L’hiver 2023-2024 s’est révélé dramatiquement avare en neige au cœur des chaînes de l’Himalaya et de l’Hindou Kouch. Une institution scientifique népalaise a analysé les données recueillies ces derniers mois, alertant d’un risque d’assèchement des cours d’eau qui pourrait gravement affecter la population locale. 


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    Sur la route qui encercle les Annapurna, au Népal, il faut lever les yeuxyeux vers les plus hauts sommets pour apercevoir de la neige, même en plein hiver. Le mois de février 2024 s'avère particulièrement sec, dénué de ce manteaumanteau blanc caractéristique. Pour le gérant de l'hôtel Tilicho, à Manang, petite bourgade située à 3 500 mètres d’altitude, c'est une première. « Il faut grimper au-delà de 4 500 mètres pour commencer à avoir de la neige sur le sol. Je n'avais jamais vu un mois de février avec une météométéo aussi claire, sans que rien ne tombe pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. » À cette altitude, le froid est mordant, le vent agressif, mais en dépit des nuages sombres se massant au-dessus des sommets durant l'après-midi, la neige ne vient pas. Les habitants semblent particulièrement circonspects face à ce bouleversement inhabituel. Une variation météorologique majeure dont les conséquences se manifestent quelques mois plus tard, au moment de la fontefonte des glaces.

    Des chutes de neige exceptionnellement basses pour l’hiver 2023-2024

    Les observations menées à Manang sont confirmées par l'International Centre for Integrated Moutain Development (Icimod), organisme de surveillance climatique de l'Himalaya et de l'Hindou Kouch basé à Lalitpur, au sud de Katmandou. Le 17 juin, l'Icimod publiait un communiqué déclarant que les faibles chutes de neige enregistrées durant l'hiver 2023 dans l'Himalaya risquaient de provoquer de plus faibles débitsdébits d'eau dans les rivières, engendrant des accès plus difficiles à l'eau dans la région. La fonte des neiges représente 23 % du flux global pour douze rivières trouvant leurs sources dans l'Himalaya. Les mesures relevées par l'organisme népalais entre novembre 2023 et avril 2024 démontrent la chute drastique du volumevolume d'eau drainé des flancs de la chaîne montagneuse.

    Les sommets visibles depuis la vallée de Khangsar avoisinent les 7 000 mètres. En contrebas, la rivière Marsyangdi serpente autour des Annapurna, approvisionnant la province en eau. © Dorian de Schaepmeester
    Les sommets visibles depuis la vallée de Khangsar avoisinent les 7 000 mètres. En contrebas, la rivière Marsyangdi serpente autour des Annapurna, approvisionnant la province en eau. © Dorian de Schaepmeester

    La quantité de neige s'accumulant, puis fondant pour rejoindre le bassin de l'Indus, a chuté de 23,3 %. La précédente baisse était enregistrée en 2018, de 9,4 % sous la moyenne habituelle, et avait eu un impact sur le flux du fleuve homonyme. Pour le bassin en amont du fleuve Amu Darya, les relevés du rapport de 2024 pointent une baisse de 28,2 % concernant l’influence des chutes de neige sur l'augmentation des cours d'eau dans la région. Ce constat se répète pour de nombreux bassins alimentant une importante quantité de fleuves asiatiques : le Gange, le Brahmaputra, le Helmand et même le Mekong. Le scientifique Sher Muhammad explique que l'Icimod « note une baisse régulière de la quantité de neige tombant dans l'Himalaya annuellement, avec des données inférieures à la moyenne saisonnière sur 13 des 22 dernières années mesurées ».

    Un impact direct sur les populations locales

    Le rapport de l'Icimod est sans appel : ces variations pourraient provoquer d'importants changements dans le débit des cours d'eau. Au Népal, près de 60 % des centrales hydroélectriques sont situées dans les provinces de Gandaki et de Bagmati, dépendant directement de sources émanant des montagnes himalayennes.

    Cette carte publiée dans le rapport de l’Icimod détaille le déclin des chutes de neige dans l’Himalaya en 2023-2024. © Icimod
    Cette carte publiée dans le rapport de l’Icimod détaille le déclin des chutes de neige dans l’Himalaya en 2023-2024. © Icimod

    L'accès à l'eau pourrait s'avérer bien plus complexe cette année pour les populations locales, du Népal jusqu'à l'Afghanistan, en passant par l'Inde, le Bhoutan ou le Pakistan. La principale inquiétude des scientifiques est l'hypothèse d'une pénurie d'eau en cas de sécheresse. De nombreuses régions rurales utilisent notamment les cours d'eau pour irriguer les plantations et les champs. La problématique est extrêmement délicate : au Népal, seulement 27 % de la population a accès à une eau assainie. Environ 25 % des Népalais disposent d'une eau courante théoriquement consommable. Le pourcentage restant utilise les cours d'eau et les étendues à la surface (lacs, étangs...) pour les tâches de la vie courante. Le manque d'infrastructures a un impact majeur sur la qualité de vie de la population. Chaque année, près de 44 000 enfants meurent au Népal, à cause des épidémiesépidémies de typhus, de choléracholéra ou de dysenteriedysenterie

    Pour l'Icimod, les faibles chutes vont rapidement accroître ces situations d'urgence. L'organisme appelle ainsi les autorités à mettre en place des mesures visant à fournir de l'eau purifiée aux citoyens en cas de sécheresse, tout en élaborant un système de stockage pour contenir la précieuse ressource. Un élément supplémentaire illustrant l'impact brutal du réchauffement climatique dans les pays les plus défavorisés, en Asie et dans le reste du monde.