Des géographes publient pour la première fois une étude s'intéressant au littoral breton et plus particulièrement à l'évolution de l'érosion côtière depuis soixante ans. La synthèse s’appuie sur les observations aériennes de l’IGN de 652 plages sur un linéaire de 335 km. Leurs travaux sur le recul ou l'avancée du trait de côte permettront une meilleure gestion des côtes bretonnes, prenant en compte le dérèglement climatique, conjointement avec l’élévation du niveau de la mer et un probable renforcement du régime des tempêtes.
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Les littoraux de Bretagne sont soumis à un phénomène d'érosion qui se manifeste généralement à l'occasion des tempêtes hivernales et se traduit par un recul du trait de côte. Au sein de l'Institut universitaire européen de la Mer à Plouzané (Finistère), les géographes du laboratoire LETG mènent en collaboration avec les géologuesgéologues du laboratoire LGO des suivis réguliers de ces changements le long des côtes.
Le plus souvent, ils concentrent leurs efforts sur quelques sites ateliers et alimentent, depuis une quinzaine d'années, de longues séries de données qui permettent d'analyser les variabilités, spatiale et temporelle, des changements morphologiques du littoral. Ces observations ponctuelles forment, à l'échelle nationale, le Service national d'Observation (SNO) Dynalit, labellisé par le CNRS Insu et, désormais, intégré à l'Infrastructure de Recherche littorale et côtière Ilico.
Un linéaire côtier de 335 km et 652 plages analysés et comparés
Jusqu'à présent, les scientifiques ne disposaient pas d'une vision globale du phénomène d'érosion sur l'ensemble des plages bretonnes. L'étude parue dans la revue scientifique Journal of Coastal Research vient combler ce manque en analysant les changements du trait de côte le long des 652 plages de Bretagne et en faisant la synthèse des données acquises dans le cadre des suivis réalisés par les scientifiques.
Pour réaliser cette synthèse, les différentes missions de photographiesphotographies aériennes prises par l'IGN ont été utilisées. La position du trait de côte entre des photos anciennes (datant des années 1950) et des missions récentes (datant des années 2010) a été comparée le long d'un linéaire côtier de 335 km. Pour chaque plage, le recul ou l'avancée du rivage a été estimé entre ces deux périodes, à raison d'une mesure tous les 10 mètres.
Une érosion sur un tiers du littoral mais une forte proportion restée stable
Les résultats obtenus indiquent qu'un peu plus d'un tiers de ce linéaire (35 %) est en érosion. Par endroit, le trait de côte a reculé de façon spectaculaire. Le littoral de la Baie d'Audierne, par exemple, a enregistré un recul de 60 mètres en moyenne entre 1952 et 2009. Mais une forte proportion de côte (38 %) est restée très stable. Cela concerne le plus souvent les petites plages « de poche » encadrées de part et d'autre par des pointes rocheuses qui limitent les transferts de sédiments marins.
Enfin, près d'un quart des plages (27 %) a connu une avancée du trait de côte. Ces plages sont souvent situées à l'embouchure des petits estuaires et fleuves côtiers qui laissent penser que ces derniers apportent encore des sables à la côte. Les flèches littorales, comme celle du Sillon de Talbert, dans les Côtes d’Armor (photo ci-dessus), apparaissent comme les plus sensibles à l'érosion.
Cela s'explique en partie par des causes naturelles, notamment un épuisement progressif des stocks de sédiments marins au fil des siècles. Mais souvent, cette situation a été aggravée par des actions humaines, des aménagements côtiers et des prélèvements massifs de sables et de galets sur les côtes, en particulier lors de la seconde guerre mondiale et dans les décennies qui ont suivi.
Des reculs consécutifs aux tempêtes et aux forts coefficients de marée
Cette étude s'est également penchée sur l'impact des tempêtes et a mis en évidence le rôle important des vagues, mais aussi des maréesmarées, dans les épisodes d'érosion. En effet, c'est principalement lors de la conjonctionconjonction d'une tempête avec un grand coefficient de marée que se produisent les reculs les plus forts.
En travaillant sur de longues séries de données météorologiques et marégraphiques couvrant les 70 dernières années, 5 périodes érosives ont été identifiées le long des côtes bretonnes : la dernière en date étant centrée sur les premiers mois de l'hiver 2014. Les relevés topo-morphologiques réalisés au drone et au GPSGPS différentiel durant cette période font état de recul de 14 mètres le long de certains cordons dunaires, avec un record régional pour le Sillon de Talbert (30 mètres de recul à l'occasion de trois tempêtes seulement).
Envisager l'avenir des sociétés côtières
Ces résultats permettent d'apporter des ordres de grandeurordres de grandeur sur l'ampleur des changements causés par les événements extrêmes. Les mesures réalisées après les épisodes d'érosion sont tout aussi importantes pour estimer le temps de récupération des plages (résiliencerésilience). Sur certains sites d'étude, les suivis indiquent que la plage a recouvré 80 % de son volumevolume initial en seulement quelques jours. Ces résultats doivent donc être pris en compte dans les mesures de gestion de l'érosion à l'échelle régionale.
Tandis que le dernier rapport du GIEC sur l'avenir des océans prévoit une hausse importante du niveau de la mer dans les décennies à venir, compris entre 40 centimètres et 1,1 mètre, selon les scénarios à l'horizon 2100, on peut raisonnablement penser que la proportion de plages bretonnes en érosion va augmenter dans les années à venir. La question est désormais de savoir comment et à quelle vitessevitesse, les sociétés côtières vont s'adapter à cette situation.
Les plus belles plages du monde
Sur une île des Maldives se trouve une plage hors du commun. Le jour, rien d'exceptionnel, si on oublie un instant son sablesable fin et ses eaux turquoise... Mais la nuit, ce sont des millions d'organismes microscopiques qui peuvent venir s'accumuler le long de la rive. De minuscules crustacéscrustacés baptisés ostracodes, semble-t-il. Ceux-ci possèdent un organe bioluminescentbioluminescent qui fait scintiller l'eau de mer au gré du mouvementmouvement des vaguesvagues. Un spectacle aux allures surnaturelles mais 100 % naturel ! © veert12, Shutterstock
Ce qu’il faut
retenir
- Jusqu’à présent, les scientifiques ne disposaient pas d’une vision globale du phénomène d’érosion sur l’ensemble des plages bretonnes.
- L'analyse montre que 35 % du linéaire côtier est en érosion. Toutefois, 38 % des plages sont restées stables sur la période étudiée et 27 % a même connu une avancée de son trait de côte.
- En prévision de la hausse importante du niveau de la mer dans les décennies à venir, cette étude permettra une meilleure gestion du littoral breton.