Le changement climatique et la perte irrévocable d’écosystèmes menacent la stabilité mondiale et décident le ministère des Armées à accélérer sur le sujet avec une stratégie en faveur de la biodiversité.


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    L'armée se met au vert. Pas seulement pour la couleurcouleur kakikaki des treillistreillis, mais désormais aussi celle du développement durable et plus spécifiquement de la biodiversité. Un plan stratégique dans ce sens a en effet été dévoilé le 9 septembre par la ministre des Armées, Florence Parly. Il s'inscrit dans le cadre plus global du Pacte vert pour l’Europe, de la version 3 de la stratégie nationale pour la biodiversité et des engagements en faveur de la protection de 30 % des espaces terrestres et marins d'ici 2030, pris par Emmanuel Macron lors de la quatrième édition du One Planet Summit.

    La stabilité mondiale remise en cause

    Le rapport entre armées et biodiversité n'est pas a priori évident et pourtant : le changement climatiquechangement climatique et la perte irrévocable d'écosystèmes ont et vont avoir de plus en plus de conséquences importantes sur la stabilité mondiale. D'autant plus dans un contexte de croissance démographique de la population mondiale estimée par l'ONU à 8,5 milliards d'individus en 2030.

    En 2020, 30 millions de personnes ont été déplacées à la suite de catastrophes naturelles, soit trois fois plus que par les conflits armés

    Hausse des températures, élévation du niveau des mers, risques sanitaires avec la propagation de maladies infectieuses, multiplication par cinq des catastrophes naturelles au cours des 50 dernières années... autant de facteurs susceptibles de favoriser l'émergence de conflits ou de crises. Ils attisent les tensions autour des questions cruciales d'accès aux ressources naturelles, notamment hydriques et énergétiques, et provoquent d'importantes migrations de populations. « En 2020, 30 millions de personnes ont été déplacées à la suite de catastrophes naturelles, soit trois fois plus que par les conflits armés », souligne François Gemenne, co-directeur de l'Observatoire Défense et ClimatClimat.

    Le rôle de la France et de ses forces armées

    Dans ce contexte, la France, qui dispose du 2e domaine maritime et héberge 10 % de la biodiversité mondiale, a forcément un rôle à jouer. D'où cette stratégie ministérielle de préservation de la biodiversité et son enveloppe de 3,6 millions d'euros allouée à accroître les connaissances dans ce domaine, à réduire l'impact des forces armées sur les espaces naturels tout en préservant leurs capacités opérationnelles et à développer des possibilités d'anticipation des crises. L’engagement du ministère des Armées n'est pas nouveau puisque dès 2016 avait été créé un Observatoire Défense et Climat, que 80 % des 275.000 hectares gérés bénéficient de mesures de protection spécifiques en faveur de la biodiversité et que l'institution collabore à 3 programmes LIFE en faveur de la biodiversité sur les terrains militaires. En 2020, Florence Parly avait aussi déjà présenté une stratégie énergétique pour réduire la dépendance aux carburants fossilesfossiles.

    En 2016, un Observatoire Défense et Climat a été mis en place par le ministère des Armées français. © Erwan RABOT, Ministère des Armées
    En 2016, un Observatoire Défense et Climat a été mis en place par le ministère des Armées français. © Erwan RABOT, Ministère des Armées

    Des innovations en faveur de la biodiversité

    Selon Hervé Grandjean, porteporte-parole du ministère des Armées, « avec un budget multiplié par 12 en 5 ans, des ambitions clairement définies et mesurables, cette stratégie ministérielle correspond à une volonté de donner un véritable coup d'accélérateur sur ces questions essentielles qui concernent la défense nationale ». Six cent cinquante référents formés au sein des différentes institutions du ministère sont ainsi chargés de diffuser la stratégie mais aussi de proposer des actions locales. Le tout piloté par la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA). De nombreux accords ont aussi été passés avec des partenaires écologiques reconnus comme le Muséum national d’histoire naturelle, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPOLPO), l’Office français de la biodiversité ou encore la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels.

    L'un des objectifs de cette stratégie est notamment d'améliorer la connaissance du patrimoine naturel, ses interactions avec les activités militaires pour in fine réduire leur empreinte environnementale. Le ministère expérimente par exemple un murmur de bulles pour atténuer la pollution sonorepollution sonore sous les eaux. De l'airair insufflé dans des tuyaux percés au fond de l'eau crée une sorte de barrière acoustique pour les mammifèresmammifères marins lors de l'explosion de vieilles munitions ou contre les ondes des sonarssonars des sous-marinssous-marins. Sur terreterre, les hélicoptèreshélicoptères adaptent leur trajectoire d’entraînement en fonction des lieux de nidification du gypaète barbu, l'un des plus grands rapaces de la faunefaune européenne quasiment en voie d'extinction.

    Oiseaux et plancton pour anticiper les problèmes

    La volonté du ministère est également de développer des outils d'aide à la décision pour mieux anticiper les problèmes et ainsi pouvoir agir plus rapidement, plus efficacement. La Marine nationale participe ainsi par exemple au programme Kivi Kuaka. Certaines espècesespèces d'oiseaux comme le Courlis d'Alaska (Kivi en polynésien) ou la Barge rousse (Kuaka en maori) adaptent leur migration en fonction de l'arrivée de catastrophes naturelles. L'étude de leur réponse comportementale permettrait dès lors de disposer de systèmes d’alerte précoce. L'étude du plancton dans l'océan Pacifique va aussi dans ce sens. Suite au changement climatique, leur diversité et répartition spatiale évoluent et avec eux, les ressources thonières qui s'en nourrissent mais aussi du coup les flottilles de pêchespêches, dont une partie de l'activité risque de se déplacer dans les eaux internationales, peu ou pas contrôlées. Les enjeux sont écologiques, puisque cela menace la gestion durable des ressources, comme géopolitiques, car la situation peut être source de conflits entre États.