Un nouveau cas très rare de dinosaure piscivore a été découvert en Mongolie. Halszkaraptor escuilliei déroute les chercheurs car l'animal, proche des vélociraptors de Jurassic Park, ressemblait aussi à un manchot avec un cou de cygne.

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    Le journal Nature vient de publier un article qui a reçu une bel écho dans les médias de la planète. Il annonce la découverte d'une nouvelle espèce de dinosaure plutôt surprenante. Devant elle, les paléontologuespaléontologues ont dû ressentir la même perplexité que leurs collègues zoologues quand le premier ornithorynque découvert en Australie fut présenté en Europe en 1798. Aussi ont-ils envisagé la même explication : il ne peut s'agir que d'un faux, une chimèrechimère artificielle constituée de plusieurs fragments d'animaux issus de milieux différents.

    Elle était d'ailleurs plausible pour ces restes fossilisés censés avoir été découverts non loin d'Ukhaa Tolgod, localité du sud de la Mongolie connue des paléontologues depuis des décennies. Il y a eu des précédents en effet car il existe un trafic de fossiles venant de Chine et de Mongolie, dont la légalité n'est pas toujours facile à établir ou à gérer dans les règles. Des contrebandiers pillent certains gisements, fabriquent également des faux et peuvent piéger des acheteurs de bonne foi.

    Une image de synthèse en 3D des restes fossilisés d'<em>Halszkaraptor escuilliei</em> calculé à partir des données prises à l'ESRF. © ESRF, Paul Tafforeau

    Une image de synthèse en 3D des restes fossilisés d'Halszkaraptor escuilliei calculé à partir des données prises à l'ESRF. © ESRF, Paul Tafforeau

    Mais les paléontologues d'aujourd'hui disposent d'une arme redoutablement efficace pour rétablir la vérité : les lignes de lumièrelumière de l'ESRF (European Synchrotron Radiation FacilityEuropean Synchrotron Radiation Facility), à Grenoble. Avec ses faisceaux de rayons Xrayons X, la « microtomographie multi-résolutionrésolution » peut déceler des détails plus petits que l'épaisseur d'un cheveu. De plus, la technique est non invasive, capable de reconstituer en 3D un fossile pris dans une gangue de roche sans même en prélever un échantillon.

    Le verdict est donc tombé. Il s'agit bien d'un fossile d'un animal qui a vécu en Mongolie pendant le Campanien, un étage stratigraphique du CrétacéCrétacé supérieur, entre  83 et 72 millions d'années avant le présent. Mais surtout, les chercheurs sont allés de surprise en surprise en analysant finement les données fournies par les rayons X. Il s'agit bien d'un dinosaure, membre des théropodesthéropodes, et apparenté au célèbre vélociraptorvélociraptor de Jurassic Park, doté des mêmes griffes en forme de faucille.

    Reconstruction d'<em>Halszkaraptor escuilliei</em> par Lukas Panzarin sous la supervision scientifique d’Andrea Cau. © Lukas Panzarin, Andrea Cau

    Reconstruction d'Halszkaraptor escuilliei par Lukas Panzarin sous la supervision scientifique d’Andrea Cau. © Lukas Panzarin, Andrea Cau

    Halszkaraptor escuilliei, un vélociraptor amphibie

    Mais l'animal avait visiblement un mode de vie semi-aquatique et amphibie qu'on imaginait depuis quelques décennies impossible pour la famille des Dromaeosauridae et plus généralement les dinosaures. On connaissait cependant un autre théropode amphibie qui devait se nourrir de poissonspoissons tout comme ce petit dinosaure mongol d'environ un mètre de haut : le spinosaurus. Les rayons X ont en effet révélé  de nombreuses dents, qui ne sont pas visibles de l'extérieur, et qui font penser à celles d'un animal au régime piscivorepiscivore, ainsi que les traces d'un tissu neurovasculaire à l'intérieur de son museau qui ressemble beaucoup à celui des crocodilescrocodiles modernes.

    Finalement, le nouveau Dromaeosauridae ressemblait par certains côtés à un manchot avec nageoires et cou de cygne mâtiné d'un vélociraptor, un bien étrange mélange en vérité. L'animal devait pouvoir courir sur deux pattes sur terreterre aussi bien que nager. Il a été baptisé Halszkaraptor escuilliei.

    De gauche à droite, Pascal Godefroit et François Escuillié, récompensés lors d'une cérémonie par l'ambassadeur de Mongolie en Belgique. Le fossile montré n'est pas celui de <em>Halszkaraptor escuilliei</em>. © François Escuillié

    De gauche à droite, Pascal Godefroit et François Escuillié, récompensés lors d'une cérémonie par l'ambassadeur de Mongolie en Belgique. Le fossile montré n'est pas celui de Halszkaraptor escuilliei. © François Escuillié

    Halszkaraptor signifie qu'il est le « voleur de Halszka » un nom donné en hommage à la paléontologue polonaise décédée Halszka Osmólska, en reconnaissance de sa contribution à l'étude des dinosaures mongols du Gobi, selon Rinchen Barsbold de l'Académie mongole des sciences. Quant à escuilliei, il fait référence au paléontologue français indépendant François Escuillié pour son rôle dans la première reconnaissance et dans la restitution de ce spécimen en Mongolie selon Khishigjav Tsogtbaatar de l'institut de PaléontologiePaléontologie et de GéologieGéologie d'Oulan-Bator.

    Les restes fossilisés de Halszkaraptor escuilliei s'étaient malheureusement retrouvés sur le marché international des fossiles de façon illégale, visiblement victimes de pilleurs de fossiles très actifs dans le désertdésert de Gobi. François Escuillié, directeur d'Eldonia, une société française privée spécialisée dans la paléontologie (vente de fossiles et de reproductions) l'a heureusement repéré et acquis. Il a fait part de sa trouvaille à Pascal Godefroit, paléontologue de l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique, la seule institution européenne autorisée par le gouvernement mongol à acquérir légalement des fossiles mongols exportés vers l'Europe. Celui-ci prend lui aussi très vite conscience de l'importance du fossile. D'un commun accord, il est décidé que le fossile sera étudié avant d'être offert aux scientifiques mongols et rendu à la Mongolie.

    Halszkaraptor escuilliei sera donc l'objet d'investigations par les paléontologues de l'ESFR, Vincent Beyrand, Dennis Voeten, Paul Tafforeau, Vincent Fernandez, Andrea Cau, qui racontent dans des vidéos leurs aventures de cet étonnant fossile remarquablement conservé.


    Une vidéo en anglais montrant les protagonistes de l'étude de Halszkaraptor escuilliei à l'ESRF. © ESRFsynchrotron