Les espèces vivantes sont soumises à des contraintes de la part de leur milieu, et on peut assez facilement imaginer comment des changements environnementaux bouleversent le vivant, et donc son histoire évolutive. Mais ce qui échappe bien souvent est la réciprocité du mécanisme. De modestes lézards trapus ou sveltes ont été réquisitionnés pour démontrer qu’ils étaient eux aussi capables d’avoir un immense impact !


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    Plusieurs espèces sont utilisées pour illustrer la notion de sélection naturellesélection naturelle, les phalènes du bouleau (Biston betularia) ont par exemple gagné une certaine célébrité en devenant bien malgré eux un cas d'école. Mais les anoles bruns (Anolis sagrei), de petits lézards peuplant un chapelet d'îles aux Bahamas, s'adaptent eux aussi rapidement à la végétation qui les entoure. Ces reptiles montrent une grande variation dans la longueur de leurs pattes arrière, certains sont plutôt courtauds, d'autres dégingandés, beaucoup d'autres encore se situent entre les deux. Leur milieu est très souvent composé de broussailles et de branches aux diamètres variés. Lorsque celui-ci est faible, ce sont les lézards aux jambes courtes qui se débrouillent le mieux pour se mouvoir dans leur environnement, fuir les prédateurs ou pourchasser les proies. Ils survivent donc mieux et se reproduisent plus, répandant ainsi davantage le patrimoine génétiquegénétique qui leur a octroyé cet avantage sur leurs congénères.

    Un mâle anole brun insulaire se laisse dorer au soleil, agrippé à une branche. © Oriol Lapiedra
    Un mâle anole brun insulaire se laisse dorer au soleil, agrippé à une branche. © Oriol Lapiedra

    C'est cela la sélection naturelle, les conditions du milieu exercent une pressionpression qui avantage différents individus selon leurs caractères. Un changement de ces conditions peut donc avoir un impact considérable sur les populations, mais qu'en est-il de l'inverse ? C'est ce qu'ont voulu découvrir les chercheurs de l'Université de Rhode Island, dont les travaux ont été publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

    Les petits lézards aussi ont une grande importance

    Le but de l'étude était d'observer les conséquences concrètes d'une population composée en majorité de lézards à courtes ou longues pattes sur son environnement. Les biologistes ont donc introduit sur deux îles distinctes des lézards présentant l'une ou l'autre longueur de pattes. Ces deux îles étaient couvertes d'une végétation dont les brins avaient un faible diamètre, on a donc observé que les lézards courtauds se développaient mieux sur leur île, et dévoraient avec bien plus d'efficacité les différents insectes et araignées présents.

    On savait que l'environnement influençait fortement la morphologie des anoles, à présent on a pu démontrer que l'inverse était également vrai, car la longueur de leurs pattes ont un effet écologique indirect (flèche de gauche) sur leur environnement végétal. © Kolbe Labs, Université de Rhode Island
    On savait que l'environnement influençait fortement la morphologie des anoles, à présent on a pu démontrer que l'inverse était également vrai, car la longueur de leurs pattes ont un effet écologique indirect (flèche de gauche) sur leur environnement végétal. © Kolbe Labs, Université de Rhode Island

    Après huit mois, le nombre de ces dernières était 41 % moins important que sur l'île peuplée de lézards à longues pattes. Les insectes herbivores y étaient aussi décimés, et la végétation a donc pu prospérer, les jeunes pousses d’arbres étaient deux fois plus nombreuses que sur l'île de lézards à longues pattes. Ces preuves concrètes et flagrantes que l'évolution des espècesévolution des espèces d'un milieu affecte aussi profondément l'environnement nous aident à « comprendre l'étendue des interactions entre l'évolution et l'écologieécologie, ce qui sera très utile pour prédire les conséquences environnementales des activités humaines », selon les auteurs.