Des analyses de sang révèlent que les riverains du Rhône et de la Seine présentent des taux élevés de PCB, alias Pyralène, et semble montrer un lien avec la consommation de poissons locaux. Commanditée par une association de défense de l'environnement et par le WWF, cette étude, de faible ampleur statistique, arrive à point nommé, avant un travail à l'échelle nationale qui débutera cette année.

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    Le logo choisi par WWF pour dénoncer les dangers des PCB présents dans l'environnement. © WWF

    Le logo choisi par WWF pour dénoncer les dangers des PCB présents dans l'environnement. © WWF

    Le WWF, organisation internationale de protection de l'environnement, vient de rendre publics les résultats de cette « Etude d'imprégnationimprégnation au PCB », menée au mois de mars 2008 sur des personnes habitant près du Rhône ou de la Seine et ayant l'habitude ou non de consommer du poisson provenant du fleuve. Interdits de production depuis 1987, les PCB (polychlorobiphénylespolychlorobiphényles), plus connus en France sous le nom de PyralènePyralène (un nom commercial), ont longtemps et largement été utilisés à différents usages dans l'industrie, notamment comme fluide transporteur de chaleurchaleur ou servant d'isolants dans les transformateurstransformateurs électriques. On en trouvait également dans bien d'autres produits, comme les peintures. Chimiquement très stables, insolubles dans l'eau, ils subsistent très longtemps sans dégradation notable dans les sédiments. En revanche, parce qu'ils sont solubles dans les graisses, ces composés s'installent facilement dans les organismes vivants pour s'accumuler vers le haut de la chaîne alimentaire. L'alimentation est donc la source première de contaminationcontamination. Leurs effets nocifs sont indiscutables mais mal cernés. On les  pense cancérigènes et perturbateurs du métabolismemétabolisme hormonal.

    En 2006 et 2007, la découverte de fortes teneurs de PCB dans le Rhône avait conduit à interdire la consommation de poissons pêchés dans le Rhône dans plusieurs départements entre Lyon et la Méditerranée. Au mois de mai dernier, la préfecture de Rhône-Alpes a levé partiellement l'interdiction, pour certaines espèces, entre ValenceValence et Avignon. Mais le doute demeure et une étude nationale démarrera en juin, menée par l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des alimentsAgence française de sécurité sanitaire des aliments) et l'InVS (Institut de veille sanitaireInstitut de veille sanitaire). Elle concernera plusieurs sites, dont le premier sera choisi en juin et l'étude s'étendra d'octobre 2008 à mai 2009. Les résultats ne sont pas attendus avant 2010.

    Résultats des dosages de PCB, en picogrammes par gramme de matière grasse dans les trois groupes étudiés. Les quantités mesurées sont de 16,83 pg/g dans le groupe 3 (témoin, indiqué en jaune), de 29,03 pg/g dans le groupe 2 (vit au bord du fleuve mais mange peu de poisson, en vert) et de 69,9 pg/g dans le groupe 1 (vit au bord du fleuve et mange du poisson, en rouge). © ASEP/WWF

    Résultats des dosages de PCB, en picogrammes par gramme de matière grasse dans les trois groupes étudiés. Les quantités mesurées sont de 16,83 pg/g dans le groupe 3 (témoin, indiqué en jaune), de 29,03 pg/g dans le groupe 2 (vit au bord du fleuve mais mange peu de poisson, en vert) et de 69,9 pg/g dans le groupe 1 (vit au bord du fleuve et mange du poisson, en rouge). © ASEP/WWF

    Une contamination apparemment liée à la consommation de poisson

    C'est une sorte d'avant-goût de cette étude qu'a réalisée une équipe de médecins, sous l'égide du WWF et de l'ASEP  (Association santé-environnement Provence), sur 52 personnes, de 9 à 83 ans, dont 21 femmes et 31 hommes. Parmi elles, 42 habitent dans le deltadelta du Rhône, trois ont l'habitude de pêcher dans la Seine et l'un est pisciculteur sur la Somme. Les autres (6) sont considérées comme des témoins. Aucune n'est en contact avec les PCB dans sa profession. Ces volontaires se sont prêtés à une analyse de sang et ont répondu à un questionnaire sur leurs habitudes alimentaires.

    Les responsables de l'étude ont divisé cet échantillon en trois groupes selon leur degré d'exposition. Le groupe 1 vit au bord du fleuve et mange du poisson. Le groupe 2 vit au bord du fleuve mais mange du poisson moins de une fois par semaine. Le groupe 3 vit loin du fleuve et ne mange jamais de poisson qui en provient.

    Les résultats sont nets. Les consommateurs de poissons (groupe 1) atteignent près de 70 picogrammes par gramme de matièrematière grasse (extrait sanguin dans lequel se trouve les PCB). Les riverains sont à 28 et les autres à environ 17. A l'intérieur du groupe 1, 15 personnes disent consommer du poisson au moins deux fois par semaine et celles-là affichent un score de 93,13 picogrammes/gramme. Dans le groupe 3, la concentration mesurée semble augmenter avec l'âge du sujet.

    Ces données évoquent donc un effet quantitatif de la consommation de poissons mais aussi de la proximité avec le fleuve, ce qui suggère une autre source de contamination, inconnue.

    A cause de la faiblesse de l'effectif, les auteurs de l'étude ne peuvent compléter leurs résultats par des marges d'erreur et les conclusions doivent donc être déduites avec prudence. Le travail confirme tout de même ce que l'on savait déjà : il y a beaucoup de PCB dans les fleuves français. Il conduit aussi fortement à supposer que les populations riveraines sont réellement exposées et qu'un risque sanitaire doit être suspecté.

    Le WWF et l'ASEP ont présenté leur étude le jour où se réunissait un comité de suivi des PCB dans le Rhône. A sa sortie, le préfet du département du Rhône, comme le rapporte Libération, reconnaissait l'ampleur du problème à résoudre : « Le véritable enjeu, c'est la dépollutiondépollution du Rhône et de ses affluents. Mais personne ne sait comment faire. Il n'existe aucun procédé au monde pour traiter de telles quantités ».