Il y a trente ans, le réacteur n° 4 de la centrale ukrainienne de Tchernobyl explosait à la suite d’un test mal conduit. La plus grande catastrophe nucléaire, avec Fukushima, laisse encore ses traces dans la région, dans les corps et dans les cœurs. Retour sur ces jours et ces mois traumatisants.

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    Le 25 avril, des techniciens s'affairaient autour du réacteur n° 4 de la centrale nucléaire Lénine, dans la ville de Pripiat. Nous sommes en 1986, dans la partie ukrainienne de l'URSS, à 18 km de la ville de Tchernobyl, tout près de l'actuelle Biélorussie. La mission du jour est de tester un procédé de démarrage du circuit électrique de secours sur ce réacteur dont la puissance doit être baissée pour l'occasion. Cependant, les autorités de régulation ont besoin d'électricité pour la région et la baisse de puissance est interrompue. Elle ne reprendra qu'à 23 heures.

    Un réacteur ne se contrôle pas avec un simple curseur et l'opération demande du temps et du doigté. Ce modèle (RBMK), de 1.000 MW, présente l'inconvénient d'un manque de stabilité à certaines puissances lorsque le réacteur utilise de l'uraniumuranium peu enrichi (ce qui était le cas). L'essai est repris à 1 h 23, le 26 avril, donc. Les vannes d'alimentation en vapeur sont fermées, comme le prévoyait le programme de test. Les 40 secondes qui suivent sont celles de la catastrophe.

    Selon le scénario le plus communément admis, et détaillé par l'IRSN (voir notre dossier sur l’accident nucléaire), l'essai est repris trop tôt, alors que le réacteur n'est pas suffisamment stabilisé et la température encore trop élevée. De plus, des systèmes de sécurité ont été désactivés. La température commence immédiatement à grimper dans le cœur du réacteur, qui se met à « diverger ». Incontrôlé, il produit davantage de neutronsneutrons que les barres prévues pour les absorber (en graphitegraphite) sont capables de retenir. Les neutrons supplémentaires provoquent de nouvelles fissionsfissions : c'est la réaction chaîne.

    Le déroulement des évènements. Le début de l'essai, mal engagé, a rendu le réacteur instable. © idé

    Le déroulement des évènements. Le début de l'essai, mal engagé, a rendu le réacteur instable. © idé

    Le réacteur 4 de Tchernobyl n'était plus sous contrôle

    Les opérateurs réagissent et déclenchent l'arrêt d'urgence. Les barres de contrôle sont descendues dans le cœur mais il est trop tard. Elles ne peuvent réduire suffisamment la puissance, qui dépasse la limite. C'est l'explosion. La dalle de bétonbéton, qui recouvre le réacteur et pèse 2.000 tonnes, est soulevée et retombe lourdement sur lui. Le graphite prend feufeu. Un énorme incendie se déclenche.

    La suite de l'histoire cumule erreurs, horreurs et héroïsme. Les pompiers de Pripiat, appelés immédiatement, font ce qu'ils peuvent mais leurs moyens ne permettent pas de lutter efficacement contre l'incendie. Quatre n'en ressortiront pas vivants et les autres repartiront mortellement irradiés. Dans les heures qui suivent, l'arrosage abondant de ce qui reste du cœur est inefficace et des particules radioactives, de multiples sortes, s'échappent dans l'atmosphère. C'est le « nuage de Tchernobyl ». Elles se déposeront d'abord autour et feront de Pripiat une ville fantôme, jusqu'à aujourd'hui.

    Les mesures de radioactivité due au césium 137 après la catastrophe de Tchernobyl. © Idé

    Les mesures de radioactivité due au césium 137 après la catastrophe de Tchernobyl. © Idé

    Les populations et les sauveteurs gravement touchés

    Les données disponibles indiquent que 237 personnes, sur les 600 qui travaillaient dans la centrale, ont été hospitalisées. Sur les 134 « intervenants », les premiers sur les lieux, « 28 sont décédés dans les quatre mois qui ont suivi l'accidentaccident. Puis, entre 1987 et 2006, 19 autres intervenants sont décédés des séquellesséquelles de leur syndromesyndrome, dont 10 avant 1997, 4 avant 2000 et 5 jusqu'en 2006 », selon le bilan de l’IRSN.

    Les « liquidateurs », c'est-à-dire les personnes qui ont travaillé à la décontamination, du site ou des débris, sont estimés à 350.000 sur la période 1986-1987 et 240.000 d'entre eux ont reçu des doses très fortes. L'évacuation de la zone a été très vite engagée et 116.000 personnes sont parties dans les semaines qui ont suivi l'accident. Plus tard, 230.000 autres personnes ont quitté la région (source OMSOMS).

    Les doses reçues par les populations touchées (des dizaines de millions d'habitants en Ukraine, en Russie et en Biélorussie) oscillent entre quelques millisieverts et quelques centaines de millisieverts. Les cancerscancers sont suivis depuis et on a observé un pic des tumeurs de la thyroïde : « Entre 1991 et 2005, 6.848 cas de cancers de la thyroïdecancers de la thyroïde ont été diagnostiqués chez les enfants âgés de moins de 18 ans au moment de l'accident en Biélorussie, Ukraine et Russie, en particulier chez ceux âgés de moins de 4 ans suite à la consommation de lait contaminé par l'iodeiode 131 ».

    Le second sarcophage de Tchernobyl est encore en construction. Il doit coiffer l'ensemble du réacteur, y compris la première protection, construite dans l'urgence et tout à fait insuffisante. © idé

    Le second sarcophage de Tchernobyl est encore en construction. Il doit coiffer l'ensemble du réacteur, y compris la première protection, construite dans l'urgence et tout à fait insuffisante. © idé

    Le nuage de Tchernobyl s'est promené en Europe de l'ouest

    Les poussières radioactives se sont diluées loin de l'Ukraine, poussées par des vents d'est. Ce « nuage de Tchernobyl » a atteint l'Europe de l'ouest, jusqu'en Norvège, en Irlande, en Roumanie et en Grèce. En France, l'information rassurante des autorités a été rapidement dénoncée, face à son incohérence en comparaison des pays voisins, notamment l'Allemagne (de l'ouest, ou RFA) et la Suisse.

    Depuis, les travaux sur le site se sont déroulés très lentement et la centrale est restée en activité jusqu'en 2000. La gigantesque entreprise du « sarcophage de Tchernobyl », consistant à enfermer le réacteur 4 sous un dôme de béton, fait face à d'innombrables difficultés techniques, financières et politiques. Initialement prévue en 2015, la fin des travaux est aujourd'hui annoncée pour 2017.

    Classé au niveau 7, l'explosion de Tchernobyl reste l'accident nucléaire le plus grave, « à égalité », si l'on ose dire, avec celui de Fukushima, en mars 2011. Sur place, la zone autour de la centrale est toujours un désert humain mais des études sur la flore, la faune et, récemment, sur les carnivores (les animaux les plus exposés à la radioactivitéradioactivité) montrent que la vie reprend ses droits.