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Bertrand Piccard a décollé de New York ce matin, en pleine nuit, à 2 h 30, heure locale (8 h 30, heure de France métropolitaine). Après la traversée du Pacifique, en deux branches, et celle des États-Unis, la quinzième étape du tour du monde de Solar ImpulseSolar Impulse vient de commencer. L'arrivée est prévue jeudi sur l'aéroport de Séville, en Espagne.
On pourrait s'accoutumer à ces vols au cours de ce grand voyage entamé le 9 mars 2015 à Abou Dhabi et interrompu à Hawaï, à cause d'un problème mécanique entre juillet 2015 et mars 2016. Ce serait oublier la série de premières que cette aventure représente. Jamais un avion électrique n'a volé aussi longtemps, sur de si grandes distances et avec des étapes aussi longues. Jamais des pilotes ne sont restés autant de temps aux commandes d'un avion monoplace. Des étapes de quatre jours, comme celle qu'a entamée aujourd'hui Bertrand PiccardBertrand Piccard, ou celle de cinq jours qu'André Borschberg, l'autre pilote de Solar Impulse, a effectuée entre Nagoya (au Japon) et Hawaï, sont des records mondiaux désormais gravés dans l'histoire de l'aviation. Pour tenir aussi longtemps, les deux hommes pratiquent des exercices de yoga et d'autohypnose (dont Bertrand Piccard, psychiatre, est un spécialiste).
Quant à l'énergieénergie solaire, elle n'avait jamais été utilisée pour un tel avion, capable de réaliser des vols de nuit. C'est d'ailleurs avant le lever du soleilsoleil que le SI2 a décollé ce matin, avec des batteries chargées lors des vols précédents grâce à ses 17.248 cellules photovoltaïques. Sur cet avion qui, sous le soleil, emmagasine davantage d'énergie qu'il n'en consomme, « on fait le plein en volant », comme nous l'expliquait André Borschberg. Ce matin, au moment où le soleil était encore bas dans le ciel, trois heures après le décollage, les batteries se déchargeaient mais étaient encore à plus de 50 %.
Le 11 juin 2016, l'avion solaire SI2, piloté par André Borschberg, a survolé la statue de la Liberté, à New York. © Solar Impulse
L'avion solaire SI2, un géant délicat
Ces performances exceptionnelles se paient. L'avion de 72 m d'envergure est très léger (2,3 tonnes) et ses quatre moteurs ne développent que 17,5 cv chacun (12,9 kW). Monoplace, le SI2 n'est pas pressurisé alors qu'il doit voler très haut pour éviter les turbulencesturbulences et profiter des vents. Il est très lent, avec une vitessevitesse de croisière qui plafonne à environ 80 km/h. Le moindre vent de face a, du coup, un effet désastreux sur la duréedurée du vol.
Délicat à piloter, il ne supporte pas les inclinaisons trop fortes et, lorsque l'avion penche vers la droite ou la gauche de plus de 5° (ce qui est très peu), une alarme avertit le pilote. Avec ces contraintes, il ne peut décoller et se poser qu'en airair calme, donc le matin et le soir. Par ailleurs, l'insertion dans le circuit d'arrivée d'un aéroport international pose des soucis aux contrôleurs, amenés à gérer un engin se déplaçant à 50 km/h en vitesse par rapport au sol, et qui préfèrent donc voir arriver ce délicat volatil en dehors des heures de pointe...
Bref, le SI2 est un mauvais avion et l'équipe de Solar Impulse insiste pour expliquer que jamais l'énergie solaire ne transportera ainsi des passagers. En revanche, l'aventure démontre que cette source d'énergie peut faire bien davantage que ce que l'on imagine généralement et que l'électricité amène des gains de massemasse. Airbus a testé des moteurs électriques pour faire rouler un A320, un procédé bien plus efficace que les réacteurs, qui ne sont pas faits pour cela. Puisse le tour du monde de Solar Impulse inspirer la prochaine génération d'ingénieurs aéronautiques et autres, qui devront penser autrement.