets néfastes et les risques de cette pratique. Alors que le risque de caniculecanicule en Californie serait abaissé de 55 % dans un premier temps, ce procédé perdrait en quelques décennies son efficacité, en raison de la réponse des grands courants océaniques face au réchauffement global qui, lui, ne se serait pas arrêté faute de mesures préventives. Pire, la formation artificielle de nuage pourrait induire à terme une réponse négative, avec une augmentation de la température sur l'ouest américain, une baisse des précipitationsprécipitations dans d'autres régions du monde et une augmentation des vagues de chaleur en Europe...
Des solutions palliatives qui ne traitent pas la cause du réchauffement climatique
Cette étude révèle le risque de jouer aux apprentis sorciers alors que nous ne maîtrisons pas toutes les formules magiques. C'est un peu comme si une personne en surpoidssurpoids cherchait à maigrir en prenant des médicaments, mais sans changer son alimentation. Elle verrait des résultats au début avant de se rendre compte que les produits ingérés lui auraient abîmé les reinsreins, le foiefoie ou le cœur. En « bidouillant » ainsi le climat, nous prendrions le risque d'aggraver encore plus la situation.
La géoingénierie n'apparaît finalement que comme une mesure palliative, imaginée par des sociétés qui voient leur fin arriver et qui sont incapables de se prendre réellement en main. Elle ne vise aucunement à remédier aux causes du réchauffement climatique. C'est pourtant là-dessus qu'il faut agir, de toute urgence.
Cahiers de Futura
---
NOUVEAU. Le Mag Futura se transforme en version 100% numérique. Découvrez Les Cahiers de Futura et explorez chaque trimestre les futurs possibles à partir de 25€/an.
En ce moment, profitez d'un code promo spécial (code promo : ETE2024) de -30% pour vous abonner aux Cahiers de Futura, et bénéficiez de l'abonnement annuel à seulement 17.50€ !
Futura est un média scientifique indépendant et engagé qui a besoin de ses lecteurs pour continuer à informer, analyser, décrypter. Pour encourager cette démarche et découvrir nos prochaines publications, l'abonnement reste le meilleur moyen de nous soutenir.